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L’équipe de France de football disputera la Coupe du monde à partir du 12 juin 2014 au Brésil. Mais pour les sponsors, les agences, les médias et la fédération française, la machine est lancée.

Nike y croyait. Vendredi 19 novembre, quand, à 22h50, le tube du groupe Bellini Samba de Janeiro est poussé à fond dans les haut-parleurs du Stade de France à Saint-Denis, une poignée de collaborateurs de l'équipementier des Bleus part à Paris. Leur mission: apporter dans les rédactions des chaînes d'info le nouveau maillot des Bleus, celui qui sera porté lors la Coupe du monde dont ils viennent de décrocher la qualification en battant l'Ukraine 3 à 0.

Nike ne voulait pas perdre une minute. Mise en vente dès le 5 décembre (de 70 à 120 euros), la tunique des tricolores pourra se glisser sous le sapin de Noël. «A part lors du tirage au sort des poules, le 6 décembre, on ne parlera plus Coupe du monde ou équipe de France jusqu'à début mars 2014 pour le match amical face aux Pays-Bas», explique-t-on chez Nike.

Le Mondial se disputera du 12 juin au 13 juillet au Brésil. Mais pour les partenaires de l'équipe de France de football, elle a déjà débuté. Les communications et opérations de promotion réclament plusieurs mois de mise en place. Pour ne pas se rater, certaines marques avaient même pris de l'avance, en tirant des plans sur la comète. Autant dire que, pour elles, la qualification des Bleus a été une délivrance.

Carrefour, partenaire officiel, craignait de devoir ranger ses opérations promotionnelles dans un tiroir. «Ce partenariat avec l'équipe de France de football est pour nous un élément différenciant face à la concurrence, indique Eric Marchyllie, responsable du sponsoring au sein de l'enseigne. Nous avions déjà travaillé sur le sujet et avancé autour des projets, mais cette qualification nous permet de tout lancer. On va pouvoir utiliser les images des joueurs dans les magasins et travailler concrètement avec la fédération.» L'opération barbecue avec les Bleus est en marche.

Enthousiasme identique chez Coca-Cola, fournisseur officiel de la Fédération française de football (FFF). En cas de non-qualification des Français, la marque de boissons, qui profitera aussi en février 2014 de son sponsoring des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi, aurait toujours pu s'appuyer sur son partenariat avec la Coupe du monde pour relayer ses communications. «Mais cela aurait eu moins de saveur», avoue-t-on en interne. Pour l'événement, Coca-Cola devrait développer son axe «sport et musique» déjà activé l'an passé à Londres pour les JO d'été. La samba brésilienne offre à la marque un support festif tout désigné. La communication du géant américain du soda sera sans doute lancée en France le 9 mars prochain à l'occasion de la visite à Paris du trophée de la Coupe du monde en tournée mondiale… parrainée par Coca-Cola.

Pour Crédit agricole et GDF Suez, deux autres partenaires majeurs, les problèmes n'étaient pas techniques. La qualification, ou pas, de l'équipe de France de football sous-entendait une communication, ou pas, des deux entreprises. «Nous n'avions rien prévu et attendions le match de barrage de la France, confie une responsable de la banque verte. On va maintenant travailler avec nos agences de communication.»

Dernier sponsor majeur, en dehors de Nike, le PMU attend beaucoup de la Coupe du monde. Ce sera un événement important pour les paris sportifs. La présence des Bleus renforcera l'intérêt et les enjeux seront plus élevés dans l'Hexagone grâce à la présence de Franck Ribéry et de ses coéquipiers. La société de paris en ligne profitera pour sa communication d'un thème fort, différenciant, là encore, des traditionnels messages promotionnels de cotes de la concurrence.

Des sponsors s'interrogent

Les partenaires sont contents, la Fédération française de football aussi. Dans l'instance sportive, on souffle: tous ses contrats arrivent à échéance fin juin 2014. La perspective du Brésil devrait donner un peu plus d'envie aux sponsors hésitants de se réengager pour quatre ans de plus. Noël Le Graët, son président, clame que «la quasi-totalité des contrats sont déjà reconduits». En fait, les trois quarts, et notamment les plus importants, ont donné un accord de principe. «Un contrat de ce type, c'est cinquante pages et plusieurs mois de travail, précise un partenaire. Si les conditions financières sont définies depuis quelques temps, il reste à détailler les activations ou les dates auxquels nous pouvons voir les joueurs.» Même si les tarifs n'augmentent pas, le nouveau plan marketing de la FFF (lire par ailleurs), qui ouvre des places supplémentaires aux partenaires majeurs, devrait mécaniquement faire progresser les recettes.

Mais tous les sponsors ne repartiront pas avec les Bleus. Ainsi Pages jaunes, Brioches Pasquier et Citroën s'interrogeraient. D'après nos informations, le constructeur français, qui investit 4 millions d'euros annuellement dans ce partenariat, serait déçu des retombées. Et préférerait augmenter sa présence avec le club du Paris Saint-Germain.

La FFF va donc devoir trouver une autre voiture pour les Bleus. Afin de séduire un constructeur, elle compte sur une amélioration de l'image de l'équipe de France. «Nous ne sommes pas inquiets, affirme Florence Hardouin, directrice générale déléguée de la FFF. Avec cette qualification, il s'est passé quelque chose.» L'instance, qui compte aussi augmenter les ventes de produits dérivés «FFF», sur lesquels elle touche des droits, relancera en 2014 sa campagne «Fan des Bleus» pour remobiliser les supporters de l'équipe de France.

Les opérations événementielles se précisent aussi. Kia, sponsor de la Coupe du monde au Brésil, confirme ses Fan-Fest, des rassemblements populaires où le grand public pourra suivre les matchs sur écran géant.

Optimisme des agences

Sponsors actifs, campagnes de communication… autant d'agréables nouvelles pour les agences. «Oui, clairement, une élimination de la France aurait eu une incidence sur notre marge brute, signifie Gilles Portelle, directeur général d'Havas Sport & Entertainment. L'an passé, année des Jeux olympiques de Londres, notre marge brute a progressé de 10%. Les effets sont visibles.» L'agence, qui travaille pour plusieurs sponsors des Bleus, dont Coca-Cola et le PMU, bénéficie directement de la qualification de l'équipe de France. Pour d'autres, c'est de manière indirecte. «Cette qualification, avec la manière, c'est ce qui pouvait arriver de mieux pour le football, se réjouit François Guyot, directeur général de Sport Market. Les annonceurs vont avoir la volonté de revenir à l'exploitation de leurs droits.»

L'optimisme est également de mise chez les agents d'image qui, du coup, remettent en avant leurs footballeurs. «On était plutôt à l'arrêt, avoue Frank Hocquemiller, cofondateur de VIP Consulting. Maintenant, il va falloir travailler, car les marques ont trop besoin du football et de ses représentants pour communiquer.» Toutefois, il est peu probable que les annonceurs ressortent tout de suite leur carnet de chèques pour s'offrir un joueur. «Tout est une question d'image, il est nécessaire qu'ils gardent un comportement exemplaire, poursuit Frank Hocquemiller. Nous sommes en voie de guérison.»

Les médias respirent

Justement, c'est une cure de vitamine C qu'offre l'équipe de France à TF1. La chaîne, qui a déboursé 130 millions d'euros pour obtenir les droits exclusifs de tous les matchs de la Coupe du monde, cherche à en revendre une partie… en conservant les 27 meilleures rencontres, dont celles des Français. En 2010, pour la compétition en Afrique du Sud, elle avait cédé une partie des droits à Canal+ et à France Télévisions pour 33 millions d'euros, sur les 120 engagés.

La Une publiera les tarifs publicitaires des écrans durant l'événement après le tirage au sort des matchs de poules prévu le 5 décembre. Mais les offres de partenariat sont déjà disponibles: 2,2 millions d'euros pour être l'une des quatre marques annonçant les matchs à l'antenne. TF1 Publicité n'a pas encore tout vendu.

Plus encore que TF1, c'est sans doute le groupe Amaury qui avait le plus à perdre avec une non-qualification des Bleus. A L'Equipe, dont les ventes ont chuté de 11% pour les neuf premiers mois de l'année, on croisait les doigts. Une défaite aurait représenté 8 millions d'euros de manque à gagner publicitaire. Heureusement, au lieu de cela, le quotidien sportif, mais aussi Le Parisien, et les médias en général, les sponsors et jusqu'aux livreurs de pizzas, tout le monde se mettra en 2014 au rythme du Brésil.

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