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C'est en empruntant un chemin de traverse que le fondateur de l’agence Buzzman, Georges Mohammed-Chérif, a réussi à se faire une place dans la publicité française. Une trajectoire «virale», mais pas seulement.

GMC pour les intimes. Le nom de Georges Mohammed-Chérif sonne comme celui d'un personnage de film, celui d'un acteur principal au nom impossible à oublier dès qu'on l'a entendu. Des vieux films de gangsters américains à ceux actuels d'Olivier Marchal [acteur et réalisateur, notamment de 36 Quai des Orfèvres et MR73], l'homme a indéniablement le physique et le nom de l'emploi. Mais c'est dans la publicité qu'il officie, sous le nom de ce qui pourrait être un superhéros: Buzzman. Aujourd'hui, l'identification entre le «faiseur de buzz» créé en 2006 et le publicitaire est totale. Une marque de fabrique originale, interactive, parfois «bling», que le métier – et le public – associe au personnage. «Mais Buzzman, ce n'est pas moi. Ce n'est que le nom de mon agence», tient à rappeler le fondateur âgé de quarante et un ans. Une agence qui, avec trente et un salariés, est en plein «boom», à tel point qu'une levée de fonds est en cours pour accompagner son développement à l'international.

Difficile, toutefois, de détacher le talent du publicitaire des facéties créatives de l'agence. Mais, au fond, qui se cache derrière ce patronyme à rallonge, hérité d'origines kabyles? En face A, un Toulousain issu des minorités visibles et d'un milieu modeste, dernier d'une famille de sept enfants, avec une soif de réussite jamais étanchée. En face B, un concepteur-rédacteur qui va observer, piocher, s'amuser, s'inspirer jusqu'à obtenir une vision exacte de ce qu'il veut faire dans la publicité. Et ainsi trouver sa voie.

«Georges s'est intéressé avant les autres à quelque chose que tout le monde méprisait encore dans la publicité, le buzz», se souvient Pierre-Dominique Burgaud, parolier et ancien publicitaire. Hugues Cholez, fondateur associé du studio Arthur Schlovsky, confirme: «Il a devancé l'avancée des médias.» Mais, attention, ne prononcez jamais devant Georges Mohammed-Chérif le mot «viral». «Pour moi, cela ne veut rien dire et c'est surtout l'exact contraire de la publicité que l'on fait chez Buzzman.»

«Un joueur qui accepte de perdre»

Si le discours du créatif paraît pertinent aujourd'hui, peu auraient misé sur lui il y a quatre ans. Car ce publicitaire atypique n'a pas toujours été en vogue. De son circuit dans les grandes agences (CLM BBDO, BETC Euro RSCG, Australie, Young & Rubicam et Publicis Conseil), il traîne en effet une réputation en demi-teinte, celle d'un «talentueux-paresseux-ingérable». Au point de préférer retaper lui-même son propre appartement plutôt que de traîner dans les bureaux de l'agence qui l'emploie à l'époque. Entre les grandes structures et Georges, l'histoire se termine logiquement mal. Éjecté de Publicis en 2004, il entame pendant une petite année une traversée du désert. Il se lance alors dans l'immobilier et entrevoit même la possibilité d'y faire carrière. «La publicité ne me quittait pas, mais je n'arrivais pas à convaincre les patrons d'agences de mon intérêt pour le digital, et surtout pour un digital différent», se souvient-il. C'est finalement par la porte de la production, via la société Première Heure, qu'il va revenir sur le marché.

Ironie du sort, il y a quelques mois, les rumeurs vont bon train sur le rachat de Buzzman par… Publicis. L'intéressé s'en amuse publiquement, jusqu'à passer lui-même une publicité dans Stratégies:«Denise, sortez-moi le dossier Buzzman, s'il vous plaît», fait-il dire à Maurice Lévy. Un humour qui passe ou qui casse. L'homme aime s'amuser, boxer parfois. Trop? «Il est joueur tout en acceptant de perdre», souligne Pierre-Dominique Burgaud. Autrement dit, il n'est pas prêt à transiger sur son exigence créative pour obtenir un nouveau budget. «Il est avec ses clients comme il est dans la vie. C'est un risque à prendre», estime Thomas Kouck, directeur du pôle entertainment digital chez Lagardère Active, avec qui Buzzman a monté l'opération du «faux Delarue» pour le magazine Choc.

Un «savoir-vendre» qui double le créatif d'un très bon commercial. Avec lui, ses clients doivent prendre le pari d'une publicité autre, acceptant, en toile de fond, la conviction que GMC défend haut et fort: «Une création réussie sur Internet, cela a forcément un prix.» Son truc: rendre «sexy» la technologie jusqu'à la faire oublier. Un travail qui rapproche l'agence Buzzman du savoir-faire anglo-saxon tout en lui donnant une place singulière sur le marché français. «Le Chasseur et l'Ours» pour la marque Tipp-Ex, son dernier succès avec plus 25 millions de visiteurs uniques sur You Tube, en est l'illustration.

Un créatif au sens large

Mais, même dans les meilleurs westerns, le «Chérif» ne compte pas que des amis dans la ville. Son caractère bien trempé et son franc-parler le précèdent, parfois à tort. «Georges, c'est un cobra… sans venin», le défend Christophe Paviot, écrivain et publicitaire chez Publicis Conseil. Pour lui, cet électron libre passionné n'a pas été perverti par la «machine» publicitaire. Son ancienne coéquipière Françoise Jacquey, aujourd'hui directrice de création chez Mlle Noï, confie d'ailleurs que leur meilleur souvenir créatif commun, c'est «lorsque Georges invente des recettes de cuisine»

Un créatif au sens large. Toutefois, c'est dans la publicité que Georges Mohammed-Chérif a le mieux réussi à ce jour. «Parce que c'est là qu'il se réalise», confirme Hugues Cholez, d'Arthur Schlovsky. Et si la tentation de tout plaquer, de tout vendre aussi, pour s'offrir une vie dorée au soleil vient souvent le tarauder, GMC a visiblement encore quelques projets pour Buzzman. Au-delà de la production télé, le publicitaire réfléchit à une «agence-hôtel-restaurant», un endroit où son équipe «accueillerait les gens, travaillerait dans les chambres devenues bureaux, avec au dernier étage une ou deux suites pour les clients». Féru de design et de décoration, ce serait ainsi toute la philosophie GMC qui prendrait forme. Et nul doute que sur le tapis de l'entrée brillera, en lettres d'or, son antienne préférée: «Merde, mec.»

 


Ce qu'ils disent de lui

Patrice Haddad, PDG de la société de production Première Heure
«Dans son agence, Georges a démontré sa capacité à tenir plusieurs casquettes: celle de créatif, d'entrepreneur, mais aussi de manager. Il a fait de Buzzman une marque forte.»


Émilie Allonier, chef de groupe déodorants chez Unilever
«Axe est un des clients historiques de l'agence Buzzman. Georges a rendu la marque tendance et séductrice, son humour créatif fonctionnant à plein sur la cible jeune des 15-25 ans.»


Thomas Granger, directeur général de l'agence Buzzman

«Georges a créé une culture d'entreprise liée à son intuition, celle d'une publicité intelligente dans laquelle il se passe quelque chose.»
 

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