Étude
La deuxième édition de l'enquête «Marques d'avenir» menée par l'agence W, avec l'institut CSA et Capgemini Consulting, révèle notamment que les marques qui durent sont celles qui innovent... sans être pour autant rupturistes.

Kodak, Lehman Brothers, Arthur Andersen, Nokia... Ces grandes marques, nées au 19ème siècle ou à l'orée du 20ème, ont toutes en commun d'avoir sombré corps et âmes, les unes aux prises à des mutations mal anticipées, les autres à des tourmentes financières. Récemment encore, Samsung avec son explosif Galaxy Note 7 a fait l'amère expérience des aléas de la vie d'une marque. En matière de pérennité, si même les marques les plus établies ne sont pas à l'abri d'une disparition pure et simple, les licornes comme leurs grands frères les géants du net ne sont pas sûres de durer. 

Pour «veiller à sa part de futur», selon l'expression de l'agence W, quelques règles sont à suivre et certains leviers sont à privilégier. La seconde édition de son étude «Marques d'avenir», menée auprès de 150 décideurs français en partenariat avec l’institut CSA et Capgemini Consulting (voir méthodologie), dresse un tableau détaillé du «capital d'avenir d'une marque». Par «marques d'avenir», l'agence W entend «toutes ces marques qui deviendront (ou resteront) des marques de référence dans leur secteur dans les dix prochaines années».

L'enquête commence par présenter ces marques d'avenir, classées selon six ensembles de critères: performance, bénéfice client, disruption, gouvernance, RSE/bien commun et émotion (voir ci-contre). Non sans surprise, compte tenu des rumeurs sur son futur incertain, Apple domine toujours de la tête et des épaules le classement, devant Google. La marque à la pomme truste la première place sur tous les items, à deux exceptions près liées aux critères RSE («crée des emplois» et «est responsable, éthique, engagée, citoyenne»). Sur ces deux derniers points, les marques françaises monopolisent le podium avec Airbus, Chantiers navals et EDF côté emplois, et EDF, Leclerc et Engie côté responsabilité.  

Les marques françaises sont d'ailleurs résolument des «marques d'avenir», selon l'échantillon interrogé, au profil il est vrai exclusivement hexagonal. Près de la moitié de ces dernières sont en effet des marques nationales, Top 30 et Top 100 confondus (Renault, Total, L'Oréal, Blablacar, Orange, Danone...). «Elles ont su se renouveler, soit en privilégiant l'innovation interne comme Danone, soit en recourant à des sociétés extérieures telles SNCF qui a racheté OuiCar ou Accor Hotels qui collabore avec des start-up», explique Denis Gancel, président de W. Les marques françaises sont toutefois en recul par rapport à 2015: 17 sont classées dans le Top 30, contre 13 en 2016.

Le capital historique, un avantage compétitif

Particularité hexagonale: 60% des marques françaises citées sont des marques patrimoniales fondées voilà plus de 40 ans. Une force incontestable car comme le souligne Denis Gancel: «une marque d'avenir a d'abord une histoire. L'hypermédiatisation des licornes crée un complexe de la part des marques patrimoniales. À tort, car c'est au contraire un avantage compétitif objectif en termes de réassurance, de puissance et de résilience.»

Mais revers de la médaille, la nouvelle économie peine à percer en France. La seule licorne française à émerger est Blablacar, la plateforme communautaire de covoiturage se place au 10ème rang. «Les points forts de la France sont sa créativité, en témoigne l'essor de nombreuses start-up, et ses leaders mondiaux, dans le luxe, l'énergie, les transports, l'agroalimentaire... En revanche, le pays éprouve des difficultés à constituer un marché solide d'entreprises de taille intermédiaire. Les entreprises françaises oublient un peu trop que leurs premières parts de marché à conquérir se trouvent à leurs portes, en Europe. La force des États-Unis tient ainsi à son marché intérieur», commente Denis Gancel.

Or sur l'ensemble du classement, cette nouvelle économie justement est très présente avec les incontournables Apple, Google, Facebook, Amazon et Uber, toutes américaines, auxquelles vient se greffer le constructeur Tesla Motors, porté par une conjoncture de crise favorisant les offres de rupture et une forte médiatisation. Le trublion de l'automobile a ainsi gagné plus de 28 places entre 2015 et 2016. «Toutes les marques établies subissent aujourd'hui des attaques de leur business model. Cette ubérisation ne touche pas seulement le secteur du web ou des high tech mais tous les domaines: banque/assurance, tourisme/hôtellerie, transport, alimentation...», analyse Denis Gancel, «et ce qui est vraiment nouveau, c'est la vitesse avec laquelle les nouveaux acteurs peuvent déstabiliser les sociétés installées. Celles-ci sont contraintes de se doter de circuits plus courts et de recruter des profils de collaborateurs différents». 

Dans ce monde instable, le premier et principal point d'ancrage et de réassurance est donc le capital historique de la marque, mais aussi et avant tout sa performance économique, premier critère pour 53% des dirigeants interrogés. La crise a manifestement marqué les esprits... Autre levier déterminant pour être une marque d’avenir: l'innovation, mais pas forcèment celle qui s'emploie à casser les codes, plutôt l'innovation incrémentale, celle qui anticipe les besoins en mettant l’innovation au cœur de son modèle. Ce que des Kodak et autres Nokia avaient manifestement sous-estimé. 

Méthodologie

Enquête réalisée par l’institut CSA par téléphone du 25 avril au 3 mai 2016 sur un échantillon raisonné de 151 décideurs en France (41 start-up d’au moins 1 salarié, 40 PME des secteurs innovants de 10 à 199 salariés, 40 petites ETI de 200 à 999 salariés de tous secteurs et 30 grandes entreprises de plus de 1000 salariés de tous secteurs). Échantillon constitué d'après la méthode des quotas (taille d’entreprise, secteur d’activité, région).

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