Les prix alimentaires soumis à la forte volatilité du cours des matières premières devraient augmenter de 3%, soit deux fois moins qu'en 2008, selon Groupama. Le point sur les stratégies des grands groupes alimentaires.

Quelle est la stratégie des grands groupes agroalimentaires face à la hausse des prix agricoles? Ce sujet sensible et d’actualité a fait l’objet d’une étude de Groupama présentée le 12 mai à la presse. Elle ne concerne toutefois que trois grands groupes, Danone, Nestlé et Unilever, analysés sur un plan strictement international.

 

«Du fait de leur taille, leur pouvoir de négociation face à la grande distribution est important, ils sont donc à même de fixer leur prix et de répercuter les hausses des coûts des matières premières sur le prix final payé par le consommateur», explique Valérie Gadon, analyste financière chez Groupama, spécialiste du secteur, qui souligne la spécificité du marché français, très concurrentiel.

 

«En France, ce sont les distributeurs qui fixent les prix dans un rapport de force largement à leur avantage», assure un porte-parole de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). Ainsi, les négociations commerciales de mars ont été particulièrement tendues avec la distribution, engagée dans une lutte contre la vie chère. Les industriels n’ont pu, selon l'Ania, répercuter qu’une faible partie de l’envolée du coût des matières premières.

 

Leclerc, défenseur du pouvoir d'achat, a même refusé les hausses de prix demandées par Lactalis, jugées excessives, entraînant la disparition du camembert Président ou du roquefort Société dans ses rayons.

 

Les leçons ont porté, la crise est mieux gérée

 

Qu’en est-il pour Danone, Nestlé et Unilever dans un secteur où le coût des matières premières agricoles représente 35% du chiffre d’affaires et 40% du prix de revient? «En 2008, la flambée des cours a surpris ces entreprises qui n'avaient pas connu de telles envolées depuis les années 1970, commente Valérie Gadon. Prises de cours, elles ont répercuté l'ensemble des hausses dans leurs prix de vente pour protéger leur rentabilité.» Les prix ont alors augmenté de 6%.

 

Aujourd’hui, les grandes marques ont, selon elle, tiré les leçons d’une stratégie risquée. Les consommateurs s’étant en effet reportés sur les marques de distributeurs (MDD), elles ont vu leur volume chuter, notamment dans les pays matures. Or il est coûteux de récupérer des parts de marché perdues. «Il est aussi important, pour elles, de faire du volume dans les pays matures. C'est ce qui finance en partie leur développement dans les pays émergents», ajoute Valérie Gadon.

 

L’année 2011 offre un tout autre visage. Groupama parle, pour cette année, d’une meilleure gestion de la crise. «La hausse des prix consommateurs devrait être moins importante qu'en 2008, de l’ordre de 3%. Associée à des économies de coûts recherchées à tous les niveaux, du packaging à l’optimisation de l’outil industriel, elle compensera la hausse des coûts matières», estime Valérie Gadon.

 

 

Enfin, les entreprises ont affiné leurs stratégies commerciales, pays par pays. Les hausses de prix se focalisent, selon Groupama, sur les pays émergents susceptibles de les absorber grâce à l’augmentation des salaires et du pouvoir d'achat de leur population. Mais, dans l’ensemble, innovations, rénovations de gammes, initiatives marketing et communication sont plus que jamais nécessaires pour affronter la volatilité des marchés et justifier les hausses.

 

L'exemple de Lesieur est emblématique des initiatives prises, dans ce contexte, par les marques. L'huile fait partie, avec le café et les farines, des matières premières soumises aux plus fortes hausses en 2011. Son prix devrait croître de 4 à 8% selon la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD).

 

«Elle compose plus de 80% de nos produits. C’était pour nous une question de survie de pouvoir la répercuter sur les tarifs négociés avec la distribution, explique David Garbous, directeur marketing de Lesieur. Ce qui a occasionné une augmentation de plus de 10%.»

 

En attendant de connaître le prix de vente consommateurs, la marque a pris le taureau par les cornes. «C'est une belle occasion d'innover», commente David Garbous qui a, tout d'abord, cherché à renforcer le service apporté par la marque. Depuis février, Lesieur Tournesol est munie d'un bouchon verseur, à la fois plus propre et plus économique. Isio 4 suivra bientôt.

 

Ne fait pas du low-cost qui veut

Lesieur a par ailleurs lancé en septembre 2010 «Fleur de colza», une huile tracée 100% française qui met en avant ses engagements pour une filière de production responsable et de qualité. «Après quatre mois de lancement, la seule indication sur les packagings du label “Lesieur et plus de 500 agriculteurs s’engagent” a fait gagner au produit plus de 2 points de part de marché», explique-t-il.

 

Cette tendance à développer des produits locaux soutenant une filière, donc l'emploi en région, dans un souci de qualité et d’éthique, est partagée par plusieurs acteurs du marché. A commencer par Danone qui, depuis janvier, affiche sur plusieurs de ses produits la provenance du lait entrant dans leur préparation, assortie de la photo des éleveurs.

 

Une autre stratégie consiste à développer des gammes plus accessibles. Danone avait tenté sa chance en 2008 avec le lancement de son écopack, six spécialités laitières à 1 euro. Un fiasco. C’est qu’une grande marque se doit d’apporter de la valeur, même dans le hard-discount. Avec son packaging dépouillé et criard, ses prix faussement cassés et sa gélatine de porc, Danone a raté son entrée dans le low-cost.

 

Les questions de pouvoir d'achat ne peuvent pourtant pas laisser les marques indifférentes. «Nous allons lancer un format d’un demi-litre qui rend la marque plus accessible aux petits foyers et aux petits salaires et qui pourra être mieux représentée dans les circuits de proximité, très en vogue», explique David Garbous, de Lesieur. Une façon de préserver la valeur de la marque en s’adaptant au marché.

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