Un projet symbolique sous toutes les coutures. La commémoration du Débarquement de 1944 en Normandie, organisée par Magic Garden le 6 juin 2014, possédait plus d’une vertu. Que ce soit pour le gouvernement, par l’intermédiaire du ministre délégué aux Anciens combattants, ou de Bertrand Biard, cofondateur de Manifestory, président de l’Anaé et du jury Stratégies. La cérémonie devait être un hommage aux victimes de la Seconde Guerre mondiale et un chant de paix. Mais en 2014, la question européenne est sur toutes les lèvres. L’euroscepticisme gronde, et les partis populistes donnent de la voix. Le commanditaire voulait insister sur le rôle du Débarquement dans la construction européenne, et adresser un message fort aux jeunes générations.
Magic Garden, dont le seul fait d’armes à l’époque était le centième anniversaire de l’Industrie, de l’Aéronautique et de l’Aérospatial en 2008, n’était pas parmi les favorites. Face à elle, le scénographe Daniel Charpentier, qui avait déjà réalisé les cérémonies du soixantenaire, et les agences S'Cape et Agence Publics. Mais l’agence de Beatrix et Brice Mourer, qui a commencé dans la musique, a plus d’un tour dans son sac. Notamment en sachant s’entourer. Yvan Hinnemann en tant que DA et à la scénographie, Christophe Berthonneau comme consultant artistique, Philippe Désert à la décoration, et Patrick Rotman, le scénariste qui a travaillé sur le documentaire, et Delphine Caron pour la chorégraphie.
«Nous avons opté pour une idée très pédagogique. Nous ne voulions pas être dans l'émotion, ni dans le people», explique Beatrix Mourer, vice-présidente de l’agence et metteur en scène. «Nous voulions donner un angle large au Débarquement, raconte Patrick Rotman. Mettre en avant l'enjeu du combat de la liberté face à la barbarie, mais aussi insister sur son importance dans la construction européenne.» Un choix qui fera la différence. Pendant l’appel d’offres, Magic Garden sera toujours en tête. Une fois la compétition gagnée, début février, il ne reste que quatre mois avant le jour-J.
Budget total: 2millions d'euros
Le spectacle aura lieu sur la plage de Ouistreham, lieu où 29000 Britanniques avaient débarqué. Un Zenith artificiel de 11,5hectares a été reconstitué pour accueillir 9000 personnes. Pour un budget total de 2millions d'euros, légèrement dépassé... «Le gouvernement a fait un ajout car ils avaient oublié le centre de presse international», précise Beatrix Mourer. Sur la scène, devant les 18chefs d'Etat ou de gouvernement présents lors de la cérémonie, Magic Garden a fait appel à 400 bénévoles et 150 enfants, pour inclure les populations locales dans le spectacle. «Il y en avait moins de prévu au départ, mais nous avons assumé d’en mettre plus pour des choix artistiques», raconte Brice Mourer. Cet ajout n’était pas dans le budget de départ, mais l’agence a voulu assumer (les bénévoles représentent aussi un coût en termes de costumes, de repas, d’encadrement, etc.). «Nous avions une grosse pression sur l’artistique, explique Beatrix Mourer. Retransmis devant des centaines de millions de téléspectateurs à travers le monde, le message doit être compris par la ménagère de l’Arkansas, comme par le Normand ou le Hongrois. »
Recontextualisation artistique du message
Tous les symboles sont scrutés, et tout est passé au crible de la nombreuse équipe politique qui doit donner son accord pour tout. Magic Garden travaillera d’ailleurs, dès la conception du spectacle, avec le réalisateur qui filmera la cérémonie en direct, pour faire en sorte que tout rende au mieux sur scène comme à l’écran. Pour Bertrand Biard, cofondateur de Manifestory, président de l’Anaé et du jury Stratégies, «il y a eu beaucoup de débats, et le choix n’était pas évident! Mais nous avons récompensé plusieurs choses. L’idée d’inclure des bénévoles locaux –ce qui n’est jamais simple– le contexte politique, qui n’a pas rendu les choses évidentes, et, surtout, le message très fort développé pendant le spectacle. La capacité à dépasser le stade de la commémoration et de développer ce message d’une manière artistique.» Ce travail de recontextualisation du message du client, développé d’une manière vivante, qui est le propre de la communication événementielle.
