Jeux vidéo
Annoncée en octobre 2016, présentée en janvier 2017 et lancée en mars, la Switch est la nouvelle console de Nintendo, synthèse de son savoir-faire dans le salon et à l’extérieur.

Avec la Switch, une console hybride remplaçant la Wii U pour le salon et, à terme, la 3DS pour l’extérieur, c’est tout son univers que Nintendo est censé condenser. Censé, car c’est déjà ce qu’il a tenté en 2012 avec sa précédente machine, écoulée à peine à 14 millions d’unités, contre 102 millions pour sa devancière, la Wii, sortie en 2006. La faute, à l'époque, d'un marketing jugé peu clair. « Il y a eu un énorme malentendu au lancement sur ce qu’était la Wii U. l'un des messages principaux était qu’il s’agissait d’une nouvelle console et d’une nouvelle manette. Mais beaucoup de personnes ne savent toujours pas ce que c’est », a même déploré Shelly Pearce, la directrice marketing de Nintendo UK. Mea culpa, donc. Et remise en question. « Un aspect que nous devrons améliorer au lancement de la NX [le nom de code de la Switch] sera de mieux communiquer sur son positionnement », affirmait, en août 2016, Reginald Fils-Aimé, patron de Nintendo of America. Cela, au moins, semble réussi. « Avec la Switch, on comprend qu’il s’agit d’une nouvelle console », note un observateur lors de la présentation de la machine en France, le 13 janvier au Grand Palais, à Paris.



Trentenaire urbain

 

Avec ce nouveau produit, le groupe japonais est très attendu. Son pari n'est pas anodin. Il va tenter de creuser son sillon entre Sony et Microsoft –les deux leaders du salon avec leurs consoles plus puissantes– et la myriade de tablettes existantes, à l'offre vidéoludique toujours plus riche. Comme avec la Wii U, Nintendo présente son concept de console de salon-tablette au travers d'un clip promotionnel de 3 minutes 36, diffusé sur Youtube, et visionné 25 millions de fois depuis le 20 octobre dernier. Le film présente un trentenaire, urbain, assis devant sa TV, en pleine chevauchée dans The Legend of Zelda : Breath of the Wild, l’un des titres phares de Nintendo. Mais l’épopée de notre héros est stoppée par un aboiement de chien, lui bien réel, qui réclame sa sortie du soir. Finalement, notre homme poursuivra sa partie dehors sur un banc, illustrant ainsi la capacité de la Switch, grâce à son propre écran, de concilier plaisir du jeu et contraintes de la vie d'adulte.



Nintendo Direct

 

Au final, dans cette vidéo promotionnelle, ni enfant (sa première cible à la fin des années 80), ni famille (qui a fait ses choux gras avec la Wii!).  « C’est un changement de paradigme total », observe Thomas Grellier, consultant spécialiste des jeux vidéo, codirecteur de l’École de management des industries créatives (EMIC) et ancien directeur marketing de Sega. « Nintendo vise dans un premier temps les leaders d’opinion afin d'amorcer la pompe. C’est une stratégie en deux temps. Ensuite, la marque devrait entamer un virage plus grand public au travers de prises de parole qui mettront en scène des familles », anticipe l'expert. Interrogée sur les intentions du groupe, Anne-Marie Baufine-Ducrocq, directrice marketing de Nintendo France, ne dira mot, préférant « laisser d’abord la parole aux joueurs ». Pour s'adresser à eux, le groupe privilégie toujours plus internet et les plateformes telles que Youtube ou Twitch (dédiée au jeu). « Avec ses Nintendo Direct, diffusés une fois par mois, l’éditeur établit un rapport privilégié avec les joueurs, sans le filtre des journalistes qui sélectionnent les informations. Et cela leur plaît énormément », témoigne Florent Gorges, auteur de L’histoire de Nintendo (OmakeBooks). 



Pikachu en éclaireur

 

Plus inhabituel, Nintendo cible, dès le clip promotionnel de la Switch, les adeptes de e-sport, avec Splatoon 2. Le jeu en vaudrait la chandelle, selon Florent Gorges car « ce public, une fois captif, s’investit dans le jeu, réalise des micro-achats récurrents ». Bref, il constitue une ligne de revenus plus solide que celle des joueurs classiques, dont les recettes évoluent au gré des nouveaux titres... À condition de séduire des joueurs souvent déjà engagés dans un autre jeu. Pas une mince affaire, prévient l’expert.

 

En attendant, Nintendo mise sur les fondamentaux: Mario, Zelda, Pokémon... et en la matière, « le marketing de la Switch est déjà fait », sourit Thomas Grellier. À l’été 2016, le jeu mobile Pokémon Go, téléchargé plus de 500 millions de fois, a rappelé que Pikachu en avait encore sous la patte. À l’automne, c’est le plombier moustachu qui revenait sur le devant de la scène en investissant un nouveau terrain : le smartphone (Iphone). Mis en avant par Apple, le titre sera téléchargé 90 millions de fois. C'est ainsi que Nintendo a opportunément réactivé ces marques dans l'esprit du public, analyse Thomas Grellier, selon qui ces sorties ont été préméditées « pour préparer l’arrivée de la Switch ».

 

Mais au-delà des mascottes, c’est son matériel que Nintendo devra imposer. Comme le souligne dans une note Harding Rolls, analyste chez IHS Markit, son défi est « de communiquer sur un produit complexe auprès du grand-public (…), et satisfaire tant les adeptes traditionnels de ses consoles que de nouveaux joueurs habitués au confort des tablettes ». Au lendemain de la présentation en France, Amazon demandait à ses clients de ne précommander qu’une console par foyer, un message annonciateur de pénurie. Reste à savoir si elle est orchestrée par Nintendo. Pratique déjà vue dans l’électronique grand public, idéale pour attiser l’envie.

Chiffres clés:

- 1,1 milliard d'euros. Chiffre d'affaires mondial au premier semestre 2016, en baisse annuelle de 33% sur un an

- 337 millions d'euros. Bénéfice net au premier semestre 2016, en hausse de 234% sur un an (cession d'actifs)

- 13,36 millions. Nombre de Wii U écoulées depuis son lancement en novembre 2012

- 61,6 millions. Nombre de 3DS écoulées depuis son lancement en mars 2011

- 58,37 millions. Dépenses médias en France en 2015 (97% en TV), en baisse de 38,7% sur un an (Kantar Media)

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