Technologies
Dans les allées du CES Asia, à Shanghai, les valises, comme les voitures, sont en pilotage automatique. Et le shopping connecté passe à la vitesse supérieure. Reportage.

Des drones qui volent en escadrille, des voitures connectées et autonomes garées en double file sur de nombreux stands et des lunettes de réalité virtuelle à perte de vue à 360 degrés… La deuxième édition du CES (Consumer Electronics Show) Asia s’est tenue du 11 au 13 mai dernier à Shanghai et a tenu ses promesses: la surface d’exposition a doublé en un an pour compter 375 entreprises exposantes, issues de vingt-trois pays. Les visiteurs étaient aussi au rendez-vous: 32 000 cette année, contre 28 000 en 2015.

Principal changement entre les deux éditions: davantage de groupes chinois sont présents pour cet événement organisé par la Consumer Technology Association, une structure américaine. «It’s time to copy China» titrait opportunément Wired, le magazine high-tech, dans son numéro d’avril. Et c’est vrai que le CES Asia, s’il ne rivalise pas encore avec son cousin européen (à Barcelone, en Espagne) et encore moins avec le mastodonte de Las Vegas, a démontré que la Chine devenait une place importante de l’innovation mondiale. Tout est réuni pour qu’elle accélère encore: son marché intérieur inégalable de 1,4 milliard d’habitants, sa couverture 4G et l’adoption massive du mobile puisque le pays compte 620 millions de mobinautes (source: China Internet Information Center, janvier 2016).

Certes, le géant chinois est officiellement victime d’un ralentissement de sa croissance: elle est au plus bas en 2015 (à seulement… +6,9%), mais cela touche surtout les villes industrielles, peu le secteur des services et encore moins les nouvelles technologies. «Après avoir eu une stratégie d’exportation de produits low cost jusqu’à ces dix dernières années, l’heure est aujourd’hui au développement du secteur des services», analyse Jean de Chambure, directeur-conseil de l’Atelier BNP Paribas China. Et dans certains domaines, comme l'e-commerce et le m-paiement (358 millions d’adeptes), le pays a clairement un temps d’avance, au point de devenir une locomotive de la high-tech mondiale. «La Chine devient une alternative sérieuse à la Silicon Valley», poursuit Jean de Chambure. Et ce ne sont pas ses seuls points forts. Mais nombre de pays et d'entreprises sont bien décidés à poursuivre la révolution numérique. Tour d'horizon.

Shopping et objets connectés

Parmi les innovations les plus prometteuses visibles au CES Shanghai, il y a ce dispositif imaginé par la start-up française Phoceis et déployé depuis septembre sur les panneaux interactifs JC Decaux des deux aéroports de Shanghai. L’idée: les personnes passant devant le panneau voient une campagne pour Lancôme, par exemple. Ils secouent leur téléphone devant le support et reçoivent des coupons de réduction. Phoceis appelle cela des «weacons» en référence aux «beacons», car ils sont collectés via le réseau social We Chat.

De son côté, Umood, le dispositif imaginé par Isobar Australia (Dentsu Aegis Network), montre les perspectives de rapprochement entre technologie, personnalisation et marketing. Une personne s’installe dans un fauteuil face à un écran. Un capteur est placé sur sa tête, puis il regarde des vidéos. En fonction de ses réactions, de l’évaluation de ses stimuli, un logiciel génère un T-shirt Uniqlo avec des motifs qui correspondent le mieux à son état. Une invention qui peut aussi sembler effrayante. La start-up française Virtuafit, elle, a inventé un dispositif qui peut s’installer dans une cabine d’essayage ou sur un écran géant placé dans une boutique: il prend toutes les mensurations d’un consommateur et lui propose les vêtements adaptés à sa morphologie.

Au CES, tous les objets sont connectés: depuis les serrures qui s’ouvrent grâce à un code activé via son smartphone en passant par les oreillers dotés de capteurs pour améliorer le sommeil. Même les plantes sont connectées. Ainsi, un capteur planté dans un pot de fleur analyse 200 variables (eau, qualité de la terre, de l’air, etc.), qui sont transmises sur le smartphone du propriétaire de la plante, lui permettant de savoir à chaque instant l'état de celle-ci et de prendre la décision adaptée.

Réalité augmentée et réalité virtuelle

Pas de trace de l’Oculus Rift et de ses casques de réalité virtuelle au CES Asia, il faut dire que Facebook n‘est pas autorisé en Chine. Pour autant, les concurrents sont nombreux. «En matière de réalité virtuelle et augmentée, les entreprises chinoises sont en avance», note ainsi Vincent Ducrey, cofondateur et CEO du Hub Institute, dans son rapport sur le CES Asia. Hi Sense, par exemple, géant chinois de l’électronique grand public (premier fabricant de téléviseurs), présentait au CES ses lunettes de réalité virtuelle. Tout comme l'entreprise française de jeux vidéo Virtuos (1 000 salariés en France, Chine et Vietnam), qui a créé un jeu de dominos se pratiquant uniquement dans un monde virtuel.

Certains acteurs croient à un mélange entre la réalité virtuelle et celle augmentée: c’est le concept de «Mediated reality» développé par le chinois Visioner Tech. Son casque permet de s’immerger dans un monde virtuel, mais il est aussi équipé d’une caméra, ce qui offre la possibilité d’intégrer des images réelles dans cet univers.

Certains vont déjà bien plus loin. «Les lunettes BV Rain, créées par Isobar, génèrent un univers interactif basé sur l’activité cérébrale, les émotions, relève Vincent Ducrey. Les joueurs commencent d’abord par soumettre leur cerveau à un système qui les scanne.»

Objets autonomes et connectés

Avec son design futuriste, on le croirait tout droit sortie du film Minority Report, le concept-car Chevrolet FNR (General Motors) qui, présenté lors du CES Asia, en met pleins les yeux. Il représente surtout la nouvelle génération d'automobile, un véhicule autonome. Bourrée de capteurs et radars, cette voiture (se) conduit toute seule. En fait, le conducteur peut choisir entre conduite autonome ou manuelle. Et quand elle se pilote seule, les passagers à l'avant peuvent faire pivoter leur siège à 180 degrés pour discuter avec ceux de derrière. La voiture devient donc le dernier salon où l’on cause…  

Le concept-car IAA de Mercedes a attiré de nombreux visiteurs à Shanghai. «L’originalité de ce modèle, inspiré des films Transformers, tient au fait qu’elle adopte un look aérodynamique lorsque l'on appuie sur un bouton ou que l'on dépasse les 80 km/h», décrit Vincent Ducrey, du Hub Institute. Il s’agit aussi d’un véhicule autonome, aérodynamique, intelligent et hybride.

BMW, de son côté, a présenté son véhicule I-Future. Son design en fait une vraie sportive, permettant une conduite conduite manuelle ou un pilotage automatique, mais ce concept-car se singularise par le fait qu'il n’a ni toit ni portières. mais elle brille surtout par son «intelligence»: «Elle se distingue surtout par le fait qu’elle est ultra connectée, complète Vincent Ducrey. Elle est reliée à un cloud, ce qui lui permet d’accéder à de nombreuses informations en temps réel sur le trafic, la météo, etc.»

Parmi les modèles exposés se trouvait aussi la Volvo C26, une autre voiture autonome. Cette automobile connectée imaginée par Volvo (qui appartient depuis 2010 au chinois Geely) et Ericsson offre une application innovante: son conducteur peut commander ses courses et se les faire livrer directement dans son coffre, quel que soit l'endroit. Le livreur dispose d’un code temporaire qui autorise l'ouverture du coffre du véhicule.

Des valises qui défilent seules sur un podium, accompagnées de jolies hôtesses… Bienvenue sur le stand de la start-up chinoise Cowa Robot. Sa valise motorisée et équipée de roues crantées est capable de suivre son propriétaire à la trace dans l’aéroport. Le voyageur est relié à sa valise grâce à un bracelet connecté. Et pas de danger qu'il puisse l’égarer: une alarme sonne si la valise est trop éloignée (plus d’un mètre cinquante) et elle dispose d’un GPS. Cette valise devrait être commercialisée dans les prochains mois au prix de 400 dollars.

L’entreprise taïwanaise Jor Jin’s, elle, a développé des lunettes connectées intégrées à des casques et destinées à des travailleurs de l’industrie, des policiers ou des militaires. Ces lunettes peuvent être équipées de dispositifs de vision nocturne et d'autres fonctionnalités. Ainsi, grâce à des capteurs, elles s’allument seules dès elles sont portées.

Le bras articulé inventé par Bubble Lab, un fablab spécialisé dans les robots, remplace le barman: il suffit de commander sa boisson sur une tablette et il se charge du reste. Ce robot-barman a le geste assuré: il sert sans verser une goutte à côté. Que les humains se rassurent, ce robot n’a pas la dextérité de Tom Cruise dans le film Cocktail…

Twitter en catimini au CES Asia

«Comment Twitter peut aider les entreprises chinoises à exporter à une échelle globale.» Cette inscription sur le minuscule stand Twitter au CES Asia pouvait intriguer. Si la firme à l'oiseau bleu s’est fait toute petite et ne parle pas de conquérir le marché chinois, c’est quelle n’est pas la bienvenue dans le pays: son accès est bloqué par le firewall du gouvernement. Pour s’y connecter, il faut donc contourner ce dispositif en utilisant un VPN (réseau virtuel et personnel). Plus qu’une censure politique, il s’agit aujourd’hui d’une forme de protectionnisme pour favoriser le développement des réseaux sociaux chinois comme Weibo ou We Chat. Pour autant, ces derniers n’auraient plus trop besoin d'un coup de pouce: We Chat compte plus de 400 millions d’utilisateurs en Chine et 760 millions dans le monde.

 

«Une alternative à la Silicon-Valley»

Jean de Chambure, directeur-conseil de l’Atelier BNP Paribas China

«A mes yeux, la Chine est devenue une alternative sérieuse à la Silicon Valley, qui s’appuie sur ses BAT – Baidu, Alibaba, Tencent –, l’équivalent des Gafa américains. C’est un pays très agile, par exemple, les chinois n’utilisaient pas beaucoup la carte bancaire, ils sont passés directement du cash au paiement mobile. Aujourd’hui, le nombre d’utilisateurs du m-paiement d’Alipay – 400 millions – est deux fois plus important que ceux qui se servent de Paypal – 220 millions. Les chinois payent via le réseau social We Chat. En quelques années, ils sont devenus les leaders mondiaux du paiement sur mobile. Idem dans l'e-commerce, ils sont à l’avant-garde: c’est le premier marché digital mondial et cela représente déjà 10,6 % du commerce – B to C – chinois en 2014. Cela devrait monter à 18,3% en 2018.»

« Une alternative à la Silicon-Valley » 

Jean de Chambure, directeur conseil de l’Atelier BNP Paribas China

« A mes yeux, la Chine est devenue une alternative sérieuse à la Silicon Valley, qui s’appuie sur ses BAT (Baidu, Alibaba, Tencent), l’équivalent des GAFA américains. C’est un pays très agile, par exemple les chinois n’utilisaient pas beaucoup la carte bancaire, ils sont passés directement du cash au paiement mobile. Aujourd’hui le nombre d’utilisateurs du M-payment d’Alipay (400 millions) est deux fois plus important que ceux qui se servent de Paypal (220 millions). Les chinois payent via le réseau social We Chat. En quelques années, ils sont devenus les leaders mondiaux du paiement sur mobile.  « Une alternative à la Silicon-Valley »

Jean de Chambure, directeur conseil de l’Atelier BNP Paribas China

« A mes yeux, la Chine est devenue une alternative sérieuse à la Silicon Valley, qui s’appuie sur ses BAT (Baidu, Alibaba, Tencent), l’équivalent des GAFA américains. C’est un pays très agile, par exemple les chinois n’utilisaient pas beaucoup la carte bancaire, ils sont passés directement du cash au paiement mobile. Aujourd’hui le nombre d’utilisateurs du M-payment d’Alipay (400 millions) est deux fois plus important que ceux qui se servent de Paypal (220 millions). Les chinois payent via le réseau social We Chat. En quelques années, ils sont devenus les leaders mondiaux du paiement sur mobile. 

Idem dans le E-commerce, ils sont à l’avant-garde : c’est le premier marché digital mondial, et cela représente déjà 10,6 % du commerce (b to c) chinois en 2014 et cela devrait monter à 18,3 % en 2018. »

Idem dans le E-commerce, ils sont à l’avant-garde : c’est le premier marché digital mondial, et cela représente déjà 10,6 % du commerce (b to c) chinois en 2014 et cela devrait monter à 18,3 % en 2018. »

 

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