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Le spot « Générations heureuses» a été vivement critiqué sur les réseaux sociaux. Il visait pourtant à soutenir le discours d’engagement du distributeur initié en 2011 avec TBWA Paris.Thierry Desouches, responsable des relations extérieures de la coopérative, a accepté de tirer les leçons de ce bad buzz avec Stratégies.

Votre spot «Générations heureuses» sur fond de pleurs stridents de nouveaux-nés, tourné en Nouvelle-Zélande, a fortement déplu. Et on a le sentiment que Système U n’a pas réagi à la hauteur du bad buzz sur internet ?

Thierry Desouches. Chez Système U, c’est vrai, nous sommes plus réceptifs et plus à l’écoute de ce qu’expriment nos clients et nos coopérateurs directement dans les magasins, et la majorité d’entre eux ne sont pas sur Facebook et Twitter. Nous nous méfions un peu des critiques sur internet et de la surenchère qu’elles peuvent générer entre des individus anonymes derrière leur ordinateur. Ainsi, notre campagne «Noël sans préjugés» de décembre avec un catalogue de jouets sans distinction de genre garçon/fille a attiré les foudres de certaines communautés sur internet, mais nous n’avons pas eu de retours négatifs de nos clients qui ont très bien compris notre démarche.



Ça ne semble pas avoir été le cas avec ce film…

T.D. En effet! Quand nous avons constaté que les deux canaux, magasins et internet, réagissaient dans le même sens critique, nous avons réalisé que notre film n’avait pas été compris. Les cris des nourrissons ont dérangé.



Et même choqué. Un internaute vous demande si les bébés n’ont pas été maltraités ?

T.D. Évidemment que non! Notre community manager a d’ailleurs répondu à cette question.



Vous auriez pu atténuer le bad buzz en stoppant la diffusion du film comme le réclamaient les internautes, ou au moins en exprimant sur vos réseaux sociaux vos regrets d’avoir ainsi heurté la sensibilité des gens. (1)

T.D. Nous n’avons pas découvert la communication de crise avec cette affaire. Nous savons qu’il vaut mieux dans certains cas ne pas répondre immédiatement pour ne pas alimenter la polémique. Nous avons donc décidé de maintenir notre campagne de 15 jours (6 au 19 mars ) et de répondre poliment sur Facebook et Twitter en rappelant l’objectif de la campagne. Nous n'avons pas fait la sourde oreille mais pas souhaité nous justifier afin d’éviter une surenchère.



Feriez-vous autrement désormais ? 

T.D. Nous voulions faire un film fédérateur et manifestement il y a eu un problème de compréhension avec le public. Ce n’est jamais très agréable de reconnaitre qu’on s’est trompé. Mais nous entendons l’argument selon lequel nous aurions pu nous expliquer sur internet et ainsi répondre aux attentes et amener plus de dialogue. Cela aurait sans doute calmé les choses. Nous n’avons sans doute pas pris toute la mesure de ce bad buzz. C’est un cas qui va nous servir d’expérience et nous amène à nous poser de nouvelles questions.



Quelles conséquences sur le plan publicitaire ?

T.D. Nous allons analyser ce qui s’est passé avec notre agence TBWA Paris qui nous accompagne depuis 25 ans et nous connait très bien. C’est avec TBWA (ex-BDDP) que, pour émerger en 1990, nous avons adopté un discours disruptif en utilisant Daniel Prevost pour nos campagnes radio. Concernant ce film, que nous avons visionné dans le contexte de l'agence, nous avons certainement mal estimé la perception du public. Donc on tourne la page. Système U est une coopérative de 1600 entrepreneurs et la communication porte leur image de marque. Nous devons veiller, tout en conservant une création innovante, à ce que nos publicités soient moins en décalage avec nos clients et plus compréhensibles. 

Depuis 2011, notre plateforme de marque vise à prendre position en tant que distributeur sur les enjeux de demain à travers un discours sur les prix, la chaîne de production et la santé de nos consommateurs. C'est l’objet du spot de promotion que nous avons diffusé fin mars après celui des «bébés» (haricots verts surgelés à 1,19 euros récoltés en France). Avec notre signature «U le commerce qui profite à tous», nous mettons ainsi en avant nos valeurs sociétales ajoutées, selon la formule de notre PDG Serge Papin.



Quels sont vos enjeux et quels seront les thèmes de vos prochains films ?

T.D. Le modèle de la grande distribution est malmené. Il a peu évolué depuis les années 60: c’est un magasin en libre-service, un chariot, et un discours sur les prix et les promotions. Or aujourd’hui nous affrontons la concurrence de pure player numériques –et demain d’Amazon qui arrivera sur le commerce alimentaire– et une nouvelle génération émergente de consommateurs pour qui la consommation est un acte quasi militant qui a des conséquences sur la santé et l’environnement. Système U doit s’adapter, au risque de perdre des parts de marché et faire évoluer ses arguments.

Si le modèle supermarché n’est pas mort, il faut ramener du métier et du savoir-faire dans nos magasins avec des rayons boucherie et boulangerie qui conseillent les clients. Il faut aussi continuer à mettre en avant la proximité locale des produits. Cette valeur ajoutée, le commerce électronique ne peut pas la proposer et c'est le sujet de nos prochaines publicités. Nous avons déjà retiré les composants polémiques comme l’huile de palme, le bisphénol A ou l’aspartame des produits U. Et Greenpeace vient de saluer Système U –et Carrefour– sur nos efforts pour réduire les pesticides. Système U est un acteur du grand commerce généraliste qui a évidemment des enjeux de compétitivité, mais c'est aussi un acteur de la société qui a des responsabilités pour les générations à venir. C’est une posture stratégique et une conviction.

 

 

 

Chiffres clés de Système U

4ème distributeur français

10% de part de marché

+2,3% de croissance en 2015 sur un marché étale

1600 commerçants

65 000 collaborateurs

 

(1) Lire la tribune de Marie Muzard, fondatrice de MMC Conseil: «Les magasins U font hurler les bébés et… la Toile»

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