Institutionnel
Une cible qui peut en cacher une autre, un message aux effets secondaires désastreux, un hiatus entre un récepteur responsable et son comportement irrationnel... L'analyse de quelques grandes campagnes de santé publique par les professionnels dessine, en creux, les axes d'une bonne pratique de la communication grand public.

La communication peut effectivement venir « au secours des causes de santé publiques », pour reprendre le thème du débat qui s'est tenu le 14 mai à l'initiative de l'association Sorbonne Communication. Mais elle peut aussi échouer. Rater sa cible, voire produire des effets de bord désastreux.

En analysant de façon critique et très pédagogique une série de campagnes de santé publique, les professionnels invités ont relevé un certain nombre de travers et de pièges esquissant ainsi des axes d'amélioration pour les campagnes à venir.

 

Comportement irrationnel des cibles

Le dénominateur commun de la plupart des campagnes est de s'adresser à la raison des personnes ciblées : il est raisonnable de ne pas risquer de transmettre le sida, de ne pas mettre sa vie et celle des autres en danger sur la route, de ne pas se détruire à l'alcool. Pourtant, relève Emmanuel Rivière, de TNS Sofres, les études montrent que les cibles de ces campagnes, y compris les cols blancs et les bac++, ont un comportement fondamentalement « irrationnel ». D'où l'importance, dit-il, de compléter des études quanti dont le tamis ne retient que le rationnel, par des études quali.

L'exemple du nucléaire est à ce titre éclairant. Malgré son très bon taux de pénétration, une campagne pour la distribution gratuite de pastilles d'iode neutre destinées à saturer la thyroïde en cas de fuite radioactive s'est révélée être un échec. 86% de la population cible a bien reçu le message, raconte l'homme d'études, mais l'efficacité de la campagne n'a été que de 50%. Pourquoi ? Pour deux raisons : une partie de la population ayant décidé de vivre à côté d'une centrale ne croit pas au risque de fuite, et une autre se dit que l'iode aura un effet dérisoire au regard de la catastrophe.

 

La société n'est pas claire avec l'alcool

Irrationnelle encore, ou incohérente l'approche de la lutte contre l'alcoolisme. Robert Zarader, président d'Equancy&Co, dénonce à cet égard pointe « le french paradox » que constitue la relativisation de l'alcool social et le « défaut d'objectivité » de nombre d'intervenants sur ce sujet.
La société n'est pas au clair avec l'alcool, confirme Lucile Bluzat de l'Inpes pour qui le choix de faire une campagne et pas une autre est un choix politique. Elle pointe notamment l'absence signifiante de campagnes contre « l'alcoolisme des parents». Christian Andreo, directeur de la communication d'Aides, va dans ce sens en pointant la limite des campagnes qui visent une modification du comportement individuel, quand bien souvent c'est la norme sociale qu'il faudrait questionner, notamment l'idée que « l'alcool c'est convivial ».

« Sam le capitaine de soirée », pose un autre type de problème de communication, celui des effets de bord relevé par Eric Phélippeau, président de Byagency et responsable de la FNIM (Fédération nationale de l'information médicale). Cette campagne de la prévention routière met en scène Sam, l'homme qui ne boit pas pour ramener les copains vivants d'une soirée. Qui échapperont du moins à l'accident de la route. Mais pas forcément au coma éthylique, puisque grâce à Sam, montre la campagne, il peuvent boire tout leur soûl.

Eviter les collisions entre grandes causes, ici prévention routière et alcoolisme des jeunes, mais aussi ne pas perdre de vue que le « coût/bénéfice » du destinataire du message varie avec le temps et le contexte, notent Emmanuel Rivière et Christian Andreo : dans les années 80 le sida provoquait une hécatombe, aujourd'hui c'est « une pathologie chronique avec traitement ». Pour garder son efficacité, une campagne de santé publique doit prendre en compte ce type d' évolution.

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