Jeudi 9 décembre au soir, sa sortie en France était officialisée au Centre commercial, boutique de vêtements écoconçus ouverte à deux pas de la place de la République à Paris par les fondateurs de Veja, marque de baskets éthiques. Objet de la soirée? Le lancement en précommande du Fairphone 2, un smartphone présenté comme durable, conçu de façon écoresponsable, réparable et personnalisable.
À l’origine du projet, la start-up néerlandaise qui a lancé le Fairphone 1 en 2014, vendu à 60 000 unités après qu'elle ait fait appel à la plateforme de financement participatif Kickstarter. Le concept: un smartphone équitable, avec des fournisseurs respectueux de l’environnement, et fabriqué en Chine dans des usines respectant les droits des ouvriers.
En 2010, Fairphone était encore une ONG à l'origine d'une campagne destinée à faire prendre conscience de l’utilisation de minéraux issus des zones de conflit dans l’électronique grand public. Trois ans plus tard, elle s’enregistrait comme société pour lancer son premier produit. La start-up «sociale» avait levé 7 millions d'euros lors de sa campagne de crowdfunding. Elle compte maintenant 45 salariés et a réalisé 16 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Contre l'obsolescence programmée
Le Fairphone 2 est un smartphone à écran 5 pouces, qui tourne sous Android 5.1 Lollipop (il bénéficie donc de la boutique d’applications très fournie d’Android) et est doté d’une double carte SIM. Il serait équivalent, en performances, au Galaxy S5 de Samsung. «Nous avons pris en main le design du Fairphone 2, nous avons donc pu sélectionner les fournisseurs dans la chaîne d’approvisionnement des composants et sur les processus de fabrication», précise à Stratégies Tessa Wernink, cofondatrice de Fairphone. De nouveaux partenaires industriels sont venus s'ajouter à ceux qui avaient participé à la fabrication du premier modèle. Par souci de transparence, la start-up a même publié une carte en ligne qui localise ses principaux fournisseurs pour le Fairphone 2.
La grande idée de ses concepteurs est d'en faire un appareil high-tech réparable, donc durable, pour faire fi de l’obsolescence programmée dont est accusée l'économie de la haute technologie. «Nous voulons que notre téléphone dure de trois à cinq ans», précise Tessa Wernink. À la manière d'un Lego, la coque, la batterie, le micro, le haut-parleur, l’écran et les autres composants s’emboîtent donc facilement, à l’aide d’un simple tournevis. L’utilisateur pourra acheter ses «modules» séparément, et les remplacer, au gré des innovations.
Partenariats de distribution
Reste à lui trouver un marché. Et le faire connaître. Le Fairphone 2 est commercialisé pour 532 euros, sans campagne marketing –l’un des principes fondateurs du Fairphone et de ne pas avoir à inclure de budget communication. Et sans investiseurs extérieurs, pour préserver son indépendance. Un «bobophone», persiflaient certains lors de la soirée de lancement, qui aura du mal à se faire connaître au-delà des initiés.
A priori, il n’y aura pas de partenariats avec des opérateurs télécoms, susceptibles de subventionner ce smartphone «durable» et de le faire connaître. «Nous voyons un intérêt des opérateurs et sommes en contact avec certains d’entre eux, dont Orange. Mais nous voulons bâtir de nouveau types de partenariats avec de plus gros distributeurs, qui adhèrent à l’idée de réparer et conserver un téléphone aussi longtemps que possible», précise Tessa Wernink. De fait, le 9 novembre au soir, des responsables de la branche Développement durable des centres E.Leclerc étaient présents. Ils nous confiaient ne pas exclure de distribuer cet appareil un jour ou l’autre. Au Royaume-Uni, Fairphone a déjà un partenariat avec The Phone Co-op, un réseau de distribution équitable de smartphones.
Le Fairphone 2, disponible, a déjà fait l’objet de 22 000 précommandes, sur trois pays principaux: les Pays-Bas, l'Allemagne et la France. D’autres smartphones modulaires devraient bientôt être lancés, comme l’ambitieux projet Ara, parrainé par Google, ou le Puzzle Phone.