Institutionnel

Le lancement raté, le 13 juillet, de France.fr, site officiel de promotion de l'image de la France (à nouveau en ligne depuis le 16 août), a éclipsé le contenu de ce portail. Quatre experts livrent leurs premières impressions.

 

 

Lors de sa nomination comme délégué interministériel à la communication et directeur du Service d'information du gouvernement (SIG) en 2008, Thierry Saussez était présenté par les médias comme le «monsieur anti-couacs» du gouvernement. Si son action a donné un coup de fouet à la communication gouvernementale, l'échec du lancement le 13 juillet de France.fr, le site officiel destiné à promouvoir l'image de la France, est d'autant plus cuisant qu'il n'a pas été provoqué par une bourde administrative ou un énième conflit larvé entre cabinets ministériels, mais bien par une erreur d'anticipation du SIG.

Quelques heures après sa mise en ligne, le site annonçait sa fermeture pour cause d'encombrement avec… seulement 25 000 visiteurs. «Formidable gâchis», «incroyable méconnaissance des impératifs techniques», «manque de professionnalisme»… Si l'on en croit les commentaires sur Internet, ce ratage estival n'a d'égal que les pitoyables péripéties de l'équipe de France de football en Afrique du Sud. Mais, surtout, il aurait pu être évité si, au lieu de procéder à un lancement en grande pompe, on avait démarré sur une partie de la cible et procédé à des tests de charge, estiment les professionnels du Web.

Quoi qu'il en soit, un mois plus tard, le 16 août, après avoir changé d'hébergeur, France.fr rouvrait et pouvait enfin supporter sans encombre les 200 000 visites du premier jour. Mais une autre polémique naissait deux jours plus tard, dans les colonnes du Canard enchaîné cette fois, à propos du coût de ce site estimé, selon le journal satirique, à quelque 4 millions d'euros. «Il s'agit d'extrapolations virtuelles (…) d'une somme basée sur des montants maximums de marchés publics. Nous sommes aujourd'hui à 1 million d'euros engagés», indiquait Thierry Saussez, dans un commentaire posté sur le site clubic.com. 

Au-delà de la polémique, que vaut vraiment ce site conçu conjointement par l'agence Modedemploi et le designer Ora-ïto, avec un logo signé Euro RSCG C&O? Son concept et son contenu sont-ils à la hauteur de sa mission: être «une vitrine de la France dans le monde».

Quatre spécialistes du marketing digital donnent leur avis.

 

 

«Et la version asiatique?»

Emmanuel Vivier, cofondateur et directeur de la stratégie de Vanksen

«Proposer un seul site pour accéder à l'ensemble des informations sur le pays est une démarche intéressante, même si toucher des cibles aussi différentes que les citoyens, les touristes, les étudiants ou les entrepreneurs n'est pas une mince affaire. Il est regrettable toutefois que pour son ouverture, il n'y ait pas de version du site en langue asiatique. La volonté de développer la marque France est louable, mais un peu tardive quand on voit l'effort en termes de “country branding” de nombreux pays comme la Grande-Bretagne, mais aussi en matière de tourisme de la Grèce ou de l'Irlande. Le plus choquant reste l'échec du lancement, un désastre au regard de l'objectif de base, qui est tout de même de renforcer l'image de la France.» 

 

«Un non-choix de cible»

Antoine Pabst, PDG de Nurun France

«A chaque fois qu'un site politique ouvre, une polémique s'engage dans les médias sur son coût. Or, 3 millions d'euros sur trois ans, ce n'est pas aberrant pour ce genre de site. Quant au fond, si l'on parle d'outil de communication, il faut se poser la problématique de la cible. En l'espèce, on est un peu perdu. Il y a un problème de non-choix de cible. Du coup, l'architecture du site est un peu molle. Se donner un pari aussi insensé que de lancer un site exhaustif sur la France nécessite un énorme travail de typologie des publics visés afin de les guider au mieux, ce qui ne semble pas avoir été fait. Au final, cela manque un peu d'âme et la dimension interactive n'est pas au rendez-vous.»

 

«Un point d'entrée logique»

Philippe Simonet, vice-président de TBWA Paris

«Le contenu et les services du site sont plutôt intéressants. L'architecture des contenus autour de la “problématique France” est bien faite. Sur un sujet aussi large et complexe, il y a toujours un problème d'indexation à résoudre, or le site s'en sort bien. Certes, il y a eu des problèmes lors du lancement qui montrent combien il est important de tester in vivo avant de faire des annonces. Mais, clairement, il s'agit d'une démarche de fond. France.fr est un point d'entrée logique et facile à trouver. Par rapport aux sites de marque qui poussent souvent leurs produits, France.fr est bien centré sur l'utilisateur. Et contrairement au blog de Ségolène Royal ou au lip-dub de l'UMP, par exemple, il n'y a pas à rougir de cette initiative.»

 

«Trop institutionnel»

David Mossaz, directeur associé de Big Youth

«L'ambition de départ est immense, à la limite du possible. Un portail centralisé comme celui-ci, c'est ce qu'on faisait il y a dix ans avec Yahoo. Cela ne correspond pas vraiment à la culture très décentralisée du Web où les moteurs de recherche sont là pour qualifier les requêtes. Par ailleurs, le contenu est très “texte”, on trouve encore peu de vidéo, d'animations, de sons et de photos. Cela reste un site très institutionnel, même si le système de navigation thématique simplifié est plutôt actuel. Mais le site montera sûrement en puissance.»

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