Le Brésil dispose de nombreuses marques fortes, dans divers secteurs d’activité, au potentiel international encore peu exploité. Enquête.

Forte d'une image alliant la biodiversité, l'innovation, le développement durable, le bien-être et l'investissement dans l'homme, Natura concentre l'essentiel des valeurs des marques brésiliennes. Impliquée dans l'exploitation des produits issus de zones sensible, cette marque de cosmétiques a compris très vite l'enjeu que représentait le respect de son propre nom: «la nature». Affichage d'un bilan carbone neutre, introduction des recharges dans l'industrie des cosmétiques brésiliens, attention portée aux communautés des zones de production amazoniennes...

 

La RSE, une valeur à travailler

 

Natura est «le vaisseau amiral» des causes environnementales, tranche Almir Lima Nascimento, le chef du service économique de l'ambassade du Brésil à Paris, avant de confirmer l'importance de ce thème pour l'ensemble des marques du secteur, et au-delà. O'Boticario, concurrent de Natura, a ainsi créé sa Fondation pour la protection de la nature, mais on trouve aussi sur cette valeur le puissant groupe de presse Abril, et dans le secteur de la distribution, Pao de Azucar, filiale du distributeur français Casino, qui travaille les valeurs d'innovation et de durabilité.

 

Les Brésiliens sont sensibles à ce positionnement, à en juger par l'étude Ibope Connect : 6 consommateurs sur 10, selon l'institut d'études, se disent prêts à abandonner une marque au profit d'une enseigne impliquée dans la vie de la cité. La première banque du pays, Itau, a intégré cette notion de responsabilité sociale. Elle compte parmi les entreprises privées investies dans les programmes d'éducation, dans l'action culturelle, la mobilité urbaine avec, notamment, la mise à disposition de vélos à São Paulo. Calée depuis des années sur la première marche du classement Interbrand, qui mesure la performance des marques, Itau, comme Bradesco, la seconde banque du Brésil, ont intérêt à investir dans l'éducation, souligne Almir Lima Nascimento en pointant l'enjeu de la formation et de l'amélioration de la qualité de la main-d'œuvre dans un pays qui a vu sa population passer de 100 à 200 millions d'habitants en 40 ans et dont l'indice de développement humain, dans lequel pèsent la santé et l'éducation, reste très faible, bien qu'en progression.

 

 

Décollage de la classe moyenne

 

Cette explosion démographique s'est doublée d'un décollage économique depuis une dizaine d'années, qui s'est traduit par une augmentation du pouvoir d'achat et du nombre de consommateurs. Avec le développement d'une classe moyenne évaluée aujourd'hui à 40 millions de personnes, les entreprises et les marques disposent d'un formidable marché intérieur qui est loin d'être saturé, souligne le responsable du service commercial de l'ambassade pour relativiser la faiblesse des marques brésiliennes en dehors de leurs frontières.

 

Sans surprise, au nombre des marques locales bénéficiant d'une forte notoriété, selon Interbrand, figurent les bières Skol, Brahma et Antartica. Antartica, la bière, à ne pas confondre avec le Guarana Antartica, le soda brésilien par excellence, qui rêve de détrôner Coca-Cola au Brésil. Fabriqué à base de graines fortes en caféine provenant de l'Amazonie, le Guarana a commencé à sortir de ses frontières – on le trouve en France dans les Monoprix, notamment – en surfant sur les attributs brésiliens de joie, de lumière, d'exubérance…

Ces attributs sont utiles pour accompagner des marques de boissons, de vêtements, de chaussures comme les sandales Azaleia ou les célèbres Havaianas, estime Paulo Coelho Mendes, directeur du planning de Almap BBDO, à São Paulo. Mais ces clichés peuvent aussi gêner les marques qui ont d'autres atouts à faire valoir. C'est l'avis de Simon Clift, de Touch Branding, société de conseil stratégique basée à São Paulo, qui déplore, dans un article publié par le Stratégies brésilien, Meio & Mensagem, «O fator Brasil», la façon dont le cliché des 7 S : sun, sand, samba, soccer, sensuality, slums et social inequality (soleil, plage, samba, foot, sensualité, favélas et ingalités sociales) occulte les valeurs de dynamisme et de combativité et freine l'épanouissement international de marques d'une autre nature qu'Havaianas.

 

Havaianas, un peu seul à l'international

 

Almir Lima Nascimento va dans le même sens en mettant en avant la puissance d'innovation que procure un pays neuf riche d'un incroyable métissage. L'Oréal l'a bien compris, note le responsable économique en citant le lien fait par Jean-Paul Agon, PDG du géant des cosmétiques, entre la place de numéro un qu'occupe le Brésil sur le marché des produits capillaires, et l'extrême richesse de cheveux du pays: il existe dix types de cheveux au monde, et ils sont tous présents au Brésil.

Paradoxe d'Havaianas, donc : le scintillant étendard brésilien est une marque un peu seule à l'international. Parmi les rares enseignes qui se sont fait un nom en dehors des frontières, l'avionneur Embraer, spécialisé dans les avions de taille moyenne, est l'un des premiers exportateurs du Brésil. Natura est aussi très active à l'international, avec une présence en France où la marque de cosmétiques a importé son système de distribution appuyé sur un réseau d'ambassadrices. Moins connu et pourtant très important, Friboi est le premier producteur mondial de viande.

 

Première étape, l'Amérique latine

 

 

Toujours dans le registre des richesses naturelles, le groupe d'exploitation minière Vale est la première entreprise exportatrice du Brésil. La Chine est son premier client et après avoir investi en communication sur l'Asie, Vale fait maintenant porter ses efforts de communication sur l'Afrique. Le pays a longtemps exporté les produits de son sol et de son sous-sol, sans toujours les « brander ». Le jus d'orange, le sucre ou encore le café, par exemple, qui se déguste sous les marques Illy (Italie) ou Starbuck (Etats-Unis). Le commerce international BtoB occupe une place importante, confirme le porte-parole d'Interbrand au Brésil, Daniella Giavina-Bianchi , en citant le secteur de l'énergie et de la pétrochimie avec Brasken et Petrobras, celui du papier avec Fibria, la sidérurgie avec Gerdau et le BTP avec Odebrecht, présent dans toute l'Amérique latine.

 

Le continent sud-américain est la première étape pour les marques brésiliennes qui sortent de leurs frontières, comme l'avionneur Embraer ou les chaussures Grendene. La notoriété de la banque Itau y est bien établie. Ce qui n'est pas le cas sur les autres continents où la banque a décidé de se faire connaître par une campagne dans les principaux journaux économiques comme The Economist, le Wall Street Journal, le Financial Times et le China Daily.

 

Chemises blanches et pierre semi-précieuses

 

Une fois franchie l'étape de l'Amérique latine, l'internationalisation, indique Almir Lima Nascimento, passe par l'Amérique du Nord. Giraffas, groupe de restauration rapide spécialisé dans la viande, a ainsi pris pied à Miami avec l'aide d'Apex, l'agence privée d'aide à l'internationalisation, qui compte au nombre des sponsors de la Coupe.

Il est vrai que les marques brésilienne grand public ont encore du mal à percer à l'international. Mais il ne faut pas oublier, souligne Almir Lima Nascimento, que cette internationalisation est un phénomène récent, qui a débuté il y a moins de vingt ans. Et puis, nuance Paulo Coelho Mendes, d'Almap BBDO, les marques brésiliennes sont aussi présentes sur des marchés de niche, confidentiels mais prestigieux et prometteurs. Comme les chemises blanches Hering, associées au « Brésil de toujours », comme le joailler H. Stern, connu pour ses pierres colorées semi-précieuses, ou encore comme le chef Alex Atala du restaurant D.O.M. qui se construit en douceur une stature internationale en travaillant des produits locaux étonnants avec un savoir-faire enraciné dans la tradition. Un mélange d'innovation, de saveurs et de valeurs qui pourraient inspirer les marques lassées des attributs soleil, foot et samba.

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