Année de la publicité 2012
L’élection du président de l'UMP, le 18 novembre devait être une démonstration démocratique. Les accusations de tricheries et la concurrence à mort entre François Fillon et Jean-François Copé mise à nue sous l'oeil des télévisions, laisseront des traces.

L'UMP a eu dix ans le 17 novembre 2012. Et son pronostic vital était engagé dès le lendemain. Créé pour fédérer la droite et le centre droit contre la montée du Front National, après la qualification de Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002, le parti de Chirac, puis de Sarkozy, a bien failli voler en éclat le 18 novembre dernier, au soir de l'élection de son nouveau président, alors que les deux candidats, François Fillon et Jean-François Copé revendiquaient chacun la victoire, s'accusant mutuellement de tricheries. Seul l'avenir dira si cet événement marque le début de la chronique d'une mort reportée…

Pour l'heure, après un mois de guerre acharnée entre les deux protagonistes (Fillon conteste la victoire de Copé à 50,03%), un accord de «sortie de crise» a été signé le 17 décembre. Une nouvelle élection à la présidence du parti aura lieu en 2013 avant la reprise de la session parlementaire d'octobre, le «Rassemblement UMP» constitué par des députés fillonistes réintégrera, dès janvier, le groupe UMP à l'Assemblée. Retour sur un psychodrame qui s'est cristallisé sur un certain nombre d'illusions laissant imaginer que tout pouvait bien se dérouler lors de cette procédure interne.

D'abord, la démocratie! Tout vote porte en lui le risque d'irrégularités. En 2008, à l'issue du congrès de Reims du PS, le vote s'était déroulé, lui aussi, sur fond d'accusations de fraude et après deux jours de recomptage, Martine Aubry avait été donné gagnante avec 42 voix d'avance face à Ségolène Royal.

Dans le cas de l'UMP, le manque d'organisation de l'élection ne pouvait que nuire à la fiabilité du résultat. Certains ont dénoncé un dysfonctionnement orchestré, avec un manque patent de bureaux de vote entraînant des files d'attente de deux heures et un cafouillage dans la gestion des listes d'émargement et des procurations autorisées. «C'est impensable que rien n'ait été prévu en amont dans la manière d'annoncer le résultat», s'étonne Jean-Christophe Alquier, cofondateur d'Ella Factory, pour qui «cette primaire était une prise de risque considérable dont le seul but était d'empêcher le retour de Sarkozy».

L'égalité des scores entre Fillon et Copé pose aussi la question du profil des militants. Selon plusieurs sondages, et notamment celui de BVA, 67% de sympathisants UMP souhaitaient que Fillon soit le président du parti, contre 33% pour Copé. «Si, théoriquement, les militants, les adhérents peuvent invalider le choix des sympathisants, ce serait tout de même extrêmement étonnant compte tenu de l'écart entre les deux candidats», expliquait le 12 novembre, Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinion.

Alors, est-ce la fraude qui explique le résultat des urnes ou une droitisation des militants? «On ne peut que s'étonner que le corps militant d'un grand parti comme l'UMP présente autant de différence avec le corps sympathisant», répond Céline Bracq à Stratégies. Pour Emmanuel Rivière, directeur du département opinion de TNS Sofres, «c'est une aberration d'avoir extrapolé le choix des sympathisants, qui se projettent sur le candidat à la présidentielle de 2017, et celui des militants qui cherchent un patron de l'opposition». «Fillon a fait une campagne hors sujet», renchérit Régis Lefebvre, directeur général de Blue.

«Si François Fillon a péché par excès d'optimisme, reste que le corps électoral de l'UMP récuse une droitisation du parti, estime Céline Bracq. L'argument selon lequel Sarkozy a remonté en fin de campagne grâce aux idées de Buisson est faux. D'ailleurs, les sympathisants de l'UMP sont désormais 72% à souhaiter que Copé quitte la tête du parti, sans plébisciter Fillon. Seuls 36% le souhaitent président, mais 47% espèrent une autre personnalité.»

A cet égard, on peut aussi s'étonner que les deux candidats, tout à leur conquête de pouvoir, n'aient pas considéré que ce scrutin et l'avenir de l'UMP ne pouvaient être envisagés alors même que le droit d'inventaire du sarkozysme n'avait pas été entrepris, et notamment son virage droitier orchestré par Patrick Buisson, dont Stéphane Rozès, président de CAP, voit «l'ombre portée tutélaire sur l'orientation décomplexée de François Copé». Il est vrai que sans cette égalité des scores, en parlerait-on?

Erreurs de communication

Ce conflit n'est-il donc qu'une guerre d'égo ou exprime-t-il une fracture au sein de l'UMP entre sa droite populaire et modérée? «L'union des droites a tenu grâce au verrou Sarkozy qui n'a pas sauté après sa défaite en mai, car il a réussi sa sortie, analyse Emmanuel Rivière. La rupture arrive avec ce vote interne non pas sur des enjeux idéologiques mais personnels, car le clivage n'est pas clair.» Il est vrai que Copé compte parmi ses soutiens Jean-Pierre Raffarin tandis que le très droitier Eric Ciotti soutient Fillon. Pour Emmanuel Rivière, «à défaut de clarifier sa ligne, l'évolution de l'UMP sera fonction de la réémergence d'un centre droit fort avec l'UDI de Borloo et de la tonicité du Front National».

Enfin, ce combat à télévision ouverte à mis en exergue de graves erreurs de communication et a plombé l'image des duellistes. «Il faut toujours tenter d'échapper à la coproduction avec les chaînes d'info en continu, souligne Jean-Christophe Alquier. Copé sort plus abimé que Fillon, car il s'est davantage mis en scène au pupitre du chef, là où Fillon a davantage mis en avant son entourage.» Et le communicant d'ajouter: «La crise a pour effet déformant d'exacerber les aspects négatifs de votre image. Il faut donc jouer en contre-pied, ce qu'a fait Fillon qui, réputé lisse, s'est révélé combatif tandis que Copé est apparu fidèle à ce qu'on lui reproche, un bonapartiste agressif. Dans les deux cas, cette crise télévisée a pour la première fois mis à nu l'ambition professionnelle d'individus qui veulent le job, loin du mythe du politique engagé, guidé par ses convictions.»

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