relations publiques
Le réseau social a dû avouer qu'il avait orchestré avec l'agence Burson-Marsteller une campagne anti-Google. Cette technique peu éthique, mais légale aux Etats-Unis, n'y fait toutefois pas l'unanimité.

La campagne de dénigrement de Google orchestrée en secret par l'agence de relations publiques Burson-Marsteller pour son client Facebook fait l'unanimité contre elle aux Etats-Unis. «Nous pensons que le procédé manque d'éthique. Le consommateur est trompé», déclare Gary McCormick, ancien patron de la Public Relations Society of America. «C'est de très mauvais goût», ajoute Larry Ponemon, du Ponemon Institute, un expert en protection des données et de la vie privée. Tandis que Larry Smith, de l'Institute for Crisis Management, souligne «le terrible risque d'être pris la main dans le sac».

De fait, les spécialistes de Burson-Masteller qui ont approché journalistes et blogueurs pour les inciter à critiquer le traitement des données privées effectué par Google ont été démasqués début mai par l'étudiant-blogueur Christopher Soghoian. Ils ont ainsi été contraint d'avouer leurs liens avec Facebook. «L'ironie de l'histoire, note Marc Rotenberg, de l'Electronic Privacy Information Center (EPIC), c'est que la campagne anti-Google évoquait la collecte d'informations privées, rendue possible par un changement de stratégie de… Facebook.» Et de conclure: «C'était un mauvais combat, très mal exécuté.»

Tous ces professionnels reconnaissent pourtant la «légalité» de la manœuvre – ce qui n'est pas dans les mœurs en France (lire l'encadré) –, dans un pays où par ailleurs la publicité comparative, parfois agressive, est autorisée. «Il n'y a pas de loi aux Etats Unis qui vous interdise de raconter des histoires à propos d'un concurrent», note Larry Smith. «L'idée d'utiliser des experts, journalistes ou blogueurs pour parler de ses concurrents peut être judicieuse, pondère Larry Ponemon. Le procédé, certes immoral, est efficace, car le grand public fait plus confiance aux experts.»

D'où la tentation, malgré l'oprobe généralisée, de discréditer ses concurrents via ces «bad PR». C'est ainsi que l'assureur Progressive martelle à longueur de journée sur le petit écran américain qu'il est moins cher que ses rivaux. Plus fort encore: Microsoft a mis sur pied en Europe ICOMP, l'Initiative for a Competitive Online Market Place, un lobby qui explique aux autorités locales la trop forte puissance de Google. Ce lobby, soutenu par le géant de Redmond et une quarantaine d'autres entreprises, est présidé par Lord Alan Watson, l'ancien patron en Europe de Burson-Marsteller. Son secretariat est assuré par l'agence de «PR».

«Des opérations inspirées des campagnes politiques» 

En fait, «de nombreux groupes de relations publiques font de temps à autres des campagnes négatives sur une entreprise, financées par ses concurrentes», assure Marc Rotenberg, de l'EPIC. Ces opérations, «dignes des techniques d'espionnage, sont inspirées par les campagnes politiques», explique Larry Ponemon. Les Américains se souviennent ainsi de l'affaire «Swift Boat», qui a tenté de ternir l'image du candidat démocrate John Kerry, héros de la guerre du Vietnam, au moment de sa campagne présidentielle en 2004. La publicité discrètement financée par un riche républicain texan proche de l'entourage de George W. Bush, Bob Perry, mettait en scène des vétérans du Vietnam opposés au candidat démocrate. Sur le coup, l'affaire avait eu un certain impact. Mais à long terme, objecte Gary McCormick, «mieux vaut jouer la carte de l'honnêteté et de la transparence».

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