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Paiement par tweet, application Apple Watch et autres Google Glass, les banques lancent des innovations tous azimuts pour rester dans le coup. Mais la concurrence se multiplie. Certaines misent donc sur de véritables écosystèmes de l'innovation pour tirer leur épingle du jeu.

La semaine dernière, la tant attendue Apple Watch débarquait dans les magasins de neuf pays dont la France. Aussitôt, la plupart des institutions financières annonçaient la sortie de leur application compatible. Première banque française sur Google Glass, Crédit mutuel Arkea, l'une des six caisses fédérales du Crédit mutuel, avait dégainé bien avant les autres, au mois de mars.

Depuis le 24 avril donc, nombreuses sont les banques à avoir succombé au géant de Cupertino: BNP Paribas, Hello Bank (BNP Paribas), CIC, Crédit mutuel et les Banques populaires ont pris le train dès le départ. À l’inverse de pure players comme ING Direct ou Boursorama qui restent pour le moment à l’écart. Ce qui pourrait sembler anecdotique montre que le secteur bancaire a entamé sa mue numérique, conscient de ce qui compte aujourd’hui: la relation client cross-canal. Les agences bancaires n’ont plus l’apanage de la relation en matière financière. Les points de contact se multiplient, le mobile est ainsi en pleine explosion. Selon les prévisions du cabinet Juniper Research, la banque mobile pourrait ainsi atteindre 1,75 milliard d’utilisateurs dans le monde en 2019, contre 800 millions en 2014. Mais cette mue suffira-t-elle à sauver la peau des banques dans un contexte de plus en plus concurrentiel ? 

Plus conversationnelle que transactionnelle

«Aujourd’hui, on sent qu’on arrive dans une ère où l’on va avoir plus de mal qu’avant à valoriser le service financier traditionnel orienté sur les transactions, témoigne Julien Maldonato, directeur conseil industries financières de Deloitte. Les GAFA ont progressivement habitué les utilisateurs à la gratuité de service, ces derniers vont donc de plus en plus se questionner sur le prix d’une transaction, même si elle est régulée.»

Avec des banques en ligne 100% mobile, comme Soon (Axa Banque), certains tentent de pallier ce besoin de gratuité avec des offres où la carte bleue ne coûte pas un centime. «C’est une bonne illustration de ce qu’il faut faire. Axa a refondu l’expérience pour être "mobile first". Ils ont repensé les interactions et réinventé les parcours. Au final, on obtient une application qui ressemble à Facebook, avec une ligne conversationnelle plus que transactionnelle et l’expérience est presque ludique. La banque digitale est le premier alignement vers une nouvelle génération de clients, ajoute Julien Maldonato. Une génération qui consomme différemment, à la demande et de manière collaborative, ce qui nécessite d’adapter les produits à ces nouveaux comportements et de préparer les générations futures avec des offres encore plus en rupture.»

Les «Fin Tech», fleurons de la French Tech

A condition que ces offres ne viennent pas d’ailleurs. Car depuis quelques mois, les «Fin Tech», ces start-up spécialisées dans la technologie financière, ont le vent en poupe. Fleur Pellerin entend en faire la fine fleur de la French Tech et les régulateurs travaillent à un nouveau texte, la DSP2 (directive services de paiement) pour «encadrer juridiquement les nouveaux acteurs intervenant sur le marché des paiements en ligne, et non régulés à ce jour». La porte leur est donc ouverte. Et tout s’est accéléré ces derniers mois. Le «volume mondial des investissements Fin Tech est passé de 3 milliards de dollars en 2013 à 15 milliards en 2014», ajoute ainsi Julien Maldonato.

Paypal avait ouvert la voie, Apple Pay s’y est engouffrée mais ce sont surtout des petites pousses agiles qui s’attaquent à chaque ligne de business des banques traditionnelles, en rendant un service plus souple et parfois moins coûteux (lire encadré). Dans son livre Changeons la banque!, le PDG d’ING France, Benoît Legrand, pose comme hypothèse que la banque traditionnelle pourrait tout simplement être amenée à disparaitre, au profit des services financiers proposés par ces start-up ou par les géants de l’internet.

Mais s’il existait une autre voie? Depuis 1978, l’Atelier de BNP Paribas sert à détecter les innovations de rupture et à accompagner leur mise en œuvre. Du côté d’Axa, la veille tient sur deux jambes comme l’explique Minh Tran, directeur général d’Axa Factory, l’incubateur de l’assureur: «Les conférences, les discussions avec Axa Lab(cellule de veille à San Francisco) et les start-up nous nourrissent, mais nous avons aussi des outils technologiques quantitatifs qui permettent de suivre 400 000 start-up du monde entier.» Selon Julien Maldonato: «Beaucoup de banques réfléchissent aux meilleures synergies pour utiliser les start-up comme un catalyseur de leur transformation. Cela va de la veille, sans lien capitalistique, comme l’incubation, à l’investissement via des fonds, voire même le rachat de start-up, ce qui reste extrêmement rare.»

Les hackathons, recette à succès

BNP Paribas vient de lancer deux espaces baptisés «We Are Innovation» pour mettre en relation start-up et ETI (Entreprise de taille intermédiaire), tout en accélérant leur croissance respective. Un moyen de garder un œil sur ce qui se fait de mieux mais aussi de s’adapter aux futurs grands comptes de demain. «En tant que banque, il faut qu’on apprenne à accompagner les start-up pour mieux comprendre ce dont elles ont besoin et qu'on adapte notre grille de lecture à leur modèle économique, admet Myriam Beque, directrice de projet chez BNP Paribas. Les start-up sont des entreprises qui vont grandir, c’est donc extrêmement important de s’associer à cette phase de lancement.» Le Crédit Agricole avait lancé son «Village», de même qu'Axa, qui a créé en 2013 sa Factory incubant une dizaine de start-up par an, ou encore la Société générale, partenaire principale de l’incubateur Player, tout juste créé dans le Sentier à Paris. Les hackathons, ces marathons de la bidouille, sont aussi une recette à succès. Chaque édition est l’occasion d'obtenir des retombées presse et de repérer les jeunes espoirs. Banque populaire, Crédit agricole, Société générale… tous s’y sont mis ou presque.

Certaines banques tissent également des partenariats, commerciaux ou non. À l’instar de la Banque postale, qui a très vite su nouer les bons liens avec des plateformes de crowdfunding comme Kiss Kiss Bank Bank ou Hello Merci. D’autres investissent, et créent des fonds d’amorçage comme Axa avec le fonds Axa Strategic Ventures, doté de 200 millions d’euros ou BNP Paribas qui investit indirectement via le fonds Partech Entrepreneur. Crédit mutuel Arkea est même actionnaire de la plateforme de crowdfunding Prêt d’union.

Développement en interne

«Il faut que nous puissions accompagner cette transformation, l’idée est donc d’être aussi agiles que de nouveaux acteurs, témoigne Philippe Poirot, directeur développement digital et de la transformation du groupe BPCE. Nous travaillons en open innovation avec des start-up et nous développons nos compétences en faisant l’acquisition de savoirs et de briques technologiques. Le sujet majeur aujourd’hui, c’est de développer son écosystème de l’innovation.»

Pour développer cet écosystème, Boursorama (groupe Société générale), s’est offert Fiduceo, une start-up spécialisée dans l’agrégation de comptes bancaires. «Le risque de l’investissement brut, c’est que cela peut tuer la start-up qui a besoin pour avancer d’aller vite et de s’affranchir des contraintes des grands groupes», tempère Julien Maldonato. Mais quand la start-up naît en interne, c’est une autre histoire. Ainsi, le groupe BPCE a créé S-Money, une application qui agrège différents services et qui permet d’ouvrir un compte, de payer un commerçant ou un proche. «S-Money a été développée par le groupe BPCE mais elle a sa propre gouvernance et ses propres locaux, explique Philippe Poirot, ce qui lui confère une agilité qui permet de répondre rapidement à des sujets dans le monde des paiements.»

La riposte s’organise donc. Et les établissements sont même capables de s’allier pour fournir des solutions, comme Paylib, un moyen de paiement en ligne proposé par La Banque postale, BNP Paribas, Société générale, Hello Bank et Boursorama. Et à ceux qui se demandent si l’on peut réellement se passer des banques, des initiatives comme Compte Nickel, qui permet d’ouvrir un compte à peu de frais dans un bureau de tabac, prouvent que toutes les solutions sont possibles. Le hold-up pourrait donc bien avoir lieu, mais les gardes veillent.

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