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Le 100e Tour de France débutera le 29 juin, une nouvelle fois sur fond d’affaires de dopage qui nuisent un peu plus à l’image d’une discipline en mal de nouveaux sponsors. Mais les approches marketing des managers d’équipes changent et Sportfive entre dans la danse.

Une centième édition, ça se fête. Le Tour de France a mis le grand braquet pour célébrer cet anniversaire. Cela commence avec un départ événementiel en Corse, le 29 juin, où la Grande Boucle n'avait jamais mis les roues. Le feu d'artifice se poursuivra sur le continent avec une arrivée face au Mont-Saint-Michel, une double ascension de l'Alpe d'Huez et une fin en apothéose sur les Champs-Elysées à Paris et en soirée, le 21 juillet.

Le champagne ne coule pas encore à flot chez Amaury Sport Organisation (ASO), propriétaire du Tour, mais les bouteilles sont au frais. La Grande Boucle se porte économiquement bien. Heureusement pour le groupe Amaury, éditeur de L'Equipe, car le Tour représenterait près de 80% des ressources d'ASO, sur un chiffre d'affaires global, très secret, qui dépasserait 150 millions d'euros.

Les droits TV rapportent 60% des ressources du Tour de France. Les recettes sponsoring, environ 30%, s'appuient sur une quarantaine de marques fidèles. Les quatre principaux sponsors (LCL, Vittel, Skoda et Carrefour) paient entre 3 et 5 millions d'euros annuels.

Seul changement majeur cette année: le café matinal. Désormais, les invités du Village départ ou les spectateurs goûteront du Senseo, au lieu de Ricoré. «Après cinq ans de présence, le travail sur la marque a été fait, estime Françoise Bresson, responsable des partenariats chez Nestlé. La stratégie est maintenant un rajeunissement de la marque Ricoré.» La prise en main, en bouche plutôt, c'est justement l'objectif de Senseo: «Notre volonté est de faire descendre la marque sur le terrain, de prendre contact avec le public», explique Frédéric Beuchot, directeur de marketing de La Maison du café, qui avait déjà été partenaire du Tour il y a quelques années.

Un formidable outil marketing dans la tourmente

Tout va donc bien ou presque. Car comme chaque année, à l'approche du départ, les affaires de dopage ressurgissent. L'allemand Jan Ullrich, vainqueur en 1997, est récemment passé aux aveux. Lundi 24 juin, c'est Laurent Jalabert qui est sur la sellette, pointé positif à l'EPO pour le Tour 1998 dans un rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité de la lutte contre le dopage. Face à cette révélation, l'ex-coureur «a été contraint de renoncer à ses activités de consultant sur France Télévisions et RTL pendant le Tour de France», indique l'AFP. De quoi miner encore l'image d'un cyclisme professionnel qui, c'est assez nouveau, peine à trouver de nouveaux partenaires. En France, Cofidis est présent depuis 1996, la Française des jeux (FDJ) depuis 1997 et AG2R La Mondiale depuis 1999. En 2009 est apparu Sojasun, qui n'a pas trouvé un copartenaire à hauteur de 2 ou 3 millions d'euros. En 2010, c'est Europcar qui arrive. Le contrat arrive à échéance en fin d'année et rien n'est encore décidé.

Dans un contexte inflationniste et économiquement difficile, les équipes tricolores peinent à trouver les 10 millions annuels capables de rivaliser avec les écuries étrangères du World Tour. «Clairement, mon sport n'est pas très présentable et le dopage nuit à notre image, reconnaît Jean-René Bernaudeau, manager général de l'équipe Europcar, qui compte dans ses rangs les cyclistes Thomas Voeckler et Pierre Rolland. Quand une entreprise est proche de déposer le bilan malgré un carnet de commande plein, c'est qu'il y a un problème.»

Car, et c'est tout le paradoxe, le cyclisme reste un formidable outil marketing. Selon une étude de Repucom pour le site Cycling News, un euro investi par un sponsor rapporte 5,4 fois la mise. Pour une équipe professionnelle moyenne du World Tour, les retombées médias s'élèvent à 62,1 millions d'euros selon l'institut d'études, dont 84% via la télévision.

«Un sponsoring d'équipe cycliste est une technique redoutable, commente Gilles Dumas, cofondateur de Sportlab. L'efficacité sur la préférence de marque est prouvée et la légitimité est absolue, car quand le sponsor part, c'est aussi l'équipe qui disparait. Ce n'est pas le cas dans le football.»

Et pourtant, les sponsors ne se bousculent pas en France. Serait-ce à cause d'un manque d'efficacité marketing des patrons d'équipes? «Non, assure Roger Legeay, ancien manager de l'équipe Crédit agricole et président du Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC). On a tous un très bon savoir-faire dans notre domaine. Pour mettre le pied dans la porte chez un annonceur, il faut au départ qu'un dirigeant ait envie de faire du cyclisme.» Pour lui, les analyses et plans stratégiques n'interviennent qu'après.

«Les groupes sportifs ont une approche qui ne correspond plus aux interlocuteurs qu'ils ont en face, rétorque Philippe Raimbaud, ancien directeur du développement de l'équipe Sojasun. Une fois le coup de cœur passé, il faut construire les dossiers et justifier les investissements.» Patrick Chassé, l'ancienne voix du cyclisme sur Eurosport, est encore plus tranché: «Les managers continuent à gérer leur équipe comme des artisans. Leurs prospections les amènent face à des marques capables d'investir 4 ou 5 millions d'euros, mais qui ont aussi le choix d'aller sur le maillot d'une équipe de football.» En fait, selon nos informations, dans le marché français, seuls quatre ou cinq gros sponsors potentiels sont régulièrement contactés… par tout le monde.

«On reste dans des schémas de vente qui n'ont pas bougé depuis trente ans, estime Gilles Dumas, de Sportlab. Or il faut travailler différemment, sur la technologie ou la popularité du vélo en mode urbain, par exemple.»

Une équipe pluridisciplinaire

Toutefois, le cyclisme professionnel français bouge. Les managers ont lancé le Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC), dont les conditions d'adhésion sont très strictes et vont plus loin que les instances fédérales en matière de lutte contre le dopage. «L'objectif, c'est l'image de notre sport, un point c'est tout», certifie Roger Legeay.

Les patrons d'équipe n'hésitent pas à solliciter les compétences marketing chez leur partenaire, comme Vincent Lavenue avec AG2R La Mondiale. «Nous assurons les opérations de relation presse et le travail marketing-produit en total symbiose avec Vincent», indique Yvon Breton, directeur général délégué d'AG2R La Mondiale.

Et puis, il y a l'exemple Sky. L'équipe britannique est toute puissante avec Bradley Wiggins, vainqueur du Tour l'an passé, et Christopher Froome, grand favori de cette édition. Doté d'un budget de 25 millions d'euros, le Team Sky a été initié par la fédération de cyclisme de Grande-Bretagne dans l'objectif des JO de Londres de 2012. Il rassemble aussi les meilleurs pistards britanniques, qui ont raflé l'essentiel de l'or olympique dans leur spécialité l'été dernier.

Cette réussite suscite l'envie de ce côté-ci du channel. En février dernier, David Lappartient, le président de la Fédération française de cyclisme (FFC), a annoncé un projet similaire dans l'objectif d'«accroître la compétitivité du cyclisme français». Une équipe qui rassemblerait les meilleurs coureurs sur piste, mais également de BMX, VTT et cyclo-cross et dont la tête de proue serait une équipe professionnelle sur route capable de rivaliser avec les meilleures structures. «C'est un projet unique au monde, avec 60 athlètes sous contrat et une entreprise de 100 personnes, explique David Lappartient. Pour cela, il faut réunir un budget de plus de 20 millions d'euros.» Charge à Sportfive de trouver les sponsors providentiels.

La structure de Lagardère Unlimited, plutôt reconnue dans le football, fait ses premiers pas dans le vélo. L'objectif est de trouver un partenaire principal, pas nécessairement français. Le discours international et la palette de clients de Sportfive a séduit la FFC. «L'objectif n'est pas de trouver un sponsor capable d'investir 20 millions d'euros, mais une marque qui a besoin de 100 millions d'euros de retombées», confie-t-on à l'agence.

«Il s'agit d'une très bonne idée car elle s'appuie sur un véritable projet et un nouveau modèle, note Philippe Bouvet, journaliste cyclisme à L'Equipe. Sky cherche à tendre vers l'excellence partout. Maintenant, il faut trouver le chèque. Mais je reste optimiste, car tout viendra des champions, et nous avons de jeunes talents aujourd'hui.» Un vainqueur français potentiel du Tour permettrait sans doute d'ouvrir pas mal de portes dans les entreprises françaises. Ce pourrait être bientôt le cas… avant 100 ans.

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