Toutes les marques de cigarettes seront bientôt vendues dans un emballage banalisé en Australie. Un cauchemar pour les multinationales qui craignent un précédent mondial.

Une boîte en carton sans logo ni slogan recouverte de photos d'opérations chirurgicales et de messages de prévention... Les paquets de cigarettes australiens ressembleront tous à cela à partir du 1er décembre prochain. La marque n'apparaîtra que dans une police imposée sur fond marron verdâtre au bas de l'emballage.

Là où le Canada et la Nouvelle Zélande ont, à ce jour, échoué, l'Australie est le premier pays à avoir adopté en novembre dernier une loi qui impose des paquets de cigarettes banalisés. Avec 3 millions de fumeurs (cinq fois moins qu'en France) sur 22 millions d'habitants, l'île-continent ne représente pas un énorme marché, mais d'autres pays comme la Grande-Bretagne songent à des réformes similaires.

Face à cette loi radicale, l'industrie du tabac n'a pas dit son dernier mot. Les pays exportateurs, République dominicaine en tête, se sont plaint devant l'Organisation mondiale du commerce en février, affirmant que la banalisation des emballages de tabac est incompatible avec les accords sur la propriété intellectuelle.

Même argument utilisé mi-avril par les avocats de British American Tobacco Australia, Philip Morris, Imperial Tobacco Australia et Japan Tobacco International. Ils ont plaidé devant la Haute Cour de justice australienne que le «Tobacco plain packaging act» permettra au gouvernement de disposer gratuitement de précieux espaces publicitaires sur les emballages.

Les multinationales ont aussi apporté leur soutien à l'Alliance des petits commerçants australiens, qui évalue que les vendeurs passeront 45 secondes de plus à distinguer les paquets sans logo, soit une perte de 34 000 dollars australiens (26 800 euros) en moyenne par an et par magasin.

«Quand un consommateur achète un paquet de cigarettes, il achète deux biens à la fois», juge l'économiste Andrew Lilico dans une étude pour Europe Economics. Coulissants, souples, en relief ou collectors, «les paquets ont des fonctions différentes, qui correspondent aux besoins et aux goûts des consommateurs».

Imposer des paquets neutres reviendrait selon ce spécialiste à couper court à l'innovation dans le secteur, car les fabricants ne pourront plus faire la promotion d'un produit «bio», «équitable» ou encore «sans additif». Les seuls peut-être à se frotter les mains sont les fabricants d'étuis à cigarettes...

Les paquets banalisés viennent compléter un puissant arsenal de mesures anti-tabac en Australie. Difficile d'échapper aux films et affiches de prévention détaillant les maladies du tabagisme, et impossible de fumer dans les restaurants depuis l'an 2000. Quant aux marchands de tabac, ils doivent cacher les paquets derrière le comptoir.

Toutefois, personne ne s'attend à une chute drastique des ventes en Australie. Pas même Simon Chapman, professeur de santé publique à l'Université de Sydney et fervent militant anti-tabac: «Les 15% d'adultes qui fument quotidiennement ne changeront pas de comportement du jour au lendemain parce qu'ils sont déjà fidèles à une marque, et ils continueront de fumer parce qu'ils ont besoin de nicotine.»

Il parie plutôt sur un effet à long terme: «Aujourd'hui, les Australiens de 20 ans ont grandi sans voir une seule publicité pour des cigarettes. Demain, ils ne verront que des boites moches et identiques.» De quoi mettre fin à l'ère de la cigarette sexy, quand le héros de Crocodile Dundee Paul Hogan affichait un sourire éclatant en lançant : «Anyhow, have a Winfield.»

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