Le Lab
Michaël Flacandji, maître de conférences à l’IAE de Bordeaux, a travaillé sur le souvenir de l’expérience en boutique. Le chercheur tord le cou à bon nombre d'idées reçues.

«Quand un client quitte un point de vente, de quoi se remémore-t-il? Et combien de temps? Je me suis intéressé pendant quatre ans à ce sujet, de 2011 à 2015, dans le cadre de ma thèse. Si le concept “d’expérience magasin” est sur toutes les lèvres (et l’on voit même arriver dans les entreprises des “chief experience officers”), il est difficile de savoir concrètement ce dont les clients se remémorent de leur passage en boutique. Pourtant, les sociétés investissent beaucoup d’argent dans des concept stores, pour créer des expériences plaisantes, sans pour autant que ces derniers sortent des magasins en ayant effectué des achats. Cela correspond à une idée fausse selon laquelle la satisfaction des clients est une clé de la fidélité, or un client peut très bien être content de sa visite et ne pas revenir pour autant en magasin, comme l’ont démontré plusieurs études (Mittal et Al, 1998).

D’ailleurs, selon les travaux du prix Nobel d’économie Daniel Kahneman, le souvenir est meilleur prédicteur des comportements futurs que l’expérience elle-même.

Dans mes travaux, j’ai commencé par définir ce qu’est le souvenir de l’expérience, avec une enquête qualitative auprès de 132 consommateurs, interrogés à trois reprises: à leur sortie des magasins (Desigual, Nespresso, Adidas…), 15 jours et deux mois après (par téléphone). Bien que le souvenir de l’expérience en magasin s’estompe avec le temps, il s’articule toujours de la même façon: il peut porter sur les produits, le magasin (l’ambiance…), l’interaction avec le personnel. Les magasins ont ainsi une capacité à véhiculer du souvenir qu’internet ne possède pas. Mais ne l’exploitent pas toujours: les marques comme Primark, qui font le choix d’avoir zéro vendeur, se privent de cette dimension importante.  

Pilotage automatique

Autre enseignement: les directions marketing investissent dans de très belles promotions sur le lieu de vente (PLV) alors que les clients se mettent souvent en pilotage automatique dès leur entrée dans le magasin et foncent droit vers le produit qui les intéresse. Si les gens se souviennent systématiquement s’il y avait des escaliers ou un escalator, ils se rappellent peu de ce qu’il y avait autour. De façon analogue, les personnes se remémorent systématiquement si des affiches étaient placardées dans les toilettes car elles ont le temps de les voir. Cette attention peut varier en fonction de différents éléments comme par exemple le fait d’être accompagné ou non lors de sa visite.

Pour faire en sorte que les souvenirs perdurent dans l’esprit des consommateurs et influencent durablement la relation à l’enseigne, il faut amener les clients à vivre des expériences de souvenirs: après coup, envoyer par exemple un e-mail à la personne en l’interrogeant sur l’appréciation de sa visite ou en la remerciant de son passage. Cela va consolider le souvenir. Pourquoi ne pas utiliser des spots de télévision pour mettre en avant une expérience magasin, plutôt que de se focaliser systématiquement sur le produit ou le prix.»



 

Le prof

Michaël Flacandji est maître de conférences à l’IAE de Bordeaux. Passionné par l’univers des points de vente et de l’expérience client, ses travaux de recherche l'ont amené à s'intéresser à la distribution et au comportement du consommateur. Sa thèse de doctorat portant sur le souvenir de l’expérience magasin soutenue à l’IAE de Dijon, a été lauréate du prix de thèse AFM (association française de marketing)-FNEGE (Fondation Nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises) 2016.

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