stratégie de marques
La marque mythique, après avoir frôlé la catastrophe en 2005, a pris le virage numérique en s’ouvrant au grand public. Retour sur une résurrection.

Les légendaires photographies de guerre de Robert Capa, un Che Guevara conquérant immortalisé par Alberto Korda ou encore la petite fille nue fuyant les bombes au napalm lors de la guerre du Vietnam saisie par Nick Ut… Les photos d'anthologie prise avec un Leica sont légion. La célèbre marque allemande est entrée dans l'imaginaire collectif, presqu'autant que les photographes qui l'ont adoptée. Elle a pourtant senti le vent du boulet lors du virage du numérique, qui aurait pu lui faire connaître le même sort que Kodak (lire l'encadré).

Quand en 2005, Andreas Kaufmann, investisseur autrichien et passionné de Leica, prend la moitié des parts, l'entreprise est moribonde. Son idée: amorcer le virage du numérique. Trois ans plus tôt, Leica avait noué un partenariat avec le constructeur japonais Panasonic, pour concevoir des compacts et des objectifs pour reflex numériques.

C'est ce tremplin que la nouvelle direction va exploiter. «Nous voulions nous allier à une marque compétente en électronique, habituée à faire de l'entrée de gamme. Nous leur apportions nos compétences en optique», explique Stéphane Manara, directeur général de Leica pour l'Europe de l'Ouest. La marque culte fournit des objectifs pour le Panasonic DMC LC5 en 2002, puis le FZ50 en 2006. A la fin de cette même année, Leica dévoile au salon Photokina son premier appareil numérique maison, le M8. L'accueil est mitigé. «Ils l'ont sorti trop vite, avec plusieurs problèmes techniques», remarque Olivier Touron, photographe chez Fedephoto. En 2009, Leica lance le M9 et le X1, au design rétro. En un an, le chiffre d'affaires grimpe de 57%, avec un record de 249 millions d'euros (dont 16 millions en France) réalisé pour l'exercice 2010-2011. La «Rolls des photographes» s'est relancée au bon moment: la photographie amateur explose et Leica a encore sa place chez les photographes professionnels grâce à la qualité de ses boîtiers.

Réseau de distribution modifié

Reste à jouer la carte «luxe». La présence d'Hermès dans son capital (à hauteur de 30,5%) de 2000 à 2004 lui a beaucoup appris en matière de marketing et de distribution. En 2008, Leica embauche Stéphane Manara, ex-directeur marketing de Ferrari. Celui-ci modifie le réseau de distribution. «J'ai ouvert quatre magasins en France, ainsi que dix boutiques Leica [des revendeurs dotés d'un corner Leica] et quarante centres conseils», détaille-t-il.

Dans la foulée, il fait déménager le siège français, de Genevilliers à Annecy. «On y organise des voyages de presse et des stages pour nos clients avec des photographes connus.» Faute de budget, Leica capitalise en effet sur les relations presse et publics. Sa dernière campagne publicitaire, signée TBWA, remonte à 2005.

Autre atout, le partenariat avec la prestigieuse agence Magnum. Leica «prête ses appareils à certains photographes de renom, qui signeront des reportages dans sa revue Leica Fotografie International», raconte Olivier Touron. Enfin, fin 2013, Leica inaugurera une nouvelle usine, ouverte au public, ainsi qu'un musée, une boutique et une galerie à Wetzlar (Hesse, en Allemagne). Là où Oskar Barnack a fabriqué le tout premier Leica, en 1914.


Encadré

Clic-clac de fin pour Kodak ?

Si Kodak a connu le succès avec ses films Kodachrome et Kodacolor, elle a loupé le virage du numérique, malgré la sortie dès 1995 de son premier appareil photo numérique, le DCS 5. Le 19 janvier, la marque fondée en 1888 et dont les célèbres Kodakettes de Jean-Paul Goude ont marqué l'histoire de la publicité en France, s'est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites, qui doit lui permettre de se restructurer à l'abri de ses créanciers.

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