Dossier Digital
L’Union des annonceurs est sur tous les fronts. L'organisation fait sa mue pour accompagner les marques sur la voie de la transformation et se mobilise sur les enjeux de la publicité digitale (décret Macron, adblockers, fraude…). Revue de détails avec son président, Etienne Lecomte, vice-président exécutif et CEO Europe de l'Ouest et de l'Est du groupe Bel.

L'UDA, dont vous avez été réélu   à la présidence   le 11 octobre , fête ses 100 ans. En annonçant  un repositionnement et une nouvelle signature, «Annonceurs en mouvement», l'organisation est-elle acteur de cette transformation ?

Etienne Lecomte. En effet! Et l’UDA se donne les moyens de se transformer au même rythme que celui de son marché. Pendant mon premier mandat, j’ai établi, avec Pierre-Jean Bozo, le directeur général, un diagnostic stratégique et considéré que notre offre n’était pas adaptée aux nouveaux défis de nos marques membres impactées par la transformation digitale. Notre repositionnement passe par une nouvelle identité visuelle et graphique, de nouveaux outils et une réorganisation interne.

 

Vous avez donc cassé les silos et modifié votre organisation… 

E.L. Pour plus d’efficacité, nous avons remplacé les six directions verticales par quatre directions-projets transversales: prospective et transformation digitale, sous la houlette de Claudie Voland-Rivet; stratégies et points de contact, dirigée par Didier Beauclair – on abandonne la distinction médias et hors-médias, et la communication corporate y est intégrée –; relation et expérience client, chapeautée par Athenais Rigault; affaires publiques, juridiques et éthiques, gérée par Laura Boulet, qui complète sa direction avec la communication responsable et la RSE. Et nous avons créé une direction des relations adhérents et communication, confiée à Stéphanie Colpaert-Boutan.

 

L’UDA sort de son positionnement institutionnel?

E.L. L’UDA veut jouer un rôle plus moteur, engagé et visionnaire. C’est ce que nos adhérents attendent de nous, de décrypter les tendances, anticiper les évolutions, maîtriser les nouveaux outils et écarter les fausses innovations. Au-delà de la défense des intérêts des annonceurs dans le respect d’une communication responsable, l’UDA devient un laboratoire d’idées, une source d’inspiration et d’influence. Il s’agit d’accompagner les marques sur la voie de la transformation et construire ensemble la communication et le marketing de demain.

 

La communication de demain, c’est le thème de l’étude que vous publiez avec Kantar. On y pointe le retour du  fameux «consumer centricity». Les annonceurs avaient perdu de vue le consommateur?

E.L. On a beaucoup parlé dans le passé du «consom’acteur» mais, en réalité, les annonceurs étaient autocentrés et monopolisés par leurs obligations de transformation. Avec l'essor des adblockers chez les jeunes, le succès des Uber et autre Airbnb, focalisés sur l’expérience utilisateur, et le rôle influent des réseaux sociaux, les annonceurs ont fini par prendre conscience que cette transformation digitale devait être orientée vers l’écoute et la compréhension du consommateur. 

 

Votre étude révèle aussi une ubérisation de la communication publicitaire?

E.L. L'«owned» et l'«earned» média progressent: 36% des annonceurs interrogés disent avoir redirigé, depuis cinq ans, plus de 10% de leur budget de communication vers leur propre média, 27% disent qu’ils vont faire, l’an prochain, des campagnes mobiles – Snapchat, Instagram… – et 42% investir plus de 10% de leur budget dans les nouveaux canaux. Cela représenterait 2 milliards d’euros, hors les 30 milliards évalués par France Pub-Irep. Dans cette reconfiguration, l’UDA aide les annonceurs à développer leur ROI. A cet égard, nous avons lancé deux études: une avec EY pour établir le nouveau périmètre de la communication et mesurer les investissements réels - étude faite au sein du CRTM [Club de recherche tous médias] avec l'Udecam et plusieurs agences – l'autre avec l’Udecam et l’ACCC sur l’efficacité publicitaire, réalisée à l'échelon européen avec la World Federation of Advertisers et Deloitte. Selon le volet britannique de ce rapport, une livre sterling investie en publicité rapporterait 6 livres en chiffre d’affaires. On veut ce genre de données pour la France et l’Europe.

 

Un mot sur les autres dossiers de l’UDA. Avez-vous des nouvelles du décret Macron-Sapin sur la publicité en ligne, toujours pas publié?

E.L. Nous l'attendons avec impatience depuis août… 2015!. Ce décret d’application de la loi du 6 août 2015 sur les obligations de reporting dans la publicité numérique apporte la transparence de la loi Sapin de 1993 pour les achats digitaux, un gage de confiance entre les annonceurs et leurs agences. C'est un texte équilibré qui permet de connaître le coût initial réel des espaces facturés et de s’assurer de l’exécution effective des prestations. C'est d’autant plus crucial de le publier qu’un rapport publié en juin dernier de la WFA, dont l’UDA est membre fondateur et membre du comex, alerte sur la fraude dans la publicité digitale. Outre les montants détournés (10% du marché, soit 50 milliards de dollars en 2025), il pointe des médias exangues, des annonceurs qui investissent à perte, et sans doute au profit d’organisations mafieuses. WFA révèle aussi que sur 100 euros investis par les annonceurs (au niveau mondial) dans les achats programmatiques, seuls 40 sont encaissés par les médias, les 60 restants sont prélevés par les intermédiaires. L’UDA aide les annonceurs à faire baisser les marges excessives des différents intervenants, voire à recourir à l’internalisation des trading desks.

 

Pour lutter contre l’adblocking en progression (1), des acteurs parmi lesquels l’IAB et la WFA, rejoints par Google, Facebook, P&G et Unilever, viennent de fonder The Coalition for Better Ads. Quel sera le rôle de l’UDA?

E.L. C’est notre cheval de bataille depuis des mois. En avril, nous avons fait des propositions – formats non intrusifs, poids des publicités… – et lancé un appel à leur mise en œuvre par les agences, les régies et les médias. La coalition, elle, va définir des «formats acceptables» au niveau mondial début 2017, et le contrôle de leur application se fera au niveau local, donc l’UDA y veillera, certainement avec les organisations locales de l'IAB et des agences. Mais la progression des bloqueurs de publicité, ce n’est pas qu’un rejet des formats intrusifs, c'est aussi une peur pour ses données personnelles.

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