Stratégie de marque
La Française des jeux s’engage dans un plan de numérisation qui doit lui permettre de reconquérir le public perdu ces dernières années, notamment les jeunes et les femmes. Le mobile est au centre de la stratégie.

On saura enfin bientôt où est Dédé: le petit cochon sympathique du jeu de la FDJ sera… dans notre poche. Comme d’autres produits de l'entreprise de loterie, il devrait trouver une nouvelle vie dans les smartphones, nouvel enjeu majeur de la Française des jeux. Contrôlée à 75% par l’État, elle compte s’appuyer sur les téléphones mobiles pour accélérer sa croissance et surtout reconquérir d’ici 2020 le million de clients perdu depuis cinq ans. Ce plan d’attaque, baptisé «FDJ 2020», prévoit d’associer l’univers du jeu réel, dont les classiques comme le Loto, à celui du virtuel. Dans cinq ans, la FDJ vise un chiffre d’affaires réalisé à 20% par les jeux en ligne et la délinéarisation des paiements.

L’entreprise met les moyens. Elle a même cassé sa tirelire: 500 millions d’euros seront consacrés à l’ensemble des développements numériques durant la période, dont 180 millions pour la modernisation du réseau physique, où seront installés de nouveaux terminaux, et 250 millions consacrés spécialement au renouvellement des systèmes informatiques et l’installation de bornes wifi, indispensables pour les nouveaux jeux, dans les points de vente. De quoi répondre aux 73% des joueurs affirmant que leur usage en matière de jeu a changé à cause de l’ordinateur ou du téléphone mobile.

Joue-là comme Candy Crush

«Notre but est d’anticiper et d’innover, affirme Stéphane Pallez, la PDG de la Française des jeux. Nous voulons séduire les jeunes adultes et les femmes mais aussi développer les mises numérisées, sans mettre en opposition le réseau physique et les ventes en ligne.» Concrètement, la FDJ souhaite prendre ce nécessaire virage numérique, tout en préservant son client traditionnel et historique, celui qui vient deux ou trois fois par semaine cocher ses numéros du Loto sur une grille au bureau de tabac ou à la maison de la presse de son quartier.

Ce chantier, qui a demandé neuf mois de préparation, doit donc être abordé en douceur. Il s’amorce dès maintenant. Ainsi, dans quelques semaines seront lancés deux jeux destinés aux mobiles: «Gare O loup» et «la Ruée vers l’or». «C’est la nouvelle génération des jeux de loterie, confirme Stéphane Pallez. Dans cinq ans, 10% du chiffre d’affaires se réalisera sur des jeux qui n’existent pas aujourd’hui.» Une quarantaine de jeux destinés aux smartphones seront lancés en 2016. FDJ s’immisce donc dans le jardin des «casual games» (jeux occasionnels), dont 19 millions de Français seraient des utilisateurs quotidiens, notamment de Candy Crush.

L’étape suivante est l’arrivée de jeux associant le réseau, c’est-à-dire les bureaux de tabac ou maisons de la presse, à internet. Le premier annoncé est «La poule aux œufs d’or». Un ticket à gratter, acheté dans un point de vente, révèlera un gain potentiel pouvant être gagné grâce à un jeu disponible sur le mobile et déclenché avec un code. Cette nouvelle expérience sera testée fin 2016 dans le nord de la France avant un possible déploiement national courant 2017. Plus tard, ce sont des enquêtes policières, avec des indices à retrouver, que FDJ proposera avec des gains à remporter à la clé. De nouvelles expériences de jeux, mais également plus longues.

Tutoriels en ligne

Les deux piliers de la FDJ, le Loto et l’Euro Millions, seront aussi soumis à cette cure de modernisation numérique. «Beaucoup de gens n’osent pas franchir le pas d’un point de vente car ils ne savent pas comment jouer, affirme Stéphane Pallez. Le mobile permettra d’accéder à des tutoriels aidant, par exemple, à remplir les grilles.» FDJ promet aussi une application capable de choisir des chiffres en fonction de photos prises avec son téléphone. «Nous devons relever le défi du divertissement car, aujourd’hui, le jeu est partout», explique Cécile Lagé, directrice du digital à la FDJ. Plus besoin donc, comme dans ce mythique spot publicitaire du Loto, d’aller dans un restaurant chinois relever les numéros des menus pour remplir sa grille.

Parions Sport, l’offre de paris sportifs du réseau, est également concernée. Les joueurs pourront préparer leurs mises sur une application propre, pour l’enregistrer automatiquement dans un point de vente. Dans quelques mois, dès qu’il franchira le seuil d’un point de vente, le parieur recevra aussi un message sur son téléphone lui indiquant qu’il lui reste encore deux heures pour mettre une pièce sur son équipe favorite dont le match se dispute le soir même.

Partenariats multiples

Tous ces développements nécessitent des recherches. La FDJ dispose de ses propres studios internes. Toutefois, l’entreprise va nouer des partenariats pour créer un réseau d’entreprises dans le domaine du jeu, notamment via un investissement de 13 millions d’euros dans le fonds Partech, spécialisé dans le développement de start-up. Deux partenariats ont été conclus. L’un avec Asmodée, éditeur de jeu, numéro 2 européen. Le second avec la Web School Factory, un laboratoire d’idées installé dans le 13e arrondissement parisien. «L’objectif est, avec les étudiants de cette structure, de comprendre les usages des jeunes adultes et de concevoir de nouveaux jeux et services», annonce Stéphane Pallez.

La dernière pierre du chantier numérique de FDJ s'appelle Google. L’entreprise française a signé un accord commercial avec le géant américain pour une communication plus ciblée sur You Tube, le site de partage de vidéos. «Notre objectif est de toucher les 18-35 ans, et cet accord nous permettra de développer des actions marketing plus ciblées», explique Stéphane Pallez, qui espère donc que ses paris numériques se révèleront gagnants.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.