mécénat
La ville accueille depuis le 2 juillet la 43e édition des Rencontres de la photographie, ouvrant le bal des festivals culturels estivaux. Une manne pour les collectivités locales, avec une présence de plus en plus affirmée des marques partenaires.

Lundi 2 juillet au petit matin. Le Cloître est fin prêt, paré de tentures aux couleurs des Rencontres d'Arles, tout comme les églises, la Maison des stages et l'Espace Van Gogh de la ville. Touristes japonais, retraités, photographes et amateurs déferlent déjà dans la petite ville provençale aux ruelles étroites baignées de soleil et à la chaleur déjà étouffante. A l'occasion de la 43e édition des Rencontres d'Arles, qui se tient du 2 juillet au 23 septembre, la célèbre cité des Bouches-du-Rhône redevient, le temps d'un été, la capitale mondiale de la photographie.

Au menu: 60 expositions, des conférences, des projections, des tables-rondes... Et quelques noms célèbres, comme Josef Koudelka qui expose ses photographies mythiques des Gitans réalisées en 1975, et le photographe politique Sébastien Calvet qui a suivi le candidat François Hollande pour Libération.

Mais derrière la manifestation culturelle estivale, désormais très prisée, se cache aussi une véritable «cash machine» pour la petite ville provençale et ses 60 000 habitants. «On compte aujourd'hui quatorze postes fixes pour les Rencontres et 350 fiches de paie pour des emplois saisonniers en fin de saison», indique François Hébel, directeur des Rencontres.

Une aubaine pour Arles qui est l'une des villes les plus pauvres de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec un chômage de 14,3%. Et le festival, qui compte parmi les «blockbusters » culturels estivaux, affiche des résultats plutôt encourageants: «Nous comptions 84 000 visiteurs uniques en 2011, soit 11 000 de plus qu'en 2010, pour un budget de 5,5 millions d'euros», précise François Hébel.

La personnalité de ce dernier n'y est pas étrangère. Charismatique, il bénéficie à la fois d'une solide expérience en communication (il a été au service communication de la Fnac de 1979 à 1985) et de très bons réseaux dans l'univers de la photographie (il fut directeur de l'agence Magnum de 1987 à 2000).

 

Le business de la photo

Le patron des Rencontres a su profiter de l'engouement du grand public pour la photographie, à l'heure où tout le monde prend continuellement des photos avec son smartphone ou son appareil photo numérique, et les partage sur les médias sociaux. La photographie devient une pratique quotidienne, un art accessible, plus que jamais populaire et aussi... un business. «On a vu se développer ces dernières années le nombre de collectionneurs ainsi que les ventes dans des festivals comme Paris Photo», rappelle François Hébel.

Tout son talent a aussi consisté à rendre le festival moins dépendant des subsides publics. «Nous tirons 40% de nos ressources de l'argent public (55% pour le festival d'Avignon, ndlr), 35% de la billetterie, des catalogues et des stages, et 25% des entreprises mécènes et sponsors», détaille-t-il. Parmi ses nouvelles ressources: les formations, l'ADN des Rencontres, qui fêtent cette année les 30 ans de l'Ecole nationale supérieure de la photographie (ENSP) d'Arles.

François Hébel compte d'ailleurs bien développer cette activité, dans la lignée des stages de photographie proposés durant les Rencontres: «Nous avons ajouté en 2011 des stages pendant les vacances scolaires, puis cette année pendant les week-ends.» Ce professionnel du marketing a aussi développé les produits dérivés du festival. Il confie depuis 2002 à Michel Bouvet, affichiste renommé, les affiches et logos des Rencontres aux drôles d'animaux colorés. Déclinés à l'envi sur des T-shirts, tasses, livres de coloriages...

Mais surtout, les partenaires privés sont devenus incontournables ces dernières années. «Nous avons cinq partenaires principaux, dont SFR, BMW et Olympus, qui ont signé au moins un, voire deux contrats triennaux (Gares & Connexions et la fondation Luma font également partie des principaux partenaires privés - ndlr). S'y ajoutent des partenaires à l'année, comme Hermès en 2010», précise François Hébel. Pour voir leur logo apposé sur l'affiche, ils doivent apporter chacun une contribution supérieure à 100 000 euros.

 

Un retour sur image garanti

Les Rencontres sont pour les marques un lieu idéal pour y développer de nouvelles formes de mécénat ou de sponsoring, entre leurs propres expositions voire leur propre prix. BMW, devenue en 2011 mécène des Rencontres et du musée de la photographie Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône), verra ainsi chaque année un photographe retenu par son jury en «résidence d'artiste» pendant trois mois au musée, et ses travaux exposés aux Rencontres, puis à Paris Photo.

SFR finance et expose elle aussi, via SFR Jeunes talents, les travaux de ses jeunes photographes lauréats. Gares & Connexions (SNCF) habillent chaque année, durant les Rencontres, quelques gares (Paris-Montparnasse, Avignon...) avec des photos de la manifestation d'Arles. Leica, un des partenaires secondaires de la manifestation, a dressé son stand dans la cour de l'Espace Van Gogh, où la marque présente les travaux de son propre lauréat.

Retour sur image garanti pour les marques. Exemple: SFR, qui insère largement son logo dans son exposition photos. «Cela nous permet aussi de créer une relation de proximité avec le public», précise Sander Cisinski, responsable du sponsoring et des partenariats chez l'opérateur.

Quant à BMW, elle expose à Arles les travaux de la lauréate de son propre prix et lance une collection de livres dédiés, avec un discret sigle BMW Art & Culture. «La photographie parle à tout le monde. Et BMW est une marque à la fois technologique et esthétique, avec des valeurs d'achat émotionnel», résume Jordane de Tyssandier, directeur de la communication pour BMW France. Désormais, «BMW, à elle seule,assure 35% des frais de fonctionnement 2012 du musée Niépce», précise François Cheval, le directeur du musée.

Autant dire qu'ici, à Arles, l'idée d'une éventuelle révision de l'actuelle politique fiscale en faveur du mécénat, évoquée par le nouveau gouvernement, fait grincer des dents. «Il est moins risqué pour les entreprises de s'engager dans le mécénat que de sponsoriser d'autres activités, comme le sport, plus coûteux et plus risqué, avec des affaires de dopage», souligne Eric Dutertre, président de l'agence Excel (TBWA), conseil en fundraising (collecte de fonds) et engagement sociétal. «Les marques cherchent à être plus qu'une simple caution financière. Pour certains festivals, les places de partenaire principal se négocient cher», poursuit-il.

«Les mécènes sont aussi attirés par la forte fréquentation et la médiatisation», complète Albane Collon, directrice de l'agence Evene Conseil (groupe Figaro). Assurément, ces nouvelles formes de sponsoring et de mécénat alimentent la stratégie de brand content des annonceurs: «Une marque crée ainsi du contenu en "produisant", par exemple, sa propre exposition ou son propre prix. Le mécénat permet enfin d'être associé à un autre univers que le sien», conclut Albane Collon.

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