politique
D'abord sans et peut-être désormais avec DSK, les postulants à la présidentielle de 2012 ont jusqu'au 13 juillet pour déposer officiellement leur candidature aux primaires socialistes. Leurs conseils en communication sont déjà à l'œuvre.

Son absence pesait sur la préparation des primaires du Parti socialiste et sur l'élection présidentielle dont il faisait figure de grand favori. Sa remise en liberté sur parole, la semaine dernière, et sa probable mise hors de cause dans l'affaire du Sofitel de New York ne seront pas non plus sans conséquences, c'est l'évidence, sans que l'on sache précisément si ses calendriers judiciaire, personnel et politique le conduiront à revenir dans la course à 2010. Quoi qu'il advienne, Dominique Strauss-Kahn est plus que jamais un personnage clé pour le PS et pour la France.

Avant le spectaculaire retournement judiciaire de la semaine dernière s'était ouverte une compétition entre ceux qui avaient longtemps fait figure d'outsiders et ceux qui s'étaient soudain découvert de nouvelles ambitions. Une course dans laquelle les conseillers en communication, très discrets (cf. ci-dessous), vont devoir faire exister chacun de leur candidat autrement qu'en le repositionnant par rapport à DSK.

L'actuel favori des sondages parmi les socialistes, François Hollande, ne changera pas de stratégie. Pour lui, «les primaires ont toujours représenté une étape dans la présidentielle», indique un de ses conseillers, qui préfère garder l'anonymat. Omniprésent, l'ancien premier secrétaire du PS, déclaré pour les primaires depuis le 31 mars dernier, s'accroche à un positionnement d'«homme neuf» et «normal», allant jusqu'à se retrouver sur son scooter en une du Parisien le 1er juin. «Il ne s'agissait pas d'une mise en scène. Sinon, nous aurions choisi un autre cliché», assure ce proche collaborateur. Le président du conseil général de Corrèze peut compter sur une équipe de communicants confirmés, composée de Robert Zarader, président d'Equancy & Co, Grégoire Biasini, ancien directeur général d'Equancy & Co, Pascal Manry, fondateur de l'agence Vingt-neuf, Antoine Boulay, directeur général de Vae Solis, et enfin Valérie Lecasble, vice-présidente de TBWA Corporate. Tous vont devoir réfléchir à sortir ou du moins à renouveler le registre de la normalité adopté depuis plusieurs mois, François Hollande n'ayant a priori plus de rivaux susceptibles de se faire surprendre, comme DSK, montant à bord d'une Porsche.

À commencer par la première secrétaire du parti, Martine Aubry, qui a annoncé sa candidature le 28 juin. Le maire de Lille peut compter sur les conseils de son ami Claude Posternak, fondateur du cabinet La Matrice. Désormais prête à «prendre ses responsabilités», celle qui est «présentée à défaut comme n'aimant pas la communication du fait qu'elle privilégie d'abord la politique», estime la directrice de la communication du PS, Marie-Emmanuelle Assidon, recevrait déjà des propositions d'agences. «Elle les écoute, explique-t-on dans son entourage, sans y donner suite.» Pour l'instant… À moins qu'elle préfère s'appuyer sur sa garde rapprochée qui, outre Claude Posternak, réunit notamment son directeur de cabinet, Jean-Marc Germain, son conseiller politique, François Lamy, et son attaché de presse, François Rousseaux.

De son côté, Ségolène Royal rêve, comme en 2007, de créer la surprise et se place, pour ce faire, au-dessus des clivages, en se basant sur les études d'opinion indiquant les préoccupations des électeurs. Si une bonne partie de l'équipe qui l'accompagnait il y a quatre ans a pris le large, elle a conservé, avec l'ex-journaliste de France Inter Françoise Degoix à ses côtés, la méthode développée à l'époque par Natalie Rastoin, la directrice générale d'Ogilvy France, qui continue à lui prodiguer ponctuellement ses conseils. Ainsi, début juin, Ségolène Royal n'a pas hésité à soutenir une partie du rapport sécuritaire du député UMP Éric Ciotti. Cherchant de la sorte un soutien au-delà des militants du parti, lesquels ne seront pas les seuls à s'exprimer lors des primaires.

La démarche est proche de celle adoptée par Manuel Valls qui, en tant qu'élu de banlieue parisienne, joue la carte de la sécurité pour se faire une place dans la course à l'investiture. S'étant déclaré candidat dès juin 2009 avant finalement de se rallier à DSK, le député-maire d'Évry (Essonne) a, le 7 juin et compte tenu des circonstances à l'époque, «décidé de reprendre (s)a marche en avant», éprouvant le besoin de faire émerger une nouvelle génération de politiques. Mais «s'attaquer aux anciens paraît assez mince comme programme», raille le «spin doctor» d'un concurrent, qui y voit aussi une habile façon de reprendre la main pour Euro RSCG, groupe écarté de la course après la chute de son candidat DSK. Manuel Valls est en effet un proche ami de Stéphane Fouks, conseiller de l'ancien directeur du FMI et coprésident d'Euro RSCG Worldwide, qu'il a connu sur les bancs de l'université.

Quant au candidat Arnaud Montebourg, il ne bouge pas de sa ligne de conduite, basée sur la rupture. Apôtre depuis des années d'une VIe République, il prône maintenant la «démondialisation». Le discours avait jusqu'à la mi-mai l'intérêt de le démarquer du directeur du FMI, mais il lui faut maintenant le retravailler. Philippe Lentschener, l'ancien patron de Publicis France, fondateur du cabinet Valioo, planche sur la question. L'élu de Saône-et-Loire peut aussi compter sur le soutien de son amieCamille Putois, l'ancienne chef de cabinet de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007, qui a rejoint le groupe de Maurice Lévy au poste de secrétaire générale de Médias & Régies Europe. Pour l'heure, Arnaud Montebourg met en avant les similitudes entre Martine Aubry et François Hollande, que les sondages placent largement en tête, pour se distinguer.

Les différents candidats à la candidature socialiste se retrouvent pour… ne pas briller sur le Web. La sobriété, pour ne pas dire la banalité, de leur site respectif ne porte pas à l'enthousiasme. Tout juste desideesetdesreves.fr d'Arnaud Montebourg et leblogdesegoleneroyal.fr sortent du lot, en s'inspirant davantage de l'exemple de Barack Obama, version 2008.

 

 

Sous-papier

Cachez ce communicant que l'électeur ne saurait voir

Rue de Solférino, au siège du PS, à Paris, «règne une certaine hypocrisie à l'égard de la communication politique», avance un professionnel. Les successeurs de François Mitterrand entretiendraient avec les communicants un rapport ambigu, «représentatif, selon ce même expert, de l'approche qui tient à séparer le fond de la forme, alors que cela n'a plus aucun sens». Une relation mal assumée que la première secrétaire, Martine Aubry, illustre à merveille, représentant «un parti socialiste qui communique, mais sans l'assumer, avec des conseillers mobilisés dans l'ombre à ces fins» selon les auteurs du livre Les Gourous de la com(1).

À en croire un consultant, «les leaders socialistes réclament tous des études d'opinion, tout en croyant populaire d'être opposé à cela». Un constat partagé par une concurrente, pour qui «de nombreux socialistes ont du mal à admettre que les méthodes de la communication soient applicables à la politique», même si «tous les ténors du parti sont entourés de communicants, avec une discrétion maximum».

Du coup, leurs conseillers sont peu enclins à s'épancher et, quand ils le font, ils requièrent l'anonymat. «Ne pas apparaître est une décision personnelle, soutient l'un d'eux. Il s'agit d'un engagement individuel et bénévole, qui repose sur une relation de proximité.» Cela se traduit souvent par une collaboration sans contrat, exclusivement amicale. «Il faut pouvoir tout se dire, ce qui nécessite une relation de confiance», estime l'un de ses confrères.

De fait, afficher ses «spin doctors» pourrait s'avérer contre-productif, alors que l'opposition dénonce la tendance de l'actuelle majorité à confondre action et communication. «On voit quand les choses sont orchestrées, cela sent rapidement l'artifice», estime Marie-Emmanuelle Assidon. Cette ex-collaboratrice d'Henri Emmanuelli, passée par Euro RSCG, est arrivée en 2009 à la direction de la communication du PS. Un parti, selon elle, où «la communication a maintenant voix au chapitre, sans pour autant prendre le pas sur le politique».

Évidemment, l'épisode DSK avec son équipe rapprochée de communicants est passé par là. Durant trois ans, le quatuor composé de Stéphane Fouks, Ramzy Khiroun, Anne Hommel et Gilles Finchelstein est apparu régulièrement dans les médias. «Le directeur général du FMI étant en poste outre-Atlantique, ils ont su ainsi le faire exister», souligne un concurrent, admiratif. Mais leur omniprésence, qui en a agacé plus d'un, a aussi eu pour conséquence, parmi ses concurrents au sein du parti, de «revendiquer l'absence de communicant pour se démarquer», analyse un strauss-kahnien. 

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