Aller ou pas sur le réseau social, lieu de conversation ouvert, c'est la question que se posent tous les annonceurs. Deux études, menées respectivement par DDB/Opinion Way et Performics, leur donnent des pistes en révélant les attentes des fans de marques.

En mai 2010, pour la première fois aux Etats-Unis, l'audience de Facebook a dépassé celle de Google. Avec quelque 500 millions de membres dans le monde en juillet 2010, dont 400 millions actifs, le «trombinoscope» créé en février 2004 par Mark Zuckerberg pour les étudiants du campus américain de Harvard est devenu un phénomène de société. The Social Network, le film sur son fondateur, qui sort cette semaine, participe à la mythologie (lire page 31).

«La mission affichée de Facebook est d'offrir la connexion pour tous et de construire un monde miroir de nos relations à l'échelle planétaire, explique Caroline Hugonenc, directrice de la cellule études et prospectives d'Isobar (Aegis Media). Ce qui signifie que ne pas être sur Facebook, c'est prendre le risque d'être perçu comme quelqu'un d'asocial.»

Et d'ajouter: «La différence fondamentale entre Facebook et d'autres plates-formes de socialisation est que nous nous y présentons sous notre identité réelle et que nous avons accès aux amis de nos amis dans un environnement semi-privé propice aux échanges.»

Rester en contact avec ses amis et échanger des messages sont les principales motivations des membres d'un réseau social. D'ailleurs, ce n'est pas tant le nombre d'accros qui fascine que le temps qu'ils passent sur cette plate-forme relationnelle: 55 minutes par jour en moyenne, aux Etats-Unis.

En France, le réseau social est désormais troisième dans le classement Médiamétrie de l'audience des sites, après Google et Microsoft, soit 19,3 millions de membres. Une étude de l'agence Performics (Vivaki/Publicis Groupe), intitulée «Internautes et annonceurs: quelles attentes face aux médias sociaux ?», à paraître vendredi 15 octobre, confirme sa fréquence d'utilisation. «L'usage de Facebook est quotidien, avec un temps passé significatif de 3h33 minutes par visiteur et par mois, cotre 1h09 minutes pour Google», indique Mikim Chikli, présidente de Performics. D'ailleurs, pour Aziz Haddad, directeur de Noyz chez Isobar, «le jour où les internautes adopteront Facebook comme page d'accueil par défaut annoncera la fin du règne de Google.»

«Facebook, c'est une vraie rupture, renchérit Matthieu de Lesseux, coprésident de DDB Paris. Même s'il n'a pas encore trouvé son modèle économique, le réseau social remet en jeu les ordres établis dans les agences et chez les annonceurs en accélérant la mutation de nos métiers et la consommation des médias. C'est la vie des gens, on ne peut pas faire comme si cela n'existait pas!» D'autant qu'une fonctionnalité sur Facebook donne toute la dimension sociale du réseau: le fameux «like» («j'aime»), qui permet en un clic de signaler l'intérêt que l'on porte à un sujet avec le poids que représente, on le sait, la recommandation d'un ami (pour acheter un produit ou une marque notamment). «Quatre-vingt-deux pour cent des internautes qui envisagent un achat accordent de l'importance à l'avis d'un ou de plusieurs internautes via les réseaux sociaux», rappelle Mikim Chikli. Et sont d'autant plus enclins à acheter si un ami a «liké» la marque.

Des fans pas si jeunes

Si aujourd'hui, en France, la grande majorité des internautes (60%) n'a jamais consulté la page d'une marque sur Facebook et si seulement 34% déclarent être fans d'une page marque (source: Performics), les annonceurs auraient tort de négliger ce qui se passe sur ce nouveau carrefour d'audience. A minina, ils doivent écouter ce qu'il s'y dit. «Les fans de marques sont minoritaires, mais ils représentent potentiellement les “Facebookers” les plus influents, les plus connectés et les plus utilisateurs du réseau, souligne Catherine Lautier, ex-Procter & Gamble, aujourd'hui directrice Business Intelligence chez DDB Paris. Ce ne sont pas des gens passifs et ils peuvent générer du média induit en diffusant gratuitement le discours de la marque.»

Connaître leur profil, leurs attentes et leurs comportements est évidemment riche d'enseignements pour les marques qui s'interrogent sur la façon d'investir le réseau.

L'institut Opinion Way et DDB Paris se sont donc penchés sur ces «fans de marques» dans une étude-cadre menée dans six pays. Stratégies présente en exclusivité les résultats pour la France (voir graphiques page 14).

Première information: plus la pénétration de Facebook est importante, plus les fans de marque déclarent suivre un grand nombre de celles-ci. La moyenne est de cinq marques suivies en France, pour onze aux Etats-Unis (où l'on dénombre 139 millions de membres Facebook, à comparer aux 19,3 millions en France). «Les marques doivent d'autant plus se poser la question de leur présence sur Facebook quand on sait que 56% des fans aux Etats-Unis le deviennent par une recherche personnelle, souligne Catherine Lautier. A défaut de trouver la page de la marque, ils deviendront fans de la page non officielle, comme c'est le cas pour 29% des fans en France, et la marque ne pourra jamais entrer en relation avec eux.»

Qui sont donc ces «spécimens» français, fans de marques ? Une surprise: ils ne sont pas si jeunes, leur moyenne d'âge étant de 33 ans. Ils sont majoritairement féminins (57%), avec une représentation équilibrée de toutes les classes sociales (un tiers de bac+3 et un tiers de CAP). Pour eux (à 98%), Facebook est un espace privé réservé à leurs amis et à leur famille.

Autre surprise: les fans de marques considèrent Facebook davantage comme un espace de divertissement (47%) que comme un lieu de dialogue entre amis (30%) ou d'information (22%). Du coup, leur intérêt sur le réseau se porte en priorité sur le secteur des médias et du divertissement. Toutefois, la mode, le luxe et… les grandes causes ne les laissent pas indifférents. Les marques devront en tenir compte dans leur prise de parole. «Avant de se lancer, elles auront à se poser la question de leur grille éditoriale», confirme Matthieu de Lesseux.

Ce qui est également à noter, c'est la corrélation entre le fait d'être fan d'une marque et de la consommer, qui se vérifie dans 80% des cas en France (95% aux Etats-Unis). Les fans français (à 92%) sont enclins à recommander à un ami de consommer cette marque. Et pour 24% d’entre eux, être fan leur donne envie d'acheter plus.

La question du «community manager»

Avoir des fans, c'est bien, répondre à leurs attentes, c'est mieux. Pourquoi des internautes français ont-ils fait la démarche de devenir fans de marques? Pas d'ambiguïté pour l'étude DDB/Opinion Way: en devenant fans, les consommateurs attendent de recevoir un traitement exclusif (à 93%) et ont l'intention de devenir les porte-parole de la marque en retour (91%).

Très majoritairement aussi (77%), ils veulent du dialogue et l'interaction. «La réponse “Parce qu'on apprécie la marque», avec 87%, obtient un score plus élevé que “Pour bénéficier d'avantages promotionnels, qui recueille 83%, fait remarquer Catherine Lautier, de DDB Paris. Facebook est clairement un nouveau canal de relation client où le consommateur veut se sentir privilégié.» 

L'étude Performics corrobore ces résultats: «On est fan pour être proche de la marque et connaître son actualité en avant-première, ce qui dépasse le fait de bénéficier d'avantages ou de bons de réductions», souligne Mikli Chikli.

Quand ils contribuent à une page fan de marque, les internautes sont très clairs et leur réponses livrées dans l'étude Performics méritent attention. Ainsi, ils attendent à 60% que la marque prenne en compte leurs remarques, veulent (à 50%) une réponse immédiate par un interlocuteur de l'espace. A cet égard, la question du «community manager» et de la personne qui tiendra ce rôle de porte-parole de l'entreprise dans les médias sociaux est majeure. Les internautes ne sont pas, non plus, insensibles au fait que la marque sollicite leur avis sur des produits et des services (45%).

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