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La capitale européenne de l'aéronautique et de l'espace ne peut se contenter de ses atouts de technopole et table sur sa métamorphose urbaine et ses projets de diversification pour compter parmi les grandes métropoles de demain.

On aurait pu titrer «à Toulouse, la vie continue malgré les travaux». Tant dans la ville rose, ça rouspète sévère, avec tous ces chantiers et les problèmes de circulation qui en découlent! «Les Toulousains ont un attachement viscéral à leur ville, petite Florence française où il fait bon vivre, explique Béatrice Bouffil, présidente de Nouveau Monde DDB Toulouse, agence chargée de la communication sur le développement économique et les transports. Ici on rénove, là on éventre. Pas facile de faire comprendre que de ces tranchées vont circuler les voies de l'avenir. Comment imaginer qu'une telle métamorphose puisse se faire sans douleur?»

Hormis le bord politique et la stature (inter)nationale, il y a du maire de Bordeaux (UMP) dans le maire de Toulouse (PS), dans la détermination à vouloir transformer la 4e ville de France, à marche forcée, pour lui faire rattraper son retard. Dix ans après Alain Juppé, qui a mené une politique ambitieuse pour réveiller «la belle endormie», Pierre Cohen, arrivé au Capitole en 2008, affiche un même volontarisme.

Deux hommes de dossier, plus à l'aise dans l'action, et la démonstration par les résultats, que dans la communication. «Pierre Cohen se moque d'être aimé, ce n'est pas son sujet, affirme Gilbert Laval, correspondant de Libération. C'est un ingénieur, il a un projet à trente ans pour Toulouse, et s'y tient. Il ne gère pas la ville comme un village, ce qui lui semblerait irresponsable. La proximité n'a pas de sens économique.»  «Un homme de conviction pas de compromis. Il n'est pas là pour plaire à tout le monde » renchérit le journaliste Xavier Lallu, cofondateur du site indépendant local Carredinfo.fr. «La communication n'est pas son truc, au risque de manquer de pédagogie pour expliquer sa vision et de ne pas être toujours compris par les Toulousains», précise Pascal Pallas, rédacteur en chef de La Voix du Midi.

«C'est un maire bâtisseur, très politique, dont certains reprochent le dogmatisme», ajoute Emmanuelle Durand-Rodriguez, rédactrice en chef du magazine économique toulousain Objectif News, dont le sondage Harris Interactive, en février, a surpris l'intéressé lui-même! A un an des municipales, le socialiste est donné gagnant à 57%, plus apprécié par les Toulousains (59% de bonnes opinions) que son concurrent, Jean-Luc Moudenc, maire UMP de 2004 à 2008 (39%). Malgrè les travaux!

La ville de Midi-Pyrénées est donc en chantier mais ne manque pas d'atouts: capitale européenne de l'aéronautique (siège d'Airbus) et de l'espace (le CNES, Astrium...), ville d'ingénieurs avec Méteo France, le CNRS, l'Inserm, le CEA, ..., troisième cité universitaire, Toulouse est régulièrement en tête des palmarès où il fait bon vivre, et a été déclarée en 2012, ville la plus dynamique par Challenges, et «capitale du futur» par Le Point, qui y organise son événement Futurapolis sur l'innovation.

 

«Cet éco-système, il faut l'entretenir et le dynamiser en prenant le virage du XXIe siècle, car aujourd'hui les villes sont en concurrence, et rien n'est dû», explique Jean François Portarrieu, directeur de cabinet adjoint chargé de la communication.

L'enjeu est triple: il s'agit de conforter la puissance de la ville dans l'aéronautique tout en assurant sa diversification, sans négliger de mener une politique d'aménagement urbain attractive, valorisant une meilleure qualité de vie et d'accueil des habitants (10 à 15 000 nouveaux par an). Autant de sujets nécessitant une gouvernance et un financement partagés à l'échelle du territoire. La communauté urbaine s'est créée en 2009, avec le maire de Toulouse pour président. Baptisée Toulouse Métropole, elle réunit 37 communes, 700 000 habitants pour un budget de 1,3 milliard d'euros.

 

Entretenir ses atouts dans l'aérospatiale, alors que le leader européen EADS va installer son siège opérationnel en septembre, et qu'on attend le vol inaugural de l'Airbus A 350 courant juin, passe par différentes initiatives: de l'exposition Airbus cet été au Capitole à l'ouverture en mars 2014 à Blagnac du musée Aeroscopia, pendant aéronautique de la Cité de l'espace. Sans oublier le projet économique Toulouse Montaudran Aerospace (56 hectares), réunissant campus universitaire, plate-forme de recherche et entreprises, autour de l'ancienne piste conservée de l'Aéropostale, nouveau quartier urbain où va s'installer, sans quitter Nantes, la compagnie «La Machine» de Delarosière... née à Toulouse!

Du côté de la diversification, on retiendra, dans la santé, l'Oncopole (220 hectares), lieu unique en Europe consacré à la lutte contre le cancer, projet lancé par l'ancien maire UMP, Philippe Douste-Blazy, qui réhabilite le sud toulousain sinistré par l'explosion de l'usine AZF en 2001. Et dans le tourisme d'affaires et de congrés, secteur très concurrentiel, un nouveau Parc des expositions de 100 000 m2, annoncée pour 2016 sur les communes d'Aussonne et de Beauzelle près l'aéroport, avec le soutien actif du conseil régional de Midi-Pyrénées et du conseil général de la Haute-Garonne. C'est un sujet qui, dit-on, aurait « contrarié » Jean-Michel Baylet, le président du quotidien régional La Dépêche du midi (également président du Parti des Radicaux de Gauche et du conseil général du Tarn et Garonne) dont la filiale Dépêche Event n'a pas remporté l'appel d'offres de gestion du Parc, estimé à un million d'euros. C'est l'agence sortante, GL Events, qui a été reconduite pour 20 ans. 

Métropole de la connaissance, entre savoir et partage

Quant au plan de rénovation urbaine, il s'inscrit dans le concept de ville intelligente et ecoresponsable privilégiant les transports en commun dans une logique de maillage et d'inter-modularité (Baudis a été le maire du métro, Cohen sera celui du tramway et du vélo) et un réaménagement de l'espace public valorisant la piétonisation, l'ouverture sur les berges de la Garonne, la démolition des barres, la création de nouveaux quartiers (logements sociaux) comme celui de la gare pour accueillir le LGV... en 2020! Ce qui ne va pas sans inquiétude pour les riverains... Le centre-ville a été confié à l'urbaniste de Barcelone, Joan Busquets, et au paysagiste Michel Desvigne, mais la première réalisation est signée Fortier: création d'une place au lieu du sqaure Charles de Gaulle, derrière le Capitole ouvrant sur la rue Alsace piétonne.

Pierre Cohen se moque peut-être de la communication mais, en bon informaticien, il déroule son paradigme: Toulouse, métropole de la connaissance. Ce n'est pas un positionnement clairement affiché, encore moins une plate-forme de marque,  mais le maire y renvoie régulièrement, considérant que «la connaissance est une valeur identitaire majeure de la métropole». Le logo de Toulouse Métropole incorpore d'ailleurs le symbole mathématique de l'infini.

«La connaissance, c'est à la fois le savoir mais aussi le partage, la rencontre, c'est faire connaissance, explicite Jean-François Portarrieu, à partir de l'audit identitaire qu'il a mené sur la ville. Tout le projet urbain se comprend à cette grille de lecture mais il est trop tôt pour évoquer une signature tant que la ville est en chantier.» Malvenu, sans doute, de communiquer sur ce concept un peu clivant alors que les Toulousains sont exaspérés par les embouteillages. «La visualisation des réalisations vaudra toutes les explications», assure-t-il.

So Toulouse, dépasser le slogan

L'office du tourisme aurait pourtant besoin de s'appuyer sur un positionnement crédible et distinctif. «Car au-delà du tourisme d'affaires, qui pèse pour 70% du tourisme marchand, l'enjeu est de développer le tourisme d'agrément qui (hors marchand) est prépondérant, explique Philippe Verger, son directeur. Auprès des tour-opérateurs, on valorise Toulouse sur les thématiques du savoir-faire et du savoir-vivre.»

La question s'est aussi posée d'un événement populaire à dimension nationale à l'instar de l'Armada à Rouen, la Grande Braderie à Lille, la Fête des lumières à Lyon... Ce n'est pas le choix de Toulouse, qui mise sur la diversité de ses manifestations, le déplacement d'événements dans les quartiers et le 14 juillet avec un grand concert gratuit fédérateur.

La communauté urbaine s'est tout de même dotée d'une marque territoriale, So Toulouse (créée par l'agence La Solution), en s'inspirant de Only Lyon. «Lancée il y a un an comme une marque de rayonnement touristique pour soutenir le tourisme d'affaires et d'agrément, So Toulouse va devenir la marque ombrelle de toutes nos actions», indique Jean-François Portarrieu. Un appel d'offres est en cours sur son déploiement stratégique. Pour l'heure, So Toulouse sponsorise le Stade toulousain de rugby, et sous sa bannière l'Orchestre du Capitole devrait coordonner ses tournées avec celles de l'Airbus A 350.

Pour dépasser le slogan, il faudra lui donner du sens, du contenu, animer ses ambassadeurs - VIP, acteurs de la vie locale et toulousains - et investir! A l'instar d'Only Lyon, So Toulouse aura-t-elle un périmètre élargi associant différents acteurs économiques au delà du tourisme?

 

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