stratégie de marques
Les constructeurs de jouets pour enfants rivalisent de tablettes tactiles pour enfants, voire pour tout-petits. Un filon juteux… mais sujet à polémique.

Ce sont les derniers sujets de conversation des cours de récré. Monster High Tab, Child Tab, Inno Tab, Leap Pad... Depuis quelques mois, les tablettes pour enfants font une entrée remarquée dans les foyers : 3,4 millions de tablettes classiques ont été écoulées en France d'après GFK, et déjà «500 000 tablettes pour enfants ont été vendues en 2012, et 30% des foyers ayant des enfants en possèdent une», estime Adrien Bourreau, consultant sur les nouvelles technologies au cabinet Kurt Salmon.


Ces ardoises high-tech sont taillées sur mesure pour les enfants, voire les tout-petits: écran de taille réduite (en moyenne diagonale de 7 pouces, soit 18 cm), antichoc grâce aux encadrements arrondis en plastique aux couleurs vives, grosses icones... Et en prime, des prix plus modérés (70 à 120 euros) que leurs cousines pour adultes.

 

Les enfants ont commencé par chiper la tablette Ipad ou Samsung Galaxy de leurs parents pour l'utiliser avec une aisance confondante. Cela a donné des idées aux constructeurs et éditeurs «classiques»: «Lorsqu'ils ont vu émerger ces nouveaux utilisateurs, ils ont adapté leur offre», souligne Adrien Bourreau. Tel Amazon sur sa tablette Kindle Fire, où les parents peuvent créer des profils personnalisés pour leurs enfants, et fixer leur temps maximum d'utilisation quotidien, avec la fonction Free Time. «Amazon a même mis en scène, dans une de ses dernières publicités, une mère et ses enfants utilisant ensemble la tablette Kindle», poursuit-il. Ou comment rendre opportunément celle-ci familiale... Du côté des éditeurs, ce fut le déferlement des applications de jeux éducatifs, et des boutiques en ligne de revues pour enfants telle J'aime Lire.


Mais rapidement, un marché de tablettes pour enfants a émergé. Des marques de jouets éducatifs qui, fortes de leur crédit auprès des parents, étendent leur univers à ces nouveaux joujoux technologiques. Telles «Leap Pad de Leap Frog, Storio et Inno Tab de V Tech ou la Meep d'Oregon Scientific, qui figurent parmi les succès des fêtes de fin d'année 2012», confirme Franck Mathiais, directeur marketing de la chaîne La Grande Récré.


Les licences de jouets ont aussi rebondi sur le phénomène, en lançant leurs tablettes brandées, telles Monster High, la marque de poupées gothiques de Mattel, ou encore Hello Kitty. Tout comme certaines marques distributeurs: Toys'R Us a ainsi dégainé sa Tabeo.


Même la chaîne pour enfants Gulli (Lagardère) a lancé sa propre tablette en octobre dernier. L'occasion, certes, pour la chaîne d'y proposer certains de ses contenus audiovisuels: des programmes pré-embarqués ou à la demande via Gulli Replay. «Une extension naturelle de la marque Gulli», avance Benoît Roque, directeur commercial des chaînes de Lagardère Active. Mais Gulli a pris soin de se différencier en positionnant sa tablette, plus haut de gamme (vendue 199 euros) comme «tablette familiale: on peut y créer plusieurs profils avec des environnements précis, et une fonction de contrôle parental», souligne Benoît Roque.


Côté argumentaire, les valeurs éducatives n'ont pas tardé à faire leur apparition. Le sujet est toutefois délicat. Mais même la très sérieuse Académie des sciences a été moins alarmiste qu'attendu, dans son rapport sur Les Enfants et les Ecrans (éd. Le Pommier, sortie le 29 janvier). Les chercheurs y soulignent que les tablettes tactiles pour enfants de moins de deux ans peuvent stimuler leur développement. Ils prônent même l'usage des tablettes tactiles dès l'âge de 6 mois, en présence d'un adulte.

 

«On ne peut pas éviter l'exposition des enfants à un environnement numérique omniprésent. C'est l'exposition passive aux écrans que nous ne recommandons pas, mais les interfaces tactiles peuvent leur permettre d'interagir, le cerveau est stimulé», explique Olivier Houdé, professeur de psychologie à l'université Paris-Descartes, et qui dirige au CNRS le Laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant. De fait, les tablettes sont proposées officiellement «à partir de 3 - 4 ans, les tablettes pour tout-petits à partir de 18 mois n'ont pas d'écran animé», précise Franck Mathais, directeur des ventes de La Grande Récré.

 

Autre sujet de polémique: la mauvaise qualité de ces tablettes juniors. Ecrans de mauvaise définition, trop pixellisés, couleurs mal réglées, faible autonomie des batteries... «La plupart des tablettes pour enfants sont des tablettes low cost dotées d'une grosse coque plastique. Alors que celles pour adultes sont dotées d'écrans Full HD, qui rendent la lecture sur écran proche de celle d'un livre. Les versions enfants font mal aux yeux», pointe Romain Thuret, journaliste au site d'informations high-tech Les Numériques, qui a testé ces tablettes pour enfants. Une marge de progression que les fabricants sont invités à combler.

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