Dossier Marketing
Grâce aux réseaux sociaux et sous l'influence des millennials, les marques qui s'adressent aux femmes s'éloignent d'un marketing «genré» au profit d'une approche par centres d'intérêt.

«Les marques ont aujourd'hui tendance à s'adresser à leurs clients d'un point de vue de style de vie plus que de données socio-démographiques, assure Alexandre Thomas, directeur associé du cabinet Kantar Added Value. Cela vaut pour le marketing en général, pas seulement pour les femmes.» Un constat partagé par Alban Callet, directeur général adjoint de DDB Paris: «Les segmentations par l'âge et le sexe ne disent rien sur les motivations des acheteurs. On préfère parler d'insight, c'est-à-dire de ce qui touche les gens.» Dans son étude «Comment parler aux femmes?» datée de 2015, Kantar Added Value recensait les représentations de la femme dans la publicité au niveau mondial et aboutissait à six thèmes clés, toujours d'actualité: empowerment (émancipation), authenticité, expression de soi, engagement, séduction et subversion. Des angles d'attaque plus pertinents que les catégories classiques femme fatale, fashionista ou mère de famille…

Fini la ménagère de moins de 50 ans

D’ailleurs, l'abandon de la terminologie réductrice de «ménagère de moins de 50 ans» au profit de «personne responsable principale des achats du foyer» est révélateur de cette évolution, accélérée par les nouvelles habitudes de consommation digitales. «Alors que les femmes font leurs courses à distance sur internet et donc libèrent du temps pour d'autres activités, cela n'a plus de sens de ne leur parler que comme à des mères et à des ménagères. Si les marques ne reflètent plus la réalité, elles vont s'en détourner», estime Christelle Delarue, fondatrice de l'agence de publicité Mad & Woman, qui entend lutter contre les stéréotypes. Cela est d'autant plus vrai que les femmes sont surconsommatrices de réseaux sociaux par rapport aux hommes: selon Pew Research Center, 76% d'entre elles utilisant internet sont inscrites sur Facebook, contre 66% des hommes. Elles s'en servent davantage que les hommes pour interagir avec leur réseau, avec 8% d'amis en plus et 55% de posts en plus sur leur mur. Leur pouvoir de prescription (ou de rejet d'une marque) est donc énorme, au point que l'on estime qu'elles pèsent sur 80% des décisions d'achat.

La génération des millennials (les 18-35 ans), qui fait davantage confiance aux recommandations de ses pairs qu'aux discours des marques, bouscule encore plus les typologies classiques. «L'attitude des nouvelles générations par rapport au genre est de se revendiquer comme un individu avant d'être homme, femme, hétéro ou homosexuel. C'est déstabilisant mais les marques en sont conscientes, y compris les plus féminines», assure Alexandre Thomas, de Kantar Added Value. Dans les marchés réservés aux femmes comme les protections périodiques, la campagne «Always #likeagirl» a œuvré pour valoriser la confiance en elles des jeunes filles, encouragées à pratiquer un sport. Et il n'y a pas que les millennials: il ne faut pas négliger non plus les seniors qui, elles aussi, sont connectées, ont du temps et du pouvoir d'achat. Dans le secteur de la beauté, on a vu apparaître des représentations de la diversité avec des égéries assumant leur âge, comme Helen Mirren, Jane Fonda ou la fringante nonagénaire Iris Apfel.

Les marques doivent s'adapter

En réaction à ces évolutions sociétales, le sexisme décomplexé au plus haut niveau oblige les marques à se positionner. Lorsque Donald Trump a exprimé sa volonté de voir les employées de la Maison-Blanche «s'habiller comme des femmes», le hashtag #dresslikeawoman est immédiatement devenu viral sur Twitter avec des images de femmes militaires ou chirurgiennes. Les publicités lors du Super Bowl, le 7 février, ont d'ailleurs été l'occasion pour les annonceurs de s'engager, ainsi une campagne Audi en faveur de l'égalité salariale qui montre une adolescente remportant une course de karting. La Fashion Week de New York, la semaine suivante, a fait la part belle aux vestiaires masculin-féminin chez Calvin Klein, Ralph Lauren ou Coach. Détail significatif: d'après Getty Images France, le nombre de recherches avec l'item «femme chef d'entreprise» a augmenté de 129% en trois ans. Tandis que les réseaux de femmes se multiplient en France pour développer l'entrepreneuriat (à peine 20 à 30% de femmes parmi les créateurs d'entreprises, selon les études), alors qu'un appel à la grève est lancé le 8 mars, à 15h40, pour les droits des femmes, le marketing dit genré paraît anachronique. Et donne même lieu à quelques bêtisiers, telle la tentative de Stabilo de positionner son nouveau feutre comme féminin car plus rond. Ou encore le phénomène de la «taxe rose», qui veut que des produits soient plus chers lorsqu'ils sont packagés pour des femmes (cela va des rasoirs jetables à Kinder Surprise). Que certains bastions masculins, comme Harley Davidson, adaptent leur modèle à la morphologie féminine pour ne pas exclure les bikeuses, est positif. Mais les marques ont compris que les femmes n'ont pas besoin d'un monde repeint en rose pour se sentir traitées à égalité avec les hommes.

 

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