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La filière hippique remet à plat toute sa stratégie de communication et lance une marque commune, Epiqe. L’objectif est de relancer l’intérêt des Français pour les courses dans un contexte où les enjeux sont en baisse.

Le cheval prend le taureau par les cornes. Confrontée à une baisse de ses revenus, la filière hippique lance un nouvel univers de communication sous une marque unique : Epiqe, un nom choisi parmi 80 autres et créé par Dragon Rouge (avec l'aide de l’agence Joosnabhan) qui a également signé l'identité visuelle : une forme équine et un "i" qui rappelle la ligne droite du champ de course et reprend les codes des casaques. L’arrivée d’un nouveau diffuseur en début d’année, TF1, avec sa chaîne info LCI, n’était que la première étape. «Le but est d’aller interpeler le public en dehors de la sphère du cheval, indique Samuel Loiseau, directeur marketing et client du PMU. C’est un grand plan de transformation».

 

Outre le PMU, l’opérateur de paris du monde hippique, les deux principales sociétés de courses, France Galop et Le Trot, sont impliquées dans ce chantier. Une triple mobilisation exceptionnelle, mais nécessaire. Après plusieurs années de progression, les montants des enjeux sur les courses hippiques accusent une baisse depuis deux ans. Le volume reste quand même très élevé : 10 milliards d’euros en 2015. Mais il s'agit de la seule source de revenus de la filière équine. Ainsi,France Galop et Le Trot perçoivent la totalité de la marge nette du PMU, soit 800 millions d’euros permettant de faire vivre 70 000 emplois directs et d’en générer 180 000 indirectement.

 

Dans ce contexte, la feuille de route est simple. «Il faut anticiper cette décroissance et faire en sorte que la filière ne dépende plus exclusivement des paris hippiques, explique Samuel Loiseau. Nous nous sommes inspirés de ce que les autres sports ont fait». Eric Brion, président d’Equidia, la chaîne des courses et du monde du cheval détenue par PMU, confirme : «durant trois ans, nous avons regardé comment les sports professionnels ont fait évoluer leurs compétition et leur couverture média».

 

Un circuit de courses plus lisible

 

La première réforme des courses hippiques est la création d’un circuit. L’idée est de rendre plus lisible pour les néophytes un calendrier de 18 000 épreuves, dont 11 000 sont retransmises. «Un film publicitaire seul ne peut faire bouger les lignes, affirme Samuel Loiseau. En sport, il faut raconter un histoire, être dans la récurrence, dans le feuilleton». Ce nouveau circuit, baptisé Epiqe Séries, fédère les principales courses existantes. Il regroupe sept épreuves de galop, de mai à octobre, et sept de trot, de novembre à février, avec en grand final l’épreuve phare de chaque discipline : le Prix de l’Arc de Triomphe pour le galop, le Prix d’Amérique pour le trot. «Epiqe ne remplacera pas les marques existantes, mais permettra de cultiver l’émotion», assure Samuel Loiseau.

 

Le produit sportif est ficelé et prêt à être emballé. C’est le rôle de Jésus & Gabriel. L’agence de Gabriel Gaultier a été désignée après à un appel d’offres menée début 2016 et auquel avaient également répondu Publicis, Rosapark et TBWA. «L’idée n’était pas de parler de compétition ou de paris hippiques, mais de créer une série feuilletonnante et de raconter les histoires des courses et des hommes», confie Gabriel Gaultier. Ce rendez-vous, un programme court hebdomadaire d’une minute, est programmé sur TF1 le dimanche à 19h50. Le premier épisode de la "Saga Hippique" a été diffusé le 22 mai, quinze jours avant la première étape de l’Epiqe Séries, le Prix du Jockey Club à Chantilly.

 

«Ce ne sera pas un résumé des courses, mais une vraie histoire qui sera scénarisée et théâtralisée, précise Samuel Loiseau. Notre objectif est d’intéresser les 25-40 ans aux épreuves hippiques». La «série» pourra s’appuyer sur des images immersives et spectaculaires tournées grâce à des caméras embarquées ou des drones, agrémentées de statistiques détaillant la course, telle la vitesse instantanée des chevaux.

 

"Une audience télé doublée d'ici 2020"

 

La télévision ne sera pas le seul levier de communication. Epiqe bénéficiera de sa page Facebook, de ses comptes Twitter et Instagram, et d’une chaîne Youtube. L’ensemble de la communication s’inscrit dans la cohérence avec un univers musical, signé Sixième Son, et graphique, réalisé par Dragon Rouge. «Epiqe est un nom intemporel et avec lequel il est intéressant de jouer graphiquement, indique Jean-Baptiste Danet, président de l’agence de design. Cette marque doit créer l’envie et ne pas concerner uniquement les initiés». Vainqueur du dernier Grand Prix Stratégies du design pour le logo de Paris 2024, Dragon Rouge a également dessiné le Trophée Epiqe qui récompensera les vainqueurs du circuit : jockeys, propriétaires, entraineurs et lads. Autant d’éléments sonores et visuels qui seront portés par une campagne TV réalisée par Jésus & Gabriel qui génèrera 550 GRP sur les 25-40 ans. Pour les deux films publicitaires, l'agence a fait appel à Joey Starr pour la voix.

 

Le projet est ambitieux. «Nous visons, d’ici 2020, une augmentation de 30% de la fréquentation dans les hippodromes, une audience télé doublée, et 20% d’enjeux en plus sur les grands événements», détaille Samuel Loiseau. Mais, d’ici là, les patrons du monde du cheval scruteront un baromètre trimestriel sur l’intérêt des Français pour les courses hippiques. Ce taux s’élève à 7% aujourd’hui. «L’intérêt pour le football est de 44%, nous avons donc du potentiel», affirme Samuel Loiseau qui espère, dans un proche avenir, générer aussi des recettes marketing avec Epiqe, notamment en naming.

 

L’ouverture des courses passera enfin par un vocabulaire moins technique. D’ailleurs, les commentateurs de LCI, diffuseur quotidien des courses, ont été priés d’oublier les termes «pouliches» ou «dead-heat» au profit, respectivement, d’espoirs et d’ex-aequo, plus compréhensibles par le grand public. Comme les turfistes professionnels, les dirigeants des courses ne laissent rien au hasard.

Matador et Publicis Consultants en course pour Longchamp

Le renouveau des courses hippiques passe aussi par la modernisation des hippodromes. Celui de Longchamp, dans le bois de Boulogne, à Paris, est en reconstruction. Le propriétaire des lieux, France Galop, consulte deux agences pour ses développements futurs : Matador et Publicis Consultants. Les agences planchent sur son repositionnement afin de relancer l'activité. L’hippodrome de Longchamp rouvrira à l’automne 2017 pour le Qatar Prix de l’Arc de triomphe.

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