Corporate
Si on ne manque pas d’études sur la publicité ou les préférences de marques des Français, ils sont rarement interrogés sur la communication des entreprises. Une étude exclusive Comfluence/Ipsos comble cette lacune avec un message clair: la com corporate doit se réinventer!

Face à la défiance affichée des Français vis-à-vis des élites, la perception de la communication des entreprises et de leurs dirigeants est un sujet de préoccupation pour leur dircom. Une étude Comfluence/ Ipsos réalisée en août dernier, avec la participation au questionnaire d'une dizaine d'entre eux, livre une réalité sévère mais des pistes de travail.

Une défiance qui s’amplifie

Toutes les études le montrent, les Français sont connus pour leur défiance et indépendance d’esprit. «80% d’entre eux estiment même qu’on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres, 20% qu’on peut faire confiance à la plupart des gens», rappelle Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos France, selon l'enquête Ipsos-Sopra Steria parue en avril dernier. L’étude ad hoc menée avec Comfluence confirme la tendance: la défiance touche de plein fouet tous les acteurs et particulièrement les dirigeants de grandes entreprises (seuls 9% des Français leur font confiance lorsqu’ils prennent la parole) assimilés aux élites politiques (4 à 6% leur font confiance) et syndicales (5%). En revanche, la parole des associations de consommateurs récolte 77% d’adhésion. Les Français reconnaissent, dans leur majorité, les efforts des entreprises en termes d’écoute et de réactivité sur le plan de la relation client (56%) ou de l’innovation (71%), mais ils sont plus dubitatifs sur leur comportement responsable: seuls 30% les trouvent sincères dans leurs communications (voir tableau). «Les Français attendent avant tout des prises de paroles plus transparentes, objectives et authentiques», souligne Vincent Lamkin, cofondateur de Comfluence.

Un discours RSE inaudible

Les Français (à 66%) n’ont pas en tête d’exemples d’entreprises engagées dans des programmes responsables. «Et s’ils semblent assez sensibles à l’éthique ou au développement durable, cette sensibilité n’est peut-être que de principe, de posture», se demande Vincent Lamkin. En effet, si une majorité des sondés déclarent que les discours environnementaux et sociaux des entreprises ont un impact sur leurs achats et sur l’image qu’ils se font de l’entreprise, ils ne sont que 18% à chercher de l’information pro-activement et encore moins nombreux (6%) à pouvoir citer une entreprise ayant mis en place une action responsable. «Ce qui interroge la capacité des entreprises à différencier et à singulariser leur discours RSE», pointe Vincent Lamkin.

Les réseaux sociaux, nouvelle donne de l'influence

Les média traditionnels restent les plus crédibles pour s’informer sur l’actualité des entreprises selon les sondés –presse (citée à 77%), émissions TV (76%), radio (66%)– et les réseaux sociaux montent en puissance (cités à 57% au moins une fois). «Mais les réseaux sociaux, conversationnels par nature, ne sont pas idéaux pour l’exercice descendant de la communication corporate et obligent à repenser l’influence, poursuit Vincent Lamkin. Les entreprises recherchent l’adhesion donc génèrent du participatif mais c’est souvent superficiel, un alibi, une caution digitale sans réelle interaction et engagement de fond.» 

Une actualité des entreprises peu suivie

L’économie n’est pas un sujet qui passionne les foules. «42% des Français ne sont pas intéressés par l’économie et 60% jugent l’information économique incompréhensible » , souligne Fabienne Simon, directrice générale adjointe d’Ipsos. Au final, seulement une minorité de Français suit régulièrement l’actualité des entreprises: 18% via la lecture de la presse print ou web, 10% via des newsletters de marques et 8% en allant sur les sites de l’entreprise pour regarder leur actualité. Selon Ipsos, ils sont 8% à suivre les patrons, les marques ou les produits sur Facebook, 3% sur Twitter et Instagram.

Une attente pour une prise de parole d’intérêt général

Pour autant, une majorité de Français (de 60 à 72%) se déclarent intéressés par les prises de parole des dirigeants sur leur entreprise (succès, innovations, actions citoyennes…)  et sur des sujets d'intérêt général (de 50 à 66%): situation économique et sociale en France et pistes de réformes, besoins et attentes des salariés, environnement… Mais attention, insiste Brice Teinturier, «la parole des entrepreneurs est attendue lorsqu’elle est positive et inspirante, mais rejetée dès lors qu’elle est critique ou engagée politiquement».

Vincent Lamkin: «C'est un devoir pour les patrons de participer au débat public»

 

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les résultats de cette étude ?

V.L. La défiance envers les élites (politiques, institutions, médias…) qui empire et n'épargne pas les dirigeants des grandes entreprises. Le jugement sévère que portent les Français sur la communication corporate qu’ils trouvent désincarnée, assez peu sincère et «descendante». Et en même temps, deux Français sur trois qui créditent les patrons d'une légitimité à s’exprimer.

 

Les patrons, qui craignent de s’exposer médiatiquement, doivent-ils donc participer au débat public ?  

V.L. Les Français reconnaîssent aux dirigeants d’entreprises une place dans le débat public sur des questions d’intérêt général, qui engagent directement leurs expériences et leurs pratiques. Les patrons ont donc une légitimité pour parler et débattre des sujets sociétaux (emploi, santé, environnement…). Or ils ne le font pas ou peu, laissant leurs entreprises faire de la com corporate sur des espaces peu fréquentés par le grand public et dans des formats jugés trop promotionnels. Les patrons ont le devoir de nourrir le débat qui est aussi une opportunité de réinvestir un rôle sociétal. Mais à la condition d’être plus transparents, sincères et authentiques. C’est-à-dire assumer les actions positives et savoir dire aussi quand ils ont été moins bons.

 

Pourquoi un devoir ?

V.L. Les acteurs socio-économiques –les entreprises comme les associations de consommateurs– ont la responsabilité de faire valoir leur expérience, dire leurs convictions, exprimer leurs idées et solutions dans le débat démocratique, pour que la parole ne soit pas confisquée par les seuls politiques et les populistes. Mais attention, il ne s’agit pas de singer la parole des politiques, mais savoir trouver un style propre qui s’en différencie.Le dirigeant d’entreprise doit réussir à conjuguer un discours d’intérêt général et d’entreprise performante.



Vous incitez les patrons à intervenir pendant la campagne présidentielle ?

V.L. La campagne présidentielle est une fenêtre d’opportunité pour la communication corporate. Sur des thématiques qui relèvent du débat public, les Français sont prêts à écouter les entreprises. Mais les dirigeants ne doivent pas commenter ou prendre parti vis-à-vis du politique: s’exprimer pendant la campagne n’est pas s’exprimer sur la campagne

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