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Avec son dispositif bloquant les publicités sur Internet mais retiré au bout de quatre jours, Free a endossé son costume de «rebelle». Tout en posant la question de la neutralité du Net.

Nuée de photographes et salle de presse comble lundi 7 janvier à Bercy. C'est le baptême du feu médiatique de Fleur Pellerin. La ministre déléguée à l'Economie numérique demande à Free, dont elle reçoit le directeur général Maxime Lombardini, de mettre fin au blocage de la publicité sur Internet. L'opérateur s'exécute dans la journée.

 

Auparavant, la ministre a reçu les doléances des éditeurs et des annonceurs, l'Udecam, le Syndicat des régies indépendantes (SRI), le Syndicat de la presse indépendante en ligne (Spiil), le Groupement des éditeurs numériques (Geste). «On a été étonnés par ce "coup" de Free. Beaucoup de petites entreprises dépendent de la publicité en ligne, dans un écosystème fragile», résume  Marie Delamarche, directrice générale du SRI.

 

En quelques jours, Free a provoqué une jolie flambée médiatique avec le «bloqueur» de publicité auquel les «Freenautes» propriétaires de la Freebox Revolution V6 avaient accès avec la dernière mise à jour de leur box, proposée jeudi 3 janvier. Cet outil coupait l'affichage des bannières et pop-up publicitaires - surtout de Google - sur une bonne partie des écrans des abonnés Free utilisant leur connexion Wifi ou filaire.

 

Le bloqueur de pub a opportunément été présenté par Free comme un test. Une manière de tester ses interlocuteurs... Le «coup» de Free était parfaitement calculé: début janvier est l'une des périodes de l'année où il y a le moins d'affichages publicitaire. «C'est de l'agit-prop de Xavier Niel: il savait qu'il devrait retirer son bloqueur de publicité au bout de quelques jours», estime Virginie Lazès, directrice associée de la banque d'affaires Bryan Garnier.

 

Il n'empêche que cela menaçait potentiellement la presse en ligne, ce que n'ont pas manqué de souligner sur Twitter, dès jeudi 3 janvier au soir, éditeurs de médias indépendants et entrepreneurs du Net. Il s'agissait aussi d'un coup de semonce contre Google, premier bénéficiaire de la publicité sur le Web au détriment de fournisseurs d'accès à l'Internet, tel Free, alors que des discussions étaient discrètement engagées entre les deux parties.

 

L'objectif de Free est de faire payer le géant américain pour l'utilisation de son réseau. C'est aussi celui des autres opérateurs, gros éditeurs de contenus, qui envoient d'énormes volumes de données sur leurs réseaux. Orange a déjà ainsi noué un discret accord de «peering payant» avec Google, et ses concurrents comme Bouygues Telecom voudraient en faire autant, d'après l'AFP.

 

Et en frappant Google au porte-monnaie, le trublion français pose la question du financement des réseaux. «C'est le vrai sujet que soulève Free: qui doit payer? Il a bloqué la publicité, qui alimente le cœur de Google», souligne Edouard Bareiro, de l'UFC Que Choisir. «Xavier Niel montre ainsi que Google a tout de même besoin des opérateurs», ajoute Virginie Lazès.

 
Encadré

 

«Neutralité du Net»

Dans l'affaire Free, le principe de «neutralité du Net» a de nouveau été brandi. Un opérateur a-t-il le droit de bloquer des contenus? Et ici, la publicité est-elle un contenu comme un autre? Oui, pour Fleur Pellerin. Est-il légal de bloquer ou non ces contenus? «La réponse n'est techniquement pas évidente», dit la ministre, alors que le gendarme des télécoms, l'Arcep, se penche sur le sujet. «Ce blocage était activé par défaut, l'utilisateur n'avait pas le choix», fait remarquer Edouard Bareiro, de l'UFC Que Choisir. «D'un point de vue politique, ce blocage n'est pas compatible avec ma vision d'un Internet libre et ouvert où l'internaute reste maître», a souligné Fleur Pellerin.

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