Création
Au-delà de son prestigieux palmarès, le Festival international de la créativité, dont la 63e édition a ouvert ses portes le 18 juin à Cannes, est aussi l'occasion pour la planète publicitaire de se retrouver et d'échanger. Conférences, keynotes et autres ateliers attirent tout au long de la semaine des milliers de professionnels. Florilège d'idées, de conseils et de tendances glanés en ce début de festival.

Quand les drones donnent des ailes à la création

Il y a trois ou quatre ans, le marché des drones était quasiment inexistant. Mais, aujourd'hui, là où une production utilisait de coûteux et contraignants hélicoptères pour un tournage, ces petites machines bourrées d'électronique se sont imposées comme des outils irremplaçables. Peu coûteux (premiers modèles à moins de 1 000 dollars), les drones ouvrent aux sociétés de production et aux réalisateurs de nouvelles perspectives. «Très faciles à utiliser, ils permettent d'aller à des endroits habituellement inaccessibles, offrent des angles de vues inédits avec d'incroyables opportunités pour développer sa créativité et proposent des expériences fortes en émotion», explique Ferdinand Wolf, manager du fabricant de drones DJI Studios Europe, lors de la conférence «How drones and 360 video will change creativity», organisée par la société de production de contenus Mo Film

Autre innovation à donner le tournis lors de cette même conférence: les nouveaux usages offerts par la vidéo à 360 degrés. «Cette technique oblige à penser différemment, de façon circulaire et en s'inscrivant d'emblée dans une action continue. Et le principe est le même pour le son, avec des perspectives sans cesse changeantes, note Elisha Greenwell, creative strategy director de Mo Fllm. Ces vidéos créent une plus grande empathie car elles font du spectateur un acteur à part entière, en fonction du mouvement qu'il donne à son smartphone ou à sa tablette, l'image change d'angle de vue, comme si on était dans l'action. C'est un formidable outil en terme de storytelling.»


Ils ont «craqué» le code de la créativité

Etonnant exercice de data analysis! Daniel Bonner, global chief creative officer de Razorfish, et Will Sansom, director chez Contagious, se sont livrés à une plongée inédite dans les données des palmarès de Cannes depuis 25 ans. Leur objectif: trouver les secrets de la créativité. Les résultats statistiques en désarçonneront plus d'un. Faut-il un gros budget pour décrocher un Lion? Non. La taille de l'agence a-t-elle une influence? Pas davantage. Travailler dans un pays dévéloppé et riche change-t-il la donne? Aucunement. Mais une fois écartée la question de l'argent, qu'en est-il du type de relation que l'agence entretient avec son client? Là, manifestement, la piste s'avère plus probante. Mais attention à ne pas s'emballer! Si la deuxième année de collaboration entre une agence et son client est souvent la plus fructueuse en terme de prix gagnés à Cannes, très vite, les lendemains déchantent. Côté trophées, c'est en effet la chute libre les 3e, 4e et 5e années. «En revanche, les années suivantes affichent généralement des succès allant crescendo. Le taux de réussite à Cannes est multiplié par 2 au-delà de dix ans de collaboration», constate Will Sansom.

Dernier paramètre: les équipes. Sur ce point également, quelques réponses sont à glaner. Nos deux alchimistes de la création ont ainsi observé que plus le nombre de crédits mentionnés pour une campagne présentée à Cannes est important et plus il y a de contributeurs n'appartenant pas au top management, plus les prix sont au rendez-vous (+26%). De même, quand une même campagne crédite trois agences voire plus, les scores sont en général supérieurs de 42% à la moyenne. «En fait, l'organisation prime sur les individualités, conclut Daniel Bonner. La créativité ne se résume évidemment pas à une analyse statistique mais, au final, c'est bien le temps, le courage et la confiance qui lui permettent d'éclore, si tant est que l'on ait pris soin de “to kill the rockstars” et de développer la plus large collaboration possible en interne comme en externe.»


+2,7%

C’est le différentiel de croissance du chiffre d’affaires au 4e trimestre des marques les plus dynamiques par rapport à la moyenne, selon le classement «D100» révélé à Cannes par IPG Mediabrands. Un chiffre dérisoire? Pas tant que ça quand on sait que l’ensemble des quelque 1 000 marques internationales étudiées sur cette période affiche déjà une croissance de 4,4%.

Quatre paramètres déterminent le niveau de dynamisme d’une marque: son agilité (niveau d’adaptabilité face aux conditions changeantes du marché), sa réactivité (niveau d’écoute et de réponse aux commentaires et aux besoins des consommateurs), son innovation (niveau d’implication dans les nouvelles technologies pour créer des produits et des services innovants) et sa sociabilité (taille et niveau d’engagement de l’audience d’une marque sur les médias sociaux).  La relation entre dynamisme et croissance du chiffre d’affaires est particulièrement portée par la dimension agilité et, dans une moindre mesure, par la sociabilité. Les entreprises les plus agiles affichent également une meilleure capitalisation boursière. Les cinq premiers du classement «D100» sont dans l'ordre Google, Amazon, Samsung, Nike et Intel.

Eric Schmidt, CEO de Google, était l’invité d’IPG Mediabrands lors de la présentation de son étude à Cannes. Interrogé par Mark Thompson, president et CEO de The New York Times Company, sur la puissance et le dynamisme de sa marque, le patron de Google assurait que «face à la baisse de loyauté des consommateurs pour les marques, notamment les plus jeunes, et à la prise de conscience du pouvoir de manipulation du marketing, la capacité des marques à affirmer leur engagement est plus que jamais déterminante.» Quant à la question: «Quel impact ont sur la marque les questions relatives à la position dominante de Google, à l'optimisation fiscale des grands groupes transnationaux ou encore à la protection des données personnelles?», Eric Schmidt ne semble manifestement pas inquiet: «Jusqu’ici, la marque se porte bien. Notre succès dépend d’abord de la satisfaction de nos clients.» Circulez, il n’y a rien à voir!

 

You Tube, la plage virtuelle

Au bout du ponton, la pancarte invite à une double immersion, dans les ondes et le monde virtuel. Sur la plage You Tube, «Subsea selfie» invite à faire une plongée, tout en expérimentant une vision à 360 degrés. Vertige. Cette année, la plage You Tube se consacre entièrement à la VR («virtual reality»), comme on dit maintenant. L’an passé baptisée du nom de la maison mère («Google beach»), la plage se recentre sur la plateforme de vidéo pour mettre en valeur ses nouveaux formats.

Les invités se voient tous offrir, en préambule, le «meilleur cardboard en circulation», ce masque en carton qui permet d’explorer les univers virtuels en y plaçant son smartphone. «Nous avons très tôt fait le pari de la VR, et travaillons de longue date avec les marques Nike, Turkish Airlines, Dior, BMW, souligne Aaron Luber, responsable des VR partnerships de Google. Le “cardboard” va faire exploser les videos 360 degrés sur You Tube. Les téléchargements de vidéos de VR ont doublé rien que lors des trois derniers mois.» Selon Clay Bavor, vice-president de la réalité virtuelle de Google, «5 millions de cardboards ont déjà été distribuées dans le monde.»  Il y a peu, explique Clay Bavor, «une minute de VR nécessitait 100 heures de post-production». La caméra Jump, fruit de la collaboration entre Google et Go Pro, dotée du système de prise de vue Odyssey, permet de simplifier les tournages. Elle est déjà utilisée par The New York Times et la Paramount.

You Tube joue d’ores et déjà les arbitres des élégances et a créé un classement des publicités 360 degrés les plus populaires sur sa plateforme, les You Tube Ads Leaderboard, présentées en avant-première à Cannes. Dans le Top 3, «The BMW M2 - Eyes on Gigi Hadid (360° Video)» (agences: KBS et Universal McCann), «McDonald's: Angry Birds 360 Takeover» (DDB Chicago/OMD) et «Discover the 360° world that inspired Filled Cupcake Flavored Oreo Cookies» (360 I/Carat).

«On ne regarde pas de la VR, on ne visionne pas de la VR, on vit la VR», résume Clay Bavor. Les équipes du vice-president VR de Google continuent à plancher d’arrache-pied sur le projet «Deep Dream», programme d'intelligence artificielle de la firme permettant de faire apparaître des formes dans les images. Un rêve pour les créatifs?

Grand Prix de l’ennui pour les stars du Saturday Night Live

L’affiche était alléchante: Linda Yaccarino, chairman of advertising sales and client partnerships de NBC Universal, et trois stars du show Saturday Night Live: Cecily Strong, Aidy Briant et Vanessa Bayer. Intitulée «Gender equality is no laughing matter» [L’égalité des genres n’est pas un sujet de plaisanterie], la conférence ne prêtait pas à rire, mais plutôt à… bâiller. Un enfilage de perles à l’américaine, ponctué de «amazing!». Ultra-lénifiant. «Les femmes doivent davantage s’imposer. You can do it!», enjoignait Linda Yaccarino, businesswoman aux faux airs de Julia Louis-Dreyfus dans Veep. «Il y a parfois du sexisme dans certaines émissions, mais à Saturday Night Live, il y a de la place pour la diversité», expliquait Aidy Briant. Ce dont on se réjouit, tout en regrettant d’avoir gâché 45 minutes du précieux temps cannois…  

 

Relation avec les marques? It’s complicated

Les marques sur le divan, tel était le principe de la conférence «Comment les relations humaines peuvent s’appliquer à la créativité des marques». Amour, amitié, agacement, haine? Robert Rowland Smith, psychanalyste, y tenait séance: «Il y a une différence entre une relation transactionnelle et une relation humaine.» Ah bon? Au final, le psy nous apprenait que «les relations marchent mieux si elles sont fondées sur la confiance». Quelque part, Sigmund Freud sourit…

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.