Dossier Support papier
Générer une émotion et créer un lien à nul autre pareil. Ces capacités propres au papier n’ont jamais cessé de susciter l’intérêt des marques de luxe.

Luxe et papier entretiennent depuis longtemps un rapport étroit. «Vous seriez surpris de l'intérêt que les marques de luxe portent au papier», assure Jérôme Pichot, directeur des marques de luxe chez le papetier Arjowiggins. De fait, si le digital a trouvé sa place dans cet univers, il n’a pas du tout pris celle du papier. Une matière qui joue un rôle fondamental dans le rapport que ces marques souhaitent instaurer avec leurs clients. La vague du «low packaging» n’a ainsi trouvé aucun adepte dans un secteur qui se targue de vendre des moments et des expériences hors du commun. Arjowiggins mise d’ailleurs beaucoup sur ce domaine. Le packaging constitue en effet un moment clef de la rencontre avec le produit, rappelle Jérôme Pichot: «Il est notre terrain de jeu car il porte l’émotion à son paroxysme, juste avant que ne soit découvert le contenu.» Impossible, en effet, d’imaginer une Rolex ou un bijou Van Cleef & Arpels présenté dans un écrin sans attrait.

Le papier suscite aussi l’intérêt car il ne pose guère de limites à l’imagination. Nicolas Izarn, cofondateur et directeur de création de Victor Paris, agence spécialisée dans l'univers du luxe, ne perd jamais une opportunité de visiter Luxe Pack, le salon de l’emballage des produits du secteur qui se déroule successivement dans trois villes (Shangai, New York et Monaco), pour y glaner les tendances du moment. Pour Longchamp, il a ainsi réalisé un coffret qui créait un contraste inattendu entre le volume extérieur et la dimension de son contenu, en l’occurrence une carte de visite de taille réduite. Le papier a par ailleurs une capacité étonnante à s'associer à d’autres matières, raconte Nicolas Izarn: «J’ai travaillé avec un papier qui était constitué à 80% de cuir et 20% de cellulose, ce qui permettait de tatouer cette matière comme s’il s’agissait d'une vraie peau.»

Une grande diversité pour des produits uniques

Très au fait de l’appétit de nouveautés des directeurs artistiques des agences, les fabricants de papier renouvellent leur gamme tous les deux à trois ans. Une fréquence qui coïncide plus ou moins avec les tendances. Celle dite du «soft touch», si prisée il y a quelques années encore, et celle des papiers irisés sont désormais caduques. Place désormais aux papiers 100% coton, proches du vélin et ultra-mat, développe Nicolas Izarn: «Maintenant prédominent les touchers texturés, légèrement rugueux, qui offrent des sensations physiques caractéristiques. Les photos ne brillent absolument pas, on a l’impression d’entrer dans l’image. Mais le papier boit beaucoup, il faut des taux d’encrage adaptés.»

Parmi toutes les nouveautés, certaines deviennent des références. Ainsi le papetier allemand Gmund a-t-il fabriqué des papiers aux couleurs marrons et chocolat très appréciés. De même, l’italien Fedrigoni, fabricant de papier depuis le début du XVIIIe siècle, a-t-il marqué les esprits avec son Sirio Ultra Black teinté dans la masse et dont le grammage peut atteindre 680 g. «Cela permet d’effectuer un embossage sans contrecollage», explique Nicolas Izarn. Arjowiggins s’est aussi illustré avec son Curious Matter, un papier fabriqué à partir d’amidon de pommes de terre. «C’est un produit particulier, détaille Nicolas Izarn. Le papier est très mat, avec un toucher spécifique. Il absorbe la lumière d’une manière particulière et est disponible dans une gamme de couleurs modernes.»

Cette immense diversité permet aux marques de luxe de composer des publications qui projettent le lecteur dans leur univers. Louis Vuitton a ainsi choisi, pour sa collection de City Guides, des couvertures faisant écho à son lien avec le voyage, indique Aurélie Boué, directrice générale de l’agence BETC Luxe chargée du budget: «La confection des ouvrages est artisanale, la couverture est toilée et sérigraphiée.» Le choix des papiers n’est jamais laissé au hasard, encore moins à la seule main des prestataires, rappelle Jérôme Pichot, d'Arjowiggins: «Cette décision remonte au plus haut niveau de l’entreprise dès lors que les publications portent l’image d’un produit unique, comme la montre Rolex ou le sac Orange d'Hermès.»

Objet ambassadeur

Une publication peut même revêtir une telle importance qu’elle donne lieu à une compétition très serrée entre les grandes agences de la place. Ce fut le cas pour la brochure que souhaitait éditer le Royal Mansour de Marrakech, un palace marocain dont les plus belles suites s’affichent à 35 000 euros la nuit. Après un mois et demi de consultation, c’est la proposition de Victor Paris qui a remporté le budget. Conçue en collaboration avec Arjowiggins, la brochure créée par l'agence utilisait une quinzaine de papiers différents et faisait appel à diverses techniques d’impression, comme la gravure laser, l’embossage et la dorure. «C’est un objet ambassadeur auquel le papier apporte un toucher particulier», résume le directeur de création Nicolas Izarn. Tirée à 7 500 exemplaires, cette brochure est remise ou expédiée aux clients VIP du Royal Mansour.

Dans un monde digital, luxe et papier jouent une partition commune, estime Jérôme Pichot, d'Arjowiggins: «Les grandes maisons de luxe ont une ambition: garantir la qualité et l'authenticité. La qualité du papier soutient cette ambition. La certification d'authenticité d'un collier acheté place Vendôme ne peut être couché que sur un "beau papier tête de lettre".»

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