La directrice de la marque et de la communication d'Orange France depuis mars 2010, Odile Roujol est nommée directrice de la stratégie client et data à compter du 9 octobre. Un poste créé de toutes pièces pour cette personnalité très active sur les réseaux sociaux.

Quelles sont vos missions au poste nouvellement créé de responsable de la stratégie client et data d'Orange France?

 

Odile Roujol. Mon rôle est d'aider l'entreprise à mieux répondre à ses clients de manière personnalisée et unique, intelligente et transversale, en fonction de la connaissance client qui est très développée chez un opérateur télécoms comme Orange France. Entre la «shopping expérience» sur le point de vente (1 200 points de vente et 50 grandes boutiques) et le digital, la «data client» va aider Orange à créer de la valeur pour ses clients.

 

Où la relation client se joue-t-elle aujourd'hui?

 

O.R. Pour moi, il est encore un peu tôt pour en parler précisément. Laurent Biojoux, directeur de la relation client et des parcours client, le ferait sans doute mieux que moi. Mes nouvelles fonctions me conduisent à travailler sur les projets d'innovation et dans une dynamique de transversalité par rapport au commerce, au marketing. Ceci étant, pour répondre à votre question, je dirais, avec du sens commun, que l'excellence dans la relation client consiste à rendre la vie plus fluide et plus facile. Il y a un volet digital et un volet en boutique: le client a envie d'être reconnu et de ne pas avoir à présenter son problème deux fois. Il faut être en relation client là où le client a envie d'être connecté, de la façon dont il a l'habitude de contacter une marque.

 

Mais Orange n'est-elle pas dans une stratégie de diminuer les points de contact physiques?

 

O.R. Non, absolument pas. Une étude TNS révèle que dans les télécoms, le point de contact numéro deux en termes d'importance dans le choix de produits et de services, c'est le point de vente, après le bouche-à-oreille. La télévision n'arrive qu'en douzième ou quatorzième position selon les années. Quand je suis arrivée à la communication d'Orange, il y a trois ans et demi, j'ai décidé de baisser nos investissements médias. Le marché basculait de l'acquisition vers la fidélisation; le volet médias était surpondéré par rapport au besoin de services des clients. Les études montrent deux points de contact en développement : le point de vente et les réseaux sociaux.

 

Quels sont, selon vous, les critères d'efficacité d'une stratégie client réussie?

 

O.R. Honnêtement, nous avons encore des soucis dans nos boutiques, des soucis que nous assumons, comme le temps d'attente. C'est un critère important. Comme la rapidité de la réponse. Fluidité et rapidité me semblent deux critères majeurs. De mémoire, les télécoms sont au huitième rang pour la relation client. Il est clair que nous devons nous améliorer, monter en gamme dans le proactif, sachant qu'Orange donne une image de service et d'écoute des clients supérieure à celle de nos concurrents.

 

Quel bilan tirez-vous de vos trois ans et demi à la direction de la communication et de la marque?

 

O.R. Mon diagnostic, lorsque je suis arrivée à ce poste, fut qu'Orange était bien sûr une très belle marque, premium, s'adressant à l'ensemble des Français mais qu'elle pouvait, par moments, avoir un côté légèrement distant. Nous avons travaillé sur l'interactivité et l'ouverture. Je pense que nous avons su rendre la marque plus sympathique.

 

Comment vos rapports avec vos agences se sont-ils passés?

 

O.R. En premier lieu, je veux souligner que nous considérons les agences comme des partenaires dans la durée. C'est vital dans un marché aussi mouvant. On a besoin de stabilité dans les équipes. J'ajoute, en second lieu, que notre exigence vis-à-vis de nos agences est très importante. Les études nous disent qu'Orange fait partie, avec Google, Facebook, TF1 et M6, des cinq marques qui ont un impact dans la vie des gens au quotidien. C'est une responsabilité. En troisième lieu, j'ai voulu mettre en place un mode de fonctionnement transversal. Quand je suis arrivée, j'ai créé une sorte de traumatisme: j'ai invité les gens d'Havas à assister aux réunions du mercredi dans la salle réservée à Orange chez Publicis. Ce n'était pas gagné mais, au final, je pense que ça s'est bien passé. Dans le même esprit, nous travaillons beaucoup en hub créatif avec des partenaires comme Google, Facebook et Twitter.

 

L'un des points de friction dans la relation annonceur-agence, ce sont les compétitions. Qu'en pensez-vous?

 

O. R. J'ai un point de vue qui n'engage que moi : je trouve que les agences passent beaucoup trop de temps sur les appels d'offres et les compétitions. C'est une perte de valeur monumentale pour tout le monde, et un système archaïque et désuet.

 

Et concernant un autre point délicat, la rémunération des agences?

 

O.R. Distinguons les agences de création des agences médias. Les premières n'ont pas tant souffert que cela, grâce au développement du digital sur lequel nous avons mis de réels budgets. Les agences médias, elles, disposent d'une marge d'amélioration par le service lié aux croisements de données. Certes, tout annonceur est très soucieux de la sécurité de ses données mais il y a des croisements possibles de données médias et de certaines données marketing et CRM [gestion de la relation client], «anonymisées» bien sûr, qui permettent de réaliser un travail bien plus fin. On est tout au début de la big data. Les agences ont de réelles opportunités face à des Google, Amazon, IBM, Capgemini, etc. Elles ont un rôle à jouer, car elles connaissent bien leurs clients-partenaires. Il faut inventer une nouvelle forme de rémunération, avec des règles qui restent à définir sur ce volet-là. Mais cela va prendre plusieurs années, je le dis très humblement.

 

Depuis trois ans, vous avez diminué la part de l'achat médias dans les dépenses de communication d'Orange. Cela va-t-il continuer?

 

O.R. Nous sommes dans un marché qui doit travailler beaucoup plus l'attachement dans la durée, avec un développement des moyens alloués à la relation client et au service, mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser nos concurrents nous rattraper en part de voix, compte tenu de l'importance de notre part de marché.

 

Les télécoms, pour les opérateurs historiques, sont devenues essentiellement un marché de fidélisation...

 

O.R. Cela dépend. Regardez Sosh, une marque sans engagement. Elle s'adresse aux hyperdigitaux surconnectés, des jeunes adultes toujours en mobilité. Mais elle peut aussi bien intéresser des consommateurs opportunistes. La difficulté aujourd'hui est d'arriver à canaliser des gens qui sont en recherche de bons plans mais restent attachés à une valeur de marque. La page est en train de s'écrire...

 

Votre stratégie est-elle de convertir les clients de Sosh en clients Orange?

 

O.R. Je ne vais pas vous dire le contraire! Les clients de Sosh savent que c'est Sosh by Orange et, à un moment donné, ils souhaitent rejoindre la «grande maison». C'est ce que montrent les études. Les deux marques ne sont pas en lutte, elles sont complémentaires, c'est très important.

 

Orange pourrait-elle lancer d'autres marques, à l'instar de Sosh?

 

O.R. Je ne vais écrire la page que Fabienne Dulac [nouvelle directrice de la communication] écrira mais je dirais qu'Orange a toujours été très forte dans la simplicité. Les grandes priorités sont 4G, fibre, service. Rester simple, c'est ce qui fait d'Orange une marque universelle, l'une des cinquante qui compte dans le monde selon le classement Interbrand.

 

Vous êtes très présente sur Twitter, et pas seulement pour relayer les actualités corporate. En quoi est-ce un média important pour vous?

 

O.R. Je fais attention à ce que je tweete. J'ai une approche assez anglo-saxonne, avec une certaine réserve. Twitter m'a permis de rencontrer des gens que je n'aurais pas eu l'occasion de voir ou de côtoyer. C'est aussi une fantastique source d'information. Je note également l'influence que peut avoir un tweet pertinent. Certains des tweets de Delphine Ernotte-Cunci, directrice exécutive d'Orange France, sur l'Arcep ou la fibre, par exemple, ont rencontré un réel écho.

 

Encadré

 

Dates-clés

 

14 janvier 1968. Naissance à Paris.

1989. Diplômée d'HEC.

Juillet 1989. Chef de produit chez Bourjois.

Janvier 1992. Chef de groupe chez Yves-Saint-Laurent.

Janvier 1996. Directrice marketing international de Lancôme (L'Oréal).

Mars 2001. Directrice générale France.

Janvier 2003. Directrice générale adjointe Etats-Unis.

Février 2005. Directrice générale international et présidente.

Septembre 2009. Directrice marketing client grand public chez Orange France.

Mars 2010. Directrice de la marque et de la communication.

Octobre 2013. Directrice de la stratégie client et data.

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