stratégie de marques
Le distributeur confie désormais ses rayons téléphone mobile exclusivement à SFR. Un virage stratégique à 360° pour le distributeur multimarque. Risqué?

C'est une révolution culturelle pour l'«agitateur d'idées depuis 1954». Dès son arrivée à la tête de la Fnac en début d'année, Alexandre Bompard avait organisé un appel d'offres entre opérateurs. Le partenariat avait été officialisé en juin dernier, il se concrétise depuis septembre: d'ici à l'été 2012, la Fnac va confier les rayons téléphonie mobile de quatre-vingts de ses points de vente en exclusivité à SFR. L'heureux élu les transformera en espaces SFR à ses couleurs, gérés par des employés SFR.

Le client ne se verra donc proposer que des produits et services de l'opérateur, la Fnac supprimant les offres de ses concurrents (Orange, Bouygues Telecom, MVNO, etc.) qu'elle vendait jusqu'à présent, au fur et à mesure de l'ouverture des espaces SFR dans ses points de vente.

Le distributeur de produits culturels réalise la quasi-totalité de ses ventes dans les biens culturels (livres, CD et DVD) et produits high-tech (ordinateurs, matériel hi-fi), sa part de marché sur le mobile étant de fait marginale: «Moins de 1%, avec 80 000 forfaits vendus l'an passé», déclarait Alexandre Bompard en juin dernier au Figaro.

Un contexte qui peut justifier ce choix: «À part The Phone House, aucune enseigne multiopérateur n'a de très bonnes performances. Quand un Carrefour Planet [points de vente dotés d'espaces thématiques] ou la Fnac veulent revenir en force sur le marché des télécoms, ils ne peuvent le faire qu'avec un opérateur», remarque Cédric Ducrocq, PDG du cabinet de conseil Dia-Mart, spécialisé dans la distribution.

Ce qui va permettre à la Fnac de s'aventurer sur le terrain des offres de connexion Internet. «Avec SFR, nous allons pouvoir proposer des forfaits ADSL ou fibre et des offres quadruple play», précise Jean-Pierre Champion, directeur général France de la Fnac. Elle compte aussi s'implanter sur le créneau de la TV connectée et sur les contenus numériques, «avec des offres de téléchargement musical, et peut-être de vidéo à la demande», poursuit-il.

Les deux partenaires vont se partager leurs clients respectifs. Pour séduire les adhérents de la Fnac, «nous allons leur proposer des offres exclusives SFR, et nos clients SFR bénéficieront d'avantages Fnac, comme la liseuse Kobo by Fnac, y compris dans nos boutiques propres», ajoute Samuel Loiseau, directeur de la marque, des études et de l'enseigne espace SFR.

Reste que la Fnac ouvre une sacrée brèche dans son positionnement historique, en ne proposant plus qu'une seule marque à son client dans un secteur. Une première! C'est une manière pour SFR d'anticiper l'arrivée de Free mobile, attendu au plus tôt mi-décembre, et un pari de la Fnac, pour s'affirmer sur des secteurs technologiques qui évoluent très vite. 

Mais un pari potentiellement risqué, au moment où sa maison mère, le groupe PPR, envisage de vendre la Fnac. «Une énorme erreur», lâche un expert. «C'est un nom mythique, il avait une image de distributeur multimarque assez haut de gamme, réputé pour l'expertise de ses conseillers et précurseur avec son laboratoire de tests de produits», explique Philippe Breton, fondateur de PHB Consultants.

Seulement voilà, la Fnac est confrontée à d'autres distributeurs de biens culturels et technologiques, et à des concurrents sur le terrain des labos de tests, comme les sites d'informations 01net.com ou Les Numériques. «La Fnac touche là à son ADN: un distributeur laisse la liberté de choix au client. L'enseigne devra leur expliquer ce parti pris», note Philippe Breton.

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