Innovation
On est très sérieux quand on a 17 ans. Philippine Dolbeau, qui passe son bac littéraire à la fin de l'année, a lancé il y a deux ans son application New School, un cahier d'appel 2.0. Elle a remporté le 13 janvier le prix «The Most Innovative Person of the Year 2017» aux Napoléons. Rencontre.

Comment est née l’idée de New School ?

Philippine Dolbeau. Comme un devoir scolaire! A 15 ans, en 2014, j’avais choisi de suivre les cours de principes fondamentaux de l’économie et de la gestion qui comprenaient un exercice de création de start-up. Je n’avais pas d’idée jusqu’à ce que je rentre chez moi et que j’allume la télé: on y diffusait un reportage sur un enfant bordelais de neuf ans, Charles, qui s'est endormi dans le bus scolaire qui le conduisait à l'école et s’est réveillé au dépôt, sans que personne ne se rende compte de son absence: son instituteur n’avait pas fait l’appel… En discutant avec ma mère prof d’anglais, je me suis aperçue que beaucoup d’enseignants négligeaient de faire l’appel, considéré par une perte de temps: cette étape prendrait en tout 28 heures par an… J’ai donc réfléchi à une application permettant de faire l’appel en un clin d’oeil, grâce à des porte-clés connectés donnés aux élèves. L’application peut envoyer des SMS ou des e-mails aux parents dont les élèves seraient absents.

 

Comment avez-vous développé cette application ?

P.D. Je l’ai développée de mon côté. Je suis très indépendante et autodidacte. J’ai appris la guitare et l’espagnol toute seule sur Youtube, j’ai aussi appris à coder grâce à des tutoriels… J’ai ainsi pu concevoir un prototype. Mais il me manquait la technologie I Beacon [qui permet à un périphérique IOS d'envoyer un signal à un autre situé à proximité], indispensable pour les porte-clés connectés donnés aux élèves… J’ai donc demandé de l’aide à Apple, qui m’a fourni une liste de 500 sociétés, parmi lesquelles j’ai choisi Ubudu, dont je trouvais le nom sympa! [Rires]

 

Quels sont vos liens avec Apple ?

P.D. En mai 2015, j’ai remporté le prix Digischool Hype Award des entreprises digitales dans la catégorie des projets des moins de 15 ans. Dans le public du théâtre des Deux Anes, à Paris, où étaient remis les trophées, se trouvait quelqu’un d’Apple. Un peu plus tard, alors que je faisais un stage de mini-entreprise au sein du garage digital d’Areva, j’ai reçu un e-mail du directeur d’Apple Europe. Aujourd’hui, Apple m’aide beaucoup: nous échangeons tous les mois, notamment sur des questions techniques.

 

Du fait de votre jeune âge, vous avez été énormément médiatisée...

P.D. Tout a commencé à un repas de famille à Noël avec mon oncle, qui m'a mise au défi de contacter un journaliste. Comme j’aime les challenges, j’ai immédiatement contacté la première chaîne qui m’est venue à l’esprit: BFM Business. Par chance, j’avais envoyé un e-mail à Stéphane Soumier, le directeur de la rédaction, qui m’a immédiatement rappellée. Le 7 janvier 2016 à 7 heures du matin, la vidéo a été diffusée. Le soir, en rentrant de l’école, j’avais 200 appels manqués, 1000 notifications Twitter, les plus grosses chaînes m’avaient appelée… En 20 mois, j'ai compté 150 passages presse et TV.

 

L’application a suscité certaines polémiques…

P.D. Oui, on a accusé New School d’être une appli de flicage… Or, je reste une élève avant tout! Il s’agit juste d’aider les professeurs à faire leur travail… L’appli utilise la localisation, pas la géolocalisation, la nuance est importante!

 

Où en est New School aujourd’hui?

P.D. Mon père, ma mère et moi sommes en discussions avec de nombreux établissements pilotes. Nous avons développé New School Family pour les familles d’élèves, qui en est à sa version bêta et devrait permettre aux chefs d’établissement d’envoyer des messages aux familles par exemple en cas d’intempéries ou d’alertes terroristes.

 

Où vous voyez-vous après le bac?

P.D. Après mon bac littéraire, j’aimerais entrer à Sciences Po. J’ai aussi présenté des écoles à l’étranger, comme McGill ou University College London. J’aimerais vivre au moins un moment à l’étranger et continuer dans l’entreprenariat. Quand on a goûté à cette aventure, on n’a plus envie d’être salarié!

 

Comment vos camarades perçoivent-ils tous vos projets ?

P.D. Au départ, ils étaient très fiers, puis certaines jalousies se sont fait jour… Disons que j’ai découvert que j’avais de vrais amis, d’autres un peu moins… Au final, c’est une belle leçon de vie et de maturité.

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