Institutionnel
L'élection du pape François a surpris les experts. Après un pontificat marqué par des scandales à répétition, quels signes ce choix envoie-t-il? Quelle communication de crise l'Eglise doit-elle adopter?

Dans les rues de Rome, les affiches ont fleuri. Sous le visage épanoui de Jorge Mario Bergoglio, 266e pape de l'histoire, cette accueillante formule: «Benvenuto Francesco». «Mes frères sont allés me chercher au bout du monde.» Les premiers mots du successeur de Benoît XVI, prononcés lors de sa première bénédiction urbi et orbi, n'étaient dénués ni de poésie, ni de souffle.

On attendait l'Italien Angelo Scola, auquel Benoît XVI avait octroyé le siège de Milan: l'élection de Jorge Mario Bergoglio a constitué, selon Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie, «une entière et totale surprise, qui marque sans doute une révolte des conclavistes». Un premier acte de communication, après un pontificat entaché de scandales à répétition, entre actes de pédophilies étouffés depuis des décennies, affaire des lobbys gays au sein de l'Eglise ou révélations sur la corruption de l'Eglise via Vatileaks? «L'élection du pape, ce n'est ni un casting ni une façon de répondre à un problème d'image, nuance Jean-Pierre Denis. C'est le choix d'un homme par ses pairs.»

Pour autant, les signes ne sont pas dénués de sens. «La rapidité de l'élection témoigne de l'unicité de l'Eglise», estime Cyrille Arcamone, associé fondateur de Maarc, agence spécialisée dans la gestion de crise. De plus, comme le souligne avec humour Jean-Pierre Beaudoin, conseiller auprès du président du groupe de relations publics Burson Marsteller I&E, «l'Esprit Saint ne fait rien par hasard! Le pape François, jésuite, bénéficie d'un réseau: lorsqu'on entend réformer une institution, il ne faut pas être seul, et ce n'est pas le cas».Même si les observateurs constatent que le nouveau pontife a pour l'instant peu de proches au Vatican.

 

Un nom symbolique

Mais, de l'avis de tous, le vrai coup de maître répond à cette question, posée par le protodiacre à Jorge Mario Bergoglio: «Quo nomine vis vocari?», «De quel nom voulez-vous être appelé?»«La référence à Saint-François d'Assise, au renoncement aux richesses du monde, à l'architecture franciscaine, toute en frugalité et en humilité, rien de tout cela n'est indifférent. Ces gens-là ne prennent pas leurs références au hasard lorsque la fumée devient blanche!», souligne Jean-Pierre Beaudoin.

Alexandre Basdereff, patron de l'agence de levée de fonds Optimus, ne dit pas autre chose quand il affirme que «le choix du nom François est un acte de communication, un message envoyé à 1,4 milliard de croyants qui le saisissent instantanément».

Quel «communicant» le pape François sera-t-il? La vraie question serait plutôt, selon le journaliste Jean-Pierre Denis, de savoir quelle communicante l'Eglise entend-elle devenir. «L'Eglise fait dans l'anticommunication: lorsqu'on proclame le nom du pape, on confie ce rôle au protodiacre Jean-Louis Tauran, malade, avec des difficultés d'élocution, qui plus est, en latin, note-t-il. Mais peu importe, puisqu'il s'agit d'un événement planétaire.»

Mais quand un scandale éclate urbi et orbi, l'Eglise peut se trouver bien plus démunie. «La communication de crise suppose une rapidité de réaction dont le Vatican est incapable: il peut arriver que le porte-parole du Vatican apprenne les choses en même temps que les journalistes», raconte Jean-Pierre Denis. Explication: «Le staff politique et administratif du Vatican ne comprend qu'une centaine de personnes. C'est dérisoire par rapport à une institution comme la ville de Paris par exemple», précise le journaliste.

Alexandre Basdereff, lui, se dit, en revanche, «impressionné par la diversité des moyens de communication employés par l'Eglise (Journées mondiales de la jeunesse, présence sur les réseaux sociaux...), au moment où elle doit faire face à une crise complexe qui dépasse les scandales».

Selon Cyrille Arcamone, le Vatican n'utilise pourtant qu'imparfaitement sa force de frappe. «Aujourd'hui, l'Eglise est un véritable objet communicant, remarque-t-il. Elle dispose de 400 000 prêtres dans le monde qui prêchent tous les jours, contrôle des médias: une puissance sans précédent pas toujours bien exploitée, alors que parallèlement, il s'agirait de faire évoluer l'institution vers une plus grande transparence.»

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