Système U met à l’antenne un nouveau film de marque, réaffirmant son positionnement du « commerce qui profite à tous ». L’occasion de faire le point avec son président directeur général Serge Papin sur la situation économique, la distribution et le rôle de la communication.

Quelle est votre analyse de la situation économique? Constatez-vous dans vos magasins la reprise, dont le président de la République a dit en juillet qu'elle était «là»?

 

Serge Papin. Le mot est peut-être un peu fort. Je parlerais d'une embellie. On sent que les clients ont envie de se faire plaisir, on sent un moral qui évolue positivement. Par ailleurs, les Français sont restés sur la France cet été, s'ajoutant aux touristes étrangers habituels. Cela a dopé la consommation: Système U a progressé de 10% en juillet. Enfin, plus à la marge, les gens se sont beaucoup invités les uns chez les autres, arbitrant en défaveur des sorties au restaurant. Tout cela nous a bénéficié. Après le rebond du produit intérieur brut au deuxième trimestre, la consommation de l'été va soutenir la croissance au troisième. Imaginons que les mesures prises par le gouvernement portent pleinement leurs fruits dans les mois à venir et que s'inverse la courbe du chômage: on aurait là les ingrédients d'un début de reprise. En tout cas, il y a un rayon de soleil, alors disons-le! Cela ne change rien à l'endettement de la France et surtout au chômage qui reste le véritable marqueur.

 

Malgré tout, la situation reste difficile. Comment votre positionnement de marque s'articule-t-il avec les problèmes de pouvoir d'achat des ménages? Le «durable» est-il compatible avec la crise?

 

S.P. Nous nous sommes positionnés depuis trois ans sur la valeur sociétale ajoutée: les prix, oui, mais pas à tout prix; la qualité compte aussi. Nous avons choisi de favoriser les circuits courts en nous engageant sur un contrat de plusieurs années avec un prix à la production, un prix à la transformation, un prix à la consommation. Ce contrat tripartite permet, en proximité, localement, de diminuer les coûts. Et d'être un acteur du «commerce qui profite à tous». Il faut que le «mieux» ne coûte pas beaucoup plus cher. On sait qu'il ne coûtera pas moins cher, c'est impossible. Il y a une demande des gens pour la qualité. Les consommateurs sont de plus en plus raisonnables et nous, nous essayons d'être de plus en plus responsables. Notre profession ne peut pas, au motif de prix bas, être dans un processus de destruction de l'appareil agroalimentaire français.

 

Le modèle de l'hyper en voie d'essoufflement, à quoi le magasin de demain ressemblera-t-il?

 

S.P. Vous avez raison pour le grand hyper, c'est-à-dire au-delà de 10 000 mètres carrés. Ce type de magasin correspond aux années 1980 et à ses modes de consommation; il est souvent éloigné, il est devenu moins compétitif sur le textile, les livres, l'électroménager, et dans l'alimentaire, il ne fait plus la différence avec le supermarché. Les grands hypermarchés sont d'ailleurs en train de diminuer leur surface. Le magasin de demain sera multicanal. A partir du magasin physique, on sera capable d'envoyer nos clients dans un monde virtuel, où existeront des réponses sur le livre - Amazon va devenir un hard-discounter - l'électroménager, la location de voitures ou d'outils, etc. En somme, toute une articulation entre le physique et le virtuel.

 

Quelle est votre position au sujet de la situation de quasi-monopole du groupe Casino à Paris?

 

S.P. Nous sommes très attentifs, même si cela nous paraît être un marché un peu tronqué, au sujet des ventes «obligatoires» des magasins Franprix par rapport à leur situation de position dominante diagnostiquée par les autorités compétentes. Au-delà, il faudrait que les pouvoirs publics se préoccupent de l'évolution de Paris intra-muros, qui est en train de devenir la capitale des nantis internationaux. Aucun cadre de mon groupe ne peut vivre dans Paris! La conséquence, c'est que les prix des commerces sont devenus délirants. Les loyers sont à l'avenant. En province, le loyer d'un magasin ne dépasse pas 2% du chiffre d'affaires; à Paris, cela peut monter jusqu'à 10%.

 

Mais vous n'avez pas renoncé à vous développer dans Paris?

 

S.P. Non, on va le faire, mais à notre rythme et à notre mesure.

 

Après avoir été racheté par Système U, le cybermarché devenu U-Télémarket a été placé en redressement judiciaire et a fermé ses portes. Que s'est-il passé?

 

S.P. Nous avons fait une erreur d'appréciation quant aux coûts liés à cette activité. Les temps de préparation et, dans Paris en particulier, de livraison représentent des coûts trop importants: entre 21 et 22 euros pour un panier de 100 euros. La rentabilité n'est pas là, sauf à vendre à des prix exorbitants.

 

Cela signifie-t-il que le modèle des cybermarchés n'est pas adapté au grand public en France?

 

S.P. Je pense que cela peut se faire plus facilement à partir des magasins que sur un pure-player. D'ailleurs, aucun pure-player ne gagne de l'argent.

 

Quelle est la part du e-commerce dans les ventes de Système U?

 

S.P. Actuellement, elle est de 3% en moyenne, essentiellement tirée du drive. Cela commence à peser! Pour les magasins les plus en avance, cette part s'élève à 10%. C'est un niveau que nous devrions atteindre pour le groupe dans les cinq ans à venir. Mais ce sera sans doute un plafond: une répartition se fera alors entre le magasin physique, convivial, pour l'achat «plaisir», et le virtuel et le drive pour les achats relevant plus de la «corvée».

 

Système U et vous-même personnellement êtes très actif en matière de communication. Quels objectifs lui assignez-vous?

 

S.P. Nous étions discrets jusqu'à il y a quatre-cinq ans. Les choses ont changé quand nous avons pu avoir accès à la télévision. La communication sert à créer de la notoriété et de l'image. In fine, bien sûr, cela permet d'acquérir de nouveaux clients. Pas de nouveaux clients sans bonne communication: c'est ma conviction. Cela permet aussi de mobiliser l'interne et c'est très important. Cela crée de la fierté d'appartenance et change tout sur l'expérience client en magasin. Quant à moi, lorsque j'interviens dans les médias, j'essaie toujours de faire de la pédagogie. La distribution a une image tellement négative...

 

On constate en cette rentrée le développement d'une publicité comparative assez agressive chez certains de vos concurrents. Qu'en pensez-vous?

 

S.P. Tout ce qui est excessif est insignifiant...

 

Mieux consommer c'est urgent, c'est ce que disait Carrefour il y a plusieurs années déjà...

 

S.P. Oui mais encore faut-il fournir les preuves! Nous, nous retirons le bisphénol, l'aspartame, tels et tels pesticides. Ce sont des faits. Derrière notre positionnement, il y a une démarche d'entreprise entamée il y a des années. La communication joue un rôle d'accélérateur en termes de rythme de changement. Et cela est efficace d'un point de vue commercial, car depuis trois ans, nous gagnons 300 000 à 400 000 clients chaque année.

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