Le Prix Effie célèbre cette année ses vingt ans. En deux décennies de palmarès, il s’est imposé comme une référence majeure pour les professionnels de la communication.

Vingt ans de campagnes de communication, 20 Grands Prix, 200 campagnes distinguées, 2000 soumises à l'arbitrage des jurés... Le Prix Effie n'est pas qu'un grand rendez-vous fixé chaque année aux professionnels de la communication, c'est aussi un observatoire de la publicité, de ses pratiques, techniques, ressorts économiques et résonances sociétales.

 

Créé aux États-Unis en 1968, décerné en France depuis 1994, le Prix Effie récompense les annonceurs et leurs agences sur la base de critères normés d'efficacité de leurs campagnes. Un parti pris unique dans un univers professionnel dont les étalons de reconnaissance relèvent généralement davantage de considérations sur la créativité des campagnes.

En France, la marque Effie est coexploitée par l'Association des agences-conseils en communication (AACC) et l'Union des annonceurs (UDA).

 

«Cette double tutelle ainsi que les partenariats noués avec des institutions professionnelles confèrent au prix sa dimension de référence.Effie est uneœuvre collective, au confluent de l'ensemble des ressorts de la communication et au cœur de la vie des entreprises», note Didier Beauclair, directeur des médias et relations agences de l'UDA.

 

La valeur de référence des Prix Effie tient en un principe: l'efficacité est la raison d'être de la communication. Mais en communication, qu'est-ce que l'efficacité? Quels en sont les ressorts? Comment se diluent-ils dans l'histoire? Peut-on identifier de grandes constantes d'une campagne réussie?

 

Autant de questions auxquelles répond le livre Oui, la communication est efficace (éditions Kawa, 2013), rédigé par Luc Basier (lire ci dessous) et publié à l'initiative de l'AACC et de l'UDA. «Ce livre est une manière de marquer les 20ans d'Effie, explique Marie-Pierre Bordet, vice-présidente déléguée générale de l'AACC, mais aussi d'apporter notre part à la réflexion collective sur l'évolution de nos sociétés, où les marques et leur communication agissent comme des révélateurs.»   

 

voir le palmarès  du Prix Effie 2013 

 

 

Entretien

 

« La règle ? C'est de ne pas en avoir ! »

 

En compulsant vingt ans de campagnes, le planneur stratégique Luc Basier analyse les constantes d'une publicité dont la performance tient notamment à sa capacité d'audace.

 

Comment avez-vous abordé ces vingt ans d'efficacité publicitaire ?

 

L.B. J'y ai pris beaucoup de plaisir. Même pour un professionnel aguerri aux mécanismes de la communication et de son efficacité, c'est impressionnant de se plonger dans vingt ans d'histoire de la publicité, de prendre la mesure de toute l'intelligence, l'inventivité, l'audace, la précision, la cohérence des stratégies conçues par les meilleures agences pour les meilleurs annonceurs.

 

Comment votre livre s'articule-t-il ?

 

L.B. Autour de trois parties. La première dresse une chronologie des campagnes distinguées et s'intéresse aux évolutions de la communication qu'elles décrivent, dans ses variantes et ses constantes. La deuxième met en évidence,  à l'aune notamment des Grands Prix, des traits qui semblent peser dans l'efficacité des stratégies gagnantes. Enfin, le dernier
chapitre rappelle les fondamentaux aux futurs candidats au Prix Effie et, plus largement, à tous professionnels de la communication.
J'ai voulu un ouvrage qui appelle à la fois un regard critique, analytique - pourquoi pas soutenu par la sociologie, l'économie, la psychologie - et constitue un outil pratique.

 

Avec le recul, peut-on identifier des règles de performance publicitaire ?

 

L.B. Oui et non. En fait, je serais tenté de dire que la première règle de l'efficacité, c'est de ne pas en avoir. Ce qui m'a frappé en décryptant ces vingt ans de Prix Effie, c'est que les campagnes les plus réussies, c'est-à-dire ici les plus efficaces, ont toutes ou presque misé sur l'audace, sur des partis pris hors normes, sur des stratégies de rupture. Bien sûr, il existe des clés d'efficacité - ou plutôt d'ailleurs des garanties contre une inefficacité totale. Mais la superefficacité, la clé de -réussite des meilleures campagnes, c'est la capacité des communicants à sortir du chemin, à faire de l'inédit.

 

Mais tout de même, en vingt ans, la communication des marques a beaucoup changé, non ?

 

L.B. Là encore, oui et non. Oui, dans le sens où les technologies, Internet puis le digital ont créé de nouveaux espaces d'expression, modifié l'ossature méthodologique des stratégies et généré de nouveaux biais de mesure de l'efficacité. Mais cette incontestable montée en puissance d'un nouvel outillage n'a pas véritablement transformé la donne. Il est même surprenant de constater à quel point les ressorts fondamentaux de l'efficacité publicitaire - argumentation des dossiers, indicateurs, études - ont peu bougé. Sans doute parce que les mécanismes de la conviction sont très stables. La campagne du premier vainqueur, en 1994, Omo, n'a rien à envier à la plupart des suivantes. La marque joue alors sur une communication franchement décalée, pastichant les codes de la publicité lessivière en mettant en scène des singes s'exprimant en « poldomoldave », une langue qui rencontre un tel écho qu'elle sera même reprise sur les bancs de l'Assemblée nationale !

 

D'un point de vue plus factuel, quels sont les grands « gagnants » de ces vingt ans de Prix Effie ?

 

L.B. La grande consommation alimentaire est la catégorie la plus souvent primée, au fil de ces vingt ans, avec quatre Grands Prix. Sans doute faut-il y voir un retour de crédit logique au secteur qui a inventé le marketing. Suivent, avec trois Grands Prix chacun, la distribution et la communication d'intérêt général. Au total, ce sont 18 annonceurs qui se partagent les 20 Grands Prix, dont deux qui l'ont remporté à deux reprises, Evian et l'INPES. Enfin, il faut -également mentionner le poids des grands groupes. Danone, Nestlé, McDonald's, la -Française des jeux... tous ont remporté - et à de nombreuses reprises - des prix dans leur catégorie. Mais la prépondérance des grands groupes n'exclut pas, a priori, les marques plus modestes de faire preuve de performance, comme en témoigne la constance de Mapa-Spontex qui, avec son hérisson Bernie, a remporté cinq fois le prix de sa catégorie.         

 

L'auteur en bref. Sociolinguiste de formation, ethnologue urbain, enseignant en sciences sociales (université Paris 1), chercheur (CNRS-ENS Saint-Cloud), Luc Basier est devenu planneur stratégique il y a 25 ans. Après avoir travaillé pour de grandes agences de communication en France et à l'international (Publicis Conseil, DDB Paris et BMP Londres, Leagas Delaney Paris Centre, Ogilvy, Euro RSCG C&O, Young & Rubicam Paris), il est aujourd'hui indépendant. A plusieurs reprises, il a été membre du jury Effie.

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