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Fortement opposé au projet de loi sur le renseignement, l'Ordre des avocats de Paris, d'abord écarté des discussions sur le dossier, a finalement réussi à en apparaître comme le principal opposant, et au final comme un interlocuteur par le gouvernement. Étude de cas.

Objectif

Devenir un interlocuteur incontournable sur le projet de loi sur le renseignement. Dès le premier semestre 2014, l'Ordre des avocats de Paris sait que le gouvernement prépare une loi de lutte contre le terrorisme, dont il craint les effets pervers en termes de libertés individuelles. C'est le député PS Jean-Jacques Urvoas qui en est le rapporteur. Mais les travaux se font à huis clos. «On s'aperçoit vite qu'il sera difficile d'avoir des informations sur le texte et que le ministre de l'Intérieur ne souhaite pas nous recevoir, explique Nicolas Corato, directeur de la communication du Barreau de Paris. Dès lors, nos actions n'auront de cesse de faire en sorte que le bâtonnier soit reconnu comme le principal opposant au texte.»



Moyens

Un travail d'influence de fond, doublé d'une offensive médiatique. Le Barreau commence dès 2014 à préparer ses propositions en consultant les parlementaires, ministères, think tanks et spécialistes de la sécurité. Afin de «sortir de nos relations traditionnelles et naturelles avec le ministère de la Justice, priorité est donnée aux contacts avec le ministère de l'Intérieur, les syndicats de policiers, les magistrats et les organisations patronales fortement impliquées dans les questions de renseignement économique».

Parallèlement, des petits déjeuners sont organisés avec des parlementaires en présence de jeunes avocats ayant à traiter des dossiers de terrorisme. «Un moyen de présenter un retour direct du terrain», déclare Nicolas Corato.

Après les attentats de janvier, le processus législatif s'accélère. Le 19 mars, le texte de loi est présenté en Conseil des ministres. La réaction de l'Ordre est immédiate: par la voix de son bâtonnier, il sera le premier avec la Cnil à prendre la parole sur le sujet via l'AFP. S'enchaînent les interventions dans les médias (Le Parisien, BFM, Jean-Jacques Bourdin sur RMC, I-Télé, Soir 3, Le Figaro, Le Monde... jusqu'au New York Times), avec cette idée toujours reprise en filigrane: «Même le bâtonnier de Paris s'oppose à ce texte...».



Résultats

Le Barreau s'est imposé dans le débat et a fait bouger les lignes. «Suite à notre offensive dans les médias, Jean-Jacques Urvoas a accepté une audition de l'Ordre, et dans la foulée nous avons pu prendre contact avec les interlocuteurs décisionnaires au ministère de l'Intérieur, à l'Assemblée, au Sénat et même à Matignon», constate Nicolas Corato, qui estime avoir permis une réflexion sur des modifications de certains aspects marginaux du texte, mais importants en termes de protection des libertés: comment s'exercera le contrôle? Quelle sera l'étendue de la protection du secret professionnel (médecins, magistrats, avocats...)?

«Au final, nous avons également contribué à faire de la pédagogie auprès du grand public, mais aussi auprès de certains élus», se félicite le directeur de la communication qui estime avoir fait bouger les lignes et espère bien obtenir des résultats concrets lors du vote définitif à l'Assemblée, cet été. 

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