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Comment faire repartir la machine ?
23/04/2009 - par Alain Delcayre et Marie MaudieuLe secteur automobile est en crise, avec des conséquences sur les investissements publicitaires et les stratégies marketing. Pour faire redémarrer le moteur, la seule perspective de la reprise ne suffira pas. Les constructeurs doivent réinventer leur modèle de développement.
"Nous allons faire plus et mieux avec le même budget." Chez Renault, le ton est donné par le directeur de la communication marketing monde. Ce 9 avril, devant la presse, Patrick Fourniol fait écho à Stephen Norman, l'exigeant directeur marketing monde du groupe. Leur mot d'ordre: "La crise ne nécessite pas forcément de dépenser plus."
Ce jour-là, le constructeur français a d'ailleurs annoncé que son budget de communication mondial serait étale en 2009, à 600 millions d'euros. Un coup de frein, après une forte augmentation de sa pression publicitaire l'an dernier (+25% selon TNS Media Intelligence). Résultat: une chute de plus de 25% des investissements publicitaires bruts du premier annonceur français sur janvier et février 2009, alors que ses concurrents, Peugeot et Citroën, opéraient un rattrapage (+10% et +20%) sur cette même période.
Des chiffres bruts à interpréter avec précaution. Chez tous les constructeurs, l'heure est plutôt à la prudence, sinon à la parcimonie. Dans les faits, les dépenses médias de Citroën seraient en baisse de 40% depuis deux ans. Chez Opel, on travaille à "isobudget". Quant à Volkswagen, qui avait levé le pied depuis deux ans, ses investissements médias resteront stables en 2009, à environ 130 millions d'euros.
Il est vrai qu'au premier trimestre, les ventes de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers ont baissé de 7,2%. La situation est d'autant plus préoccupante du point de vue publicitaire que, parmi les dix premiers annonceurs en France de ce début d'année, trois sont des constructeurs automobiles (Renault, Peugeot et Citroën).
Vague verte
D'où une certaine tension dans les médias, et dans les agences de publicité dont les constructeurs sont souvent de très importants clients. Peugeot est ainsi le premier budget de BETC Euro RSCG, et Citroën le premier de H, autre enseigne du groupe Havas.
C'est pourquoi tout le monde phosphore sur la même question: comment faire redémarrer le moteur? Une chose semble acquise, la seule perspective de la sortie de crise ne suffira pas. "Le système de l'automobile n'est pas mort, il est en révolution. Les comportements connaissent des modifications structurelles. On peut parler de réinvention d'un modèle", analyse Christophe Lafarge, président de l'agence H.
Cela passe notamment par une innovation technologique à forte dominante écologique, le développement de prestations de nouveaux services et un mode de relation client revisité par le Web.
Avec la hausse du coût des énergies et les enjeux environnementaux, l'innovation se focalise de plus en plus sur les véhicules propres. "Véhicules hybrides, électriques ou à hydrogène, les pistes ne manquent pas. Mais le problème est de trouver le bon moment par rapport à l'attente des consommateurs pour mettre à la disposition du plus grand nombre ces nouvelles technologies", tempère Pierre Garnier, directeur marketing de Peugeot France.
Le constructeur commercialisera début 2011 son premier modèle électrique avec Mitsubishi mais aussi un véhicule hybride diesel, la 3008 HY (DS5 pour Citroën). Au même moment, Renault inaugurera son premier modèle électrique en Israël et au Danemark, la gamme complète devant être lancée l'année suivante. Chez Opel, le premier véhicule à propulsion 100% électrique est annoncé pour fin 2011.
En attendant, certains font feu de tout bois pour communiquer sur ce thème. "Le lancement fin 2008 de la nouvelle Fiesta Econetic a mis en avant la baisse de la consommation d'essence et des émissions de CO2 de ce modèle, obtenue grâce à une réduction significative de son poids", lance Stéphane Cesareo, directeur de la communication de Ford France.
Des services à inventer
Un argument écologique qui a ses limites, considère Alban Callet, directeur général adjoint de l'agence V, chargée du budget Volkswagen, qui annonce une prochaine communication plus "honnête" de VW sur cette question: "Il faut arrêter de faire croire aux gens qu'acheter telle ou telle voiture peut permettre d'arrêter de polluer."
Autre piste, de nouveaux modes d'utilisation de l'automobile. Comme en témoigne l'expérience Better Place Project de Renault avec l'Israélien Shai Agassi, qui teste un système d'abonnement mensuel pour voiture électrique, les constructeurs travaillent d'ores et déjà sur le sujet.
Dans une récente analyse, le sociologue Gérard Mermet évoquait ainsi "le passage de l'ego mobile à l'éco mobile". "Les moins de 35 ans n'ont jamais été aussi peu nombreux en Europe à consommer des voitures neuves", constate Patrick Fourniol, de Renault. "Le monde entier se restructure autour de la mobilité. L'auto restera au cœur de ce nouveau modèle mais avec une notion désormais clé: le service", complète Christophe Lafarge, de H.
Peugeot mène actuellement dans une grande ville de l'ouest de la France une opération pilote proposant un "forfait mobilité" sur différents véhicules (auto, scooter et vélo). Dans ce domaine, Ford a été précurseur en lançant dès 1998 le programme Idée Ford, un système de location avec option d'achat au bout de deux ans. "Nous avons signé 100000 contrats Idée Ford, ce qui représente 15 à 20% de nos ventes aux particuliers", note Stéphane Cesareo.
Dans la même veine, Opel commercialise depuis le 16 avril une offre spécifiquement développée pour la France, baptisée Opel Multi (www.opelmulti.fr). Le principe: pour tout achat d'une voiture neuve, le client a accès 20 jours par an à plusieurs véhicules de la gamme dits complémentaires.
Alban Callet, de l'agence V, se montre circonspect sur cette mutation en rappelant que "l'automobile fait encore rêver". Raphael de Andreis, président de BETC Euro RSCG, souligne à cet égard "la tension entre les dimensions utilitaires et statutaires de la voiture".
Révolution numérique
Autre changement, autre levier à actionner: la relation aux consommateurs. Si les concessionnaires restent incontournables (mais pour combien de temps?), Internet a bouleversé la donne.
"Plus des trois quarts des clients consultent Internet avant un achat et 30% achètent dans les trois mois. En moyenne, un internaute passe deux heures par an sur des sites auto. Or, seul 30% du volume des informations sur l'automobile disponibles sur le Web est produit par les constructeurs", constate Patrick Fourniol, de Renault.
Le groupe, qui a doublé ses investissements publicitaires sur le Web entre 2007 et 2008 (15% de son budget d'achat médias), vient ainsi d'annoncer le lancement d'une Web-TV (www.renault.tv) avec déjà une centaine d'heures de contenus disponibles et, d'ici à l'été, d'un site d'e-commerce (www.renaultshop.fr) pour une meilleure gestion de son stock.
Une initiative qui intervient un an après le lancement de peugeotwebstore.com et deux ans après ce qui reste la référence du marché en termes d'image sur la Toile: Audi TV. Chez Volkswagen, c'est sur la relation client que l'on a misé, en lançant il y a quelques mois un nouveau site baptisé www.beautifullife.fr, sorte de garage virtuel.
Conséquence d'une révolution numérique, accélérée par des budgets médias stables voire en baisse: "une nécessaire adaptation de la stratégie des moyens ne rendant plus automatique le schéma un modèle-une campagne multisupport", estime Raphaël de Andreis, de BETC Euro RSCG.
Des mutations profondes qui interviennent alors que les marques généralistes sont prises en étau entre la descente en gamme des spécialistes et la montée des voitures low cost. Si Citroën a tranché en février dernier quant à son positionnement de marque à travers la signature "Créative technologie", Renault, marque populaire jouant la communion avec les Français, se cherche encore un slogan après "Créateur d'automobile" et "Des voitures à vivre".
Quant à Peugeot, "il lui reste encore à énoncer son point de vue sur le rôle de l'automobile et sa place dans la société", avance Raphaël de Andreis. Pour ces deux grands constructeurs généralistes, des réponses devraient être apportées au cours du second semestre. Du 17 au 27 septembre, le salon de Francfort promet d'être un rendez-vous clé.