Marché
Longtemps uniquement dominé par les marques des multinationales américaines et européennes, le marché africain voit émerger depuis une vingtaine d'années des marques locales qui commencent à s'internationaliser.

En 2050, l’Afrique subsaharienne disposera d’une population active plus nombreuse et plus jeune que la Chine ou l’Inde, selon l'African Center for Economic Transformation. D'ici trois à quatre ans, plus de 50% de la population vivra dans des grandes villes, impliquant d'importants changements en matière de mode de consommation, estime pour sa part le cabinet McKinsey. Les promesses du continent africain suscitent bien des espoirs. Mais gare au fantasme d’une classe moyenne africaine qui tirerait la croissance (lire article «Portrait de classe»), cette dernière reste encore essentiellement portée par les matières premières et l'évolution erratique de leur cours. Sans parler des contraintes politiques et climatiques… «Les classes aisées restent très minoritaires et les classes moyennes ont du mal à émerger. Globalement, le pouvoir d'achat est limité», observe Jean-Marie Prenaud, President International Global Clients de TBWA Worldwide. 

Les marques doivent s'adapter à ce niveau de ressources très bas. Au Nigeria, la marque de saucisse Gala, produit mass market, se vend 50 nairas l'unité (soit moins de 15 centimes d'euros). «Plus de la moitié des Nigérians vit avec moins de 1,25 dollar par jour», rappelle Hélène Gosset, Brand Director de Lonsdale, qui travaille avec la société nigériane de produits de grande consommation Nasco. «En Afrique, le marketing de proximité prime sur l'achat d'espace. Les petites boutiques, les marchands ambulants et le sponsoring d'événements sont les principaux vecteurs de communication», rappelle Romain Grandjean, cofondateur de 35°Nord, agence de relations presse spécialisée sur l'Afrique.

Le marché africain a longtemps été dominé par les marques des grands groupes internationaux, à tel point que certaines sont devenues des noms génériques, comme gillette pour un rasoir, danone un yaourt ou la vache (La Vache qui rit) un fromage. Toutefois, des marques locales commencent à émerger même si, selon Amir Ben Yahmed, directeur général du groupe Jeune Afrique, «nous n'en sommes pas encore à une phase où les marques se sont déployées globalement sur le continent».

Certaines, pourtant, ont désormais une dimension régionale et développent une véritable stratégie marketing. Et pas seulement celles originaires d'Afrique du Sud, pays comptant à lui seul pour plus du quart du PIB de l’Afrique subsaharienne. «Les marques locales ont réellement pris leur essor à la fin du XXe siècle. Ainsi, la marque de produits laitiers Cowbell s'est lancé en 1994 comme produit “me-too” de Peak [marque du groupe néerlandais Friesland-Campina très présente au Nigeria], elle détient aujourd'hui 30% du marché nigérian», observe Lisa Ivers, directrice associée du Boston Consulting Group Casablanca. Et les exemples comme celui-ci se multiplient. 

 

Alimentation-Boisson

Chi (Nigeria)

Fondée en 1980 par le conglomérat nigérian TGI, Chi est une marque de boissons, produits laitiers et snacking. «Chi s'est positionné sur le marché du premium en jouant beaucoup, côté marketing, sur des inputs locaux, sur la qualité et un branding soigné. En quelques années, la marque a ainsi gagné 30% du marché», explique Lisa Ivers, de BCG Casablanca. La récente campagne pour son pack de 65gr de crème de lait Hollandia Evap, «Na correct Wazo» («Wazo» étant le terme familier en nigérian désignant le billet de 50 nairas), met en avant un produit offrant 15gr de lait de plus que la concurrence pour un prix toujours modique. Le succès de Chi attise les convoitises, notamment celles de Coca-Cola qui, en janvier dernier, a pris une participation minoritaire dans la marque, avec une option de rachat à 100% d'ici trois ans. 

Et aussi: le brasseur SAB Miller et le groupe agroalimentaire Cowbell (Afrique du Sud), le fabricant de produits laitiers Fan Milk (Ghana), le groupe de boissons Refriango (Angola), le groupe de céréales et biscuits, de détergents et d'hygiène Nasco (Nigeria).

 

Textile-habillement

Pathé'O (Côte d'Ivoire)

C'est l'histoire d'un fils d'agriculteur burkinabé parti en 1969 en Côte d'Ivoire pour tenter sa chance. Après moult péripéties, Paté Ouédraogo devient apprenti dans un atelier de couture à Abidjan. Il lance en 1977 sa propre affaire. Sa marque Pathé'O, inspirée de son nom, est depuis devenue une référence de la mode dans toute l'Afrique. Ses produits (les pagnes kita baoulé et faso dan fani, le voile mauritanien…) sont portés par les plus grandes personnalités du continent: Mandela, Konaré, Desmond Tutu, Kofi Annan, Mary Robinson... «Des marques comme Pathé'O sont assez révélatrices d'une démarche avec un positionnement, un sens marketing, une segmentation de clientèle et un projet de communication élaborés. Elles répondent également aux besoins d'une classe moyenne émergente, encore très urbaine et limitée à certaines capitales, mais le phénomène de fond est là», assure Romain Grandjean, de l'agence 35°Nord.

Et aussi:  Uniwax (Côte d'Ivoire/Pays-Bas), Vlisco (Pays-Bas).

 

Cosmétique

House of Tara (Nigeria)

Avocate nigériane de 39 ans, Tara Fela–Durotoye a fondé en 1998 House of Tara, aujourd'hui leader nigérian de la beauté-cosmétiques avec 15 magasins et plus de 4 000 représentantes indépendantes. S'appuyant sur le succès de son studio de beauté, de son école de maquillage et de sa gamme de produits cosmétiques, la marque a l’ambition de créer une centaine d’enseignes en Afrique subsaharienne dans les cinq prochaines années. De fait, les perspectives sont prometteuses: selon une étude d’Euromonitor, le marché des cosmétiques et produits de beauté devrait augmenter de 24,5% en cinq  ans (2015-2020) dans le continent africain, pour atteindre 17 milliards de dollars (15 milliards d’euros). Face à l'omniprésence des grands groupes internationaux L'Oréal, P&G et Unilever, qui détiennent 60% du marché sud-africain, de loin le premier du continent, des opportunités locales existent bel et bien, car avec plus de 2 000 groupes ethniques, les besoins sont extrêmement spécifiques et différenciés. 

Et aussi: Dudu-Osun (Nigeria), Malée Cosmestics (Afrique du Sud), Sleek Studio et Soul Mate (Nigeria).

 

Banque

Standard bank (Afrique du Sud)

Fondée en 1863 en Afrique du Sud, Standard Bank est la première banque du continent. Présente dans vingt pays africains, elle emploie quelque 55 000 personnes et s'attaque depuis peu à l'Afrique francophone via ses filiales ivoirienne et sénégalaise ouvertes en 2013. Bien que l'Afrique affiche le taux de bancarisation le plus bas du monde (environ 10%), le secteur est en plein essor, avec un sens marketing élaboré, comme en témoigne le développement d'acteurs panafricains, comme la togolaise Ecobank et les marocaines Attijariwafa Bank et BMCE. Au-delà du sponsoring (cricket, triathlon, jazz, art contemporain et paléontologie), vecteur important de communication du secteur bancaire local, Standard Bank déploie dans les médias depuis 2009 sa signature «Moving Forward» (TBWA Hunt Lascaris) au travers d'une série de spots, dont deux cette année, l'un sur l'entrepreneuriat en janvier et l'autre, plus corporate, en juillet. 

Et aussi: Attijariwafa Bank (Maroc), BMCE (Maroc), Ecobank (Togo)

 

Assurance

Saham (Maroc)

Depuis vingt ans, ce groupe d'assurance marocain siégeant à Casablanca a étendu son réseau sur une grande partie du continent africain (25 pays) et jusqu'au Moyen-Orient (Liban et Arabie saoudite). Il emploie aujourd'hui plus de 14 000 personnes. Né d'une succession d'acquisitions, le groupe s'est doté en 2014 d'une marque unique, Saham, déclinée dans ses pôles assurance et assistance. «Nous visons les marchés ayant une importante densité démographique», soulignait alors son directeur général, Saâd Bendidi. Depuis 2008, la Fondation Saham «pour l'égalité des chances» est un des principaux axes de communication du groupe. Son action privilégie l'entrepreneuriat via le Club Sherpa et l'accès aux soins au travers d'une caravane médicale sillonnant les zones isolées du Maroc.

Et aussi: NSIA (Côte d'Ivoire), Sunu (Sénégal)

 

Télécoms

MTN Group (Afrique du Sud)

L'an dernier, le géant sud-africain des télécoms MTN Group s'est vu décerner le titre de «marque la plus admirée» en Afrique, devant Samsung, Coca-Cola et Nike, selon le classement annuel de référence Brand Africa 100. MTN est aussi, et de loin, la marque africaine affichant la plus forte valorisation, à 4,7 milliards de dollars. Annonceur très actif dans le continent (agence: Metropolitan Republic), le groupe s'est notamment fait remarqué lors de la Coupe du monde de football 2010, qui s'est déroulée en Afrique du Sud, avec sa campagne plurimédia «Ayoba» (terme populaire signifiant «cool»). Plus récemment, dans la lignée de sa nouvelle saga mettant en scène le monde à travers le regard d'enfants («Duck Egg» en 2014 et «Space» en 2015), MTN vient de sortir un film sur sa nouvelle offre de roaming «Hello World». 

Et aussi: GLO-Globacom (Nigeria) 

 

Distribution

Shoprite (Afrique du Sud)

Lancé en 1979 à Cape Town, la plus grande chaîne de distribution d'Afrique du Sud, mais aussi du continent (114 milliards de rands de chiffre d'affaires en 2015, soit 7,5 milliards d'euros) compte plus de 2 200 magasins, dont 1 855 en propre, dans quinze pays, sous les marques Shoprite, Checkers, OK, Usave ou Hungry Lion. Shoprite emploie 138 000 personnes, dont 21 000 hors d'Afrique du Sud. Pour sa communication, elle mène de nombreuses actions caritatives: Mobile Soup Kitchen (distribution de repas), Stay Safe Women's Roadshow (cours d'auto-défense), Cuppa for Cansa (collecte contre le cancer)… Côté médias, la marque joue tout autant la carte consensuelle en mettant en scène la diversité de la société «arc-en-ciel», comme en témoigne l'une de ses dernières campagnes TV «Shoprite loves Mzansi», signée de l'agence 99C, véritable ode à l'Afrique du Sud (Mzansi en langue xhosa). 

Et aussi: Massmart et Peak of pay (Afrique du Sud)

 

Transport

Ethiopian Airlines (Ethiopie)

L'an dernier, Ethiopian Airlines a ravi la place de premier transporteur aérien du continent à South African Airways. Comptant parmi les rares compagnies africaines rentables, elle vient d'ajouter cette année 13 nouvelles destinations internationales aux 82 qu'elle desservait jusqu'alors. Profitant de sa situation centrale dans le corne de l'Afrique pour les connections intercontinentales, Ethiopian Airlines est devenue l'une des compagnies du continent les plus internationales. Ce que sa dernière campagne TV d'envergure, lancée en 2014 avec l'agence Wetpaint («Perfect Journey»), illustre au travers d'une saynète où une petite fille joue avec un globe terrestre. Le tout signé «The new spirit of Africa». 

Et aussi: South African Airways (Afrique du Sud), Kenya Airways (Kenya), Royal Air Maroc (Maroc) 

 

Hôtellerie

Azalaï (Mali)

Principale chaîne hôtelière en Afrique de l'Ouest, Azalaï est présente au Mali (son pays d'origine), au Bénin, au Burkina Faso, en Guinée-Bissau et, tout récemment, en Mauritanie, avec un hôtel 4 étoiles. Elle prévoit également de s'implanter à Dakar (Sénégal), Niamey (Niger) et Conakry (Guinée). Ses hôtels accueillent une clientèle africaine à plus de 50%, ainsi que 12% d’Européens et 7% en provenance d’Amérique. Un dynamisme qui fait suite à une année 2015 difficile avec la menace terroriste en Afrique de l'Ouest, notamment au Mali. Les perspectives sont toutefois optimistes, comme le soulignait Xander Nijnen, vice-président Afrique subsaharienne de la société d’investissement dans l’immobilier et l’hôtellerie JLL Hotels & Hospitality, lors d'un forum de la profession en juin dernier à Lomé (Togo): «Environ 2 milliards de dollars devraient être consacrés chaque année à la construction de nouveaux hôtels en Afrique.»

Investissements publicitaires (source: Recma)

Afrique du sud. 2,7 milliards de dollars

Nigeria. 478 millions
Kenya. 140 millions

Ghana. 67 millions

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