Dossier Communication
Une nouvelle rivalité oppose les boissons alcoolisées et les energy drinks. Chacun développe sa stratégie en utilisant les codes et les ressorts propres au monde de la nuit.

Dès la nuit tombée, une bataille féroce s’engage entre alcools, bières et energy drinks pour étancher la soif des clubbers. Dans le segment des alcools, contraint par la loi Evin, Jack Daniel’s a misé sur un lieu mythique du rock: la suite d’hôtel. En référence à l’un des produits phares de la marque de whisky, l'agence Thomas Marko & Associés a ainsi créé le concept «Suite n°7». Depuis 2012, ces concerts privés sont organisés dans des suites de grands hôtels ou de palaces parisiens, tels que le Crillon, le Plaza Athénée et le Lutetia, mais aussi en région, comme le Grand Hôtel de Bordeaux, l’Intercontinental Marseille Hôtel Dieu ou le Château de Brindos à Biarritz. Des lieux forts en symbole dans le milieu du rock, rappelle Marjorie Rousseau-Azzahir, directrice de clientèle de Thomas Marko & Associés: «Lemmy, le leader de Mötorhead [décédé fin 2015], a même fait de la moto dans la suite d’un grand palace…» Le nombre de places est limité – une centaine – et réservé aux gagnants des concours disponibles sur la page Facebook Suite n°7 ainsi qu’à une cinquantaine d’influenceurs et d’instagramers. Derrière le bar installé dans la suite, un barman fait découvrir le Jack Daniel’s aux invités. Après une phase très pop-rock, ces show case très privés ont élargi leur palette à des groupes, comme La Femme ou Theophilus London, ou des crooners en vogue, comme Charles X. Au total, les retombées sont significatives (deux cents dans les médias classiques, pour un équivalent achat d'espace de plus de 570 000 euros).

Vendre du lifestyle

Le groupe Bacardi, de son côté, mise sur le «slow drinking» avec des marques super-premium et surtout un programme de formation des barmen. «Ils deviennent des relais passionnés par le savoir-faire et le goût de nos produits», explique François In Albon, directeur du marketing Europe du Sud. À cette formation s’ajoute la mise en place d’éléments décoratifs et scénographiques «adaptés à une clientèle nocturne et haut de gamme», très attentive à la qualité du service. Bacardi voit grand puisqu’il investi clubs, bars, restaurants de nuit, bars à cocktails, beach clubs ainsi que les «speakeasy» (bars cachés).

Du côté des bières, se faire une place exige des moyens conséquents dans un marché très encombré. Une bière suédoise a développé un storytelling sur trois ans avec la reconstitution d’un drakkar sur la Seine, puis l’installation d’un bain suédois au sommet de la Cité de la mode et enfin, en 2015, une soirée au Faust, nouveau restaurant-club installé sous le pont Alexandre III, avec 2 500 personnes dont une dizaine d’influenceurs. À chaque fois, l’impact sur les réseaux sociaux a maximisé l’impact et les ventes en linéaires ont décollé. «Aujourd’hui, une marque d’alcool vend surtout un lifestyle», résume Frédéric Feger, de MKTG Paris. En la matière, les innovations les plus improbables sont mises à contribution: BBDO Germany a ainsi doté les capsules de la bière Beck’s d’une lentille multifonction qui permet de prendre des photos à 360 degrés avec un Iphone et de se connecter à Messenger pour partager photos et vidéos.

Scène underground

Mais de nouveaux acteurs, les energy drinks, bousculent le marché ces dernières années, notamment Red Bull, qui a mis la barre très haut en créant la Red Bull Music Academy. Face à cette domination, Fabrice Brovelli, fondateur de BETC Pop, a conseillé à la marque Burn Energy (groupe Monster) de miser sur des festivals incarnant la scène montante: «Pour fonder une légitimité, la scène underground est indispensable.» Première cible de l’opération: Nuits sonores, à Lyon, une manifestation «électro-intello» qui rassemble tout de même 40 000 personnes. Un bon choix puisque les ventes de Burn y ont été deux fois plus importantes que celles de Red Bull.

Le lieu atypique, nouveau Graal des soirées événementielles

Pour se distinguer, les marques d'alcool ne peuvent se contenter d'offrir des expériences originales, elles doivent aussi se démarquer en investissant des lieux nouveaux et atypiques, le fameux «never seen before». À Paris, le défi relève de la gageure, mais n'est pas impossible pour autant. En février, pour la marque de bière Cubanisto, MKTG Paris a organisé un événement dans un ancien restaurant d’entreprise situé dans l’emprise foncière de La Poste des Batignoles, soit 2 500 m² donnant directement sur les voies de chemin de fer. «Nous avons reconstitué tout un club dans un espace brut et mis en place un parcours expérientiel», explique Frédéric Feger, directeur des stratégies de MKTG Paris. Passer le périphérique serait aussi un bon moyen de trouver de nouveaux lieux, mais les préjugés ont encore la vie dure, regrette Frédéric Feger: «Les marques préfèrent rester à Paris dans 90% des cas. C’est plus simple pour mobiliser des journalistes et plus sécurisant pour les annonceurs.»

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