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Avec l’ouverture totale à la concurrence du courrier, effective depuis le 1er janvier, La Poste cherche à se repositionner entre lancement de services innovants, offres marketing affinées et points de ventes réaménagés. Entretien avec Nicolas Routier, directeur général du courrier, président de Sofipost-Groupe La Poste.

Dans le cadre de l'ouverture du marché à la concurrence depuis le 1er janvier 2011, quelle nouvelle image voulez-vous donner de La Poste?

Nicolas Routier. Nous considérons le destinataire comme un client, un prescripteur potentiel. Avec cette ouverture à la concurrence, il y a des changements dans les attentes et les perceptions des clients. Nous sommes dans un secteur en difficulté depuis deux ans, avec une baisse du courrier de 4% par an en moyenne. Trente pour cent du trafic devrait avoir disparu d'ici 2015. Nous devons anticiper cette baisse en proposant de nouveaux services.

 

Quels nouveaux services courrier La Poste propose-t-elle au grand public ?

N.R. Notre principale innovation sera Digiposte, disponible pour les entreprises et proposée au grand public à partir du 1er mars. Elle comportera un service de messagerie protégée, un «coffre-fort électronique» avec un espace de stockage sécurisée en ligne, ainsi qu'un lieu d'échanges. Sur l'espace de stockage, d'une capacité de 1 Go dans l'offre de base (gratuite), le client pourra recevoir des relevés de comptes, des bulletins de paie numérisés… Nous avons commencé à nouer des partenariats avec ADP, société spécialisée dans l'externalisation de fiches de paie, et avec La Banque postale. Sur l'espace de partage, le client pourra par exemple ouvrir une discussion avec son conseiller financier. Quant à la messagerie, elle comportera un système d'authentification des messages garantie par La Poste. La confiance est un critère important sur Internet: être sûr de l'expéditeur, du bon acheminement et du bon archivage avec, bien sûr, une solution technologiquement pérenne. Le modèle économique n'est pas encore arrêté mais, à la base, ce seront les entreprises partenaires qui paieront.

 

Quel bilan tirez-vous de vos précédentes expériences de services grand public sur Internet: timbres, lettre recommandée…?

N.R. Nous avons lancé en 2003 les lettres recommandées électroniques postales. Une fois les décrets en cours de validation adoptés, elles seront entièrement électroniques, tant pour les émissions que pour les réceptions. Autre service en ligne, les timbres imprimables: Montimbrenligne permet d'imprimer ses timbres de chez soi, en choisissant sur une base de 200 modèles, avec une durée de validité de six mois. Montimbramoi, lancé en 2007, permet d'avoir un tirage de ses timbres personnalisés à partir de ses propres photos téléchargées sur Internet. Un service similaire, Monsouveniramoi, avec des photos liées à un événement, par exemple un mariage, sera lancé au premier trimestre de cette année.

 

Où en est votre politique de réaménagement des bureaux de poste?

N.R. Mille bureaux, désormais dénommés ESC, pour Espaces service client, dont cent quatre-vingts sur Paris, ont été refaits depuis deux ans. En 2009, le budget de rénovation s'est élevé à 200 millions d'euros. D'ici dix-huit mois, tous les grands bureaux urbains seront refaits. C'est une rupture: nous voulons que nos clients ne parlent plus de «file d'attente», mais de «prise en charge». Les nouveaux bureaux de poste comportent non plus une rangée de guichets, mais des automates, où le client est accompagné avec un service achats (enveloppes, colis…) en libre-service et des box de conseillers financiers qui peuvent vendre des crédits à la consommation et des assurances depuis quelques mois. Mais nous avons supprimé la vente de services tiers, tels que des coffrets-cadeaux Smart box, en 2010 pour nous recentrer sur nos métiers historiques: courrier, colis, banque et téléphonie.

 

Vous lancez également de nouveaux services hors bureaux de poste?

N.R. Nous avons lancé en septembre dernier «Facteur service plus». Nous passons six jours sur sept devant le domicile des Français et quand le facteur sonne, le client lui ouvre. Cela fait partie de nos actifs immatériels. Nous montons donc de nouveaux services, destinés surtout aux zones rurales, facturés à des entreprises partenaires. Dans le cadre d'un partenariat avec Butagaz, et bientôt avec Totalgaz, nos facteurs peuvent relever les compteurs de gaz. En accord avec l'Union nationale des pharmaciens, ils peuvent aussi transporter des médicaments à domicile – une centaine de pharmacies ont signé pour l'instant. Ils peuvent également installer des boîtiers de TNT: nous avons décroché cette prestation dans certaines régions, comme l'Île-de-France et la Champagne-Ardenne, suite à des appels d'offres publics. Autre exemple, la prestation «Bonjour facteur», en tests avec quelques conseils généraux, pour entretenir le lien social avec les personnes âgées.

 

Du côté des entreprises, quels nouveaux services proposez-vous?

N.R. On se voit comme un média: 97% de notre chiffre d'affaires provient de relations entre des entreprises et leurs clients. Notre vrai métier est la mise en relation, nous sommes un média de la relation-client. Six pour cent des dépenses publicitaires des entreprises sont d'ailleurs investies dans la prospection et la fidélisation. Nous avons lancé en 2008 un service de timbres-entreprises, ID Timbres, des timbres qui peuvent être aux couleurs d'une société ou d'un produit. Citroën l'a utilisé lors du lancement de sa C5 pour des courriers adressés à ses clients et prospects. Nous testons aussi des courriers cobrandés, avec quelques annonceurs, par exemple SFR et Nokia: des factures adressées par SFR comportaient un autocollant Nokia, avec des coupons de réductions sur certains modèles de téléphones. Nokia participait au coût du mailing. Nous allons le développer cette année: c'est compliqué à monter, mais cela renouvelle l'intérêt du mailing. Nous testons enfin les factures personnalisées pour en faire un outil de relation client. Il faut y mettre de la valeur, sinon elles seront dématérialisées à terme. Nous avons testé cela sur des relevés EDF et SFR.

 

Toutes ces évolutions nécessitent une mobilisation et des ressources internes. Or, le syndicat SUD-PTT cite 13 800 postes non remplacés pour l'année 2010…

N.R. Je ne commente pas ces chiffres. Actuellement, seul un départ sur trois à un départ sur quatre en retraite est remplacé. Nous gagnons en productivité: face à la baisse du volume du courrier, nous anticipons, nous adaptons nos dépenses en temps réel. Mais dans le cadre du programme «2015, réinventons le courrier», aucun plan social n'est prévu.

 

Encadré

Une libéralisation du courrier à l'échelle européenne

Avant la France, plusieurs pays du Vieux Continent ont déjà ouvert leur marché au courrier, appliquant à la lettre les directives européennes de 1997 et 2002, comme la Suède, pionnière en la matière, ou encore l'Allemagne il y a trois ans, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Cela n'a nullement empêché les acteurs historiques de conserver leurs positions dominantes. Telle la Deutsche Borse en Allemagne, malgré l'attribution de licences régionales. De même, outre-Manche, Royal Mail demeure incontournable pour envoyer une lettre, malgré l'ouverture du secteur il y a cinq ans. Correros, en Espagne, et Posten AB, en Suède, dont les Etats détiennent toujours une grande partie du capital, continuent de contrôler 90% de leurs marchés nationaux respectifs, malgré la présence de nombreux concurrents.

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