Dossier
Iconoclast Interactive et We are from LA remportent avec Universal I am Other le Grand Prix Stratégies du brand content 2014 pour la vidéo virale de 24 heures faisant la promotion de la chanson «Happy» de Pharrell Williams.

Ils n'ont pas trente ans. Stratégies les avait repérés, il y a quatre ans chez La Chose, et élus Jeunes Créatifs de l'année 2010. Clément Durou et Pierre Dupaquier (We are from LA), sont les deux réalisateurs français du fameux clip de 24 heures faisant la promotion de la chanson Happy de Pharrell Williams qui, avec près de 500 millions de vues sur You Tube - pour la version de 4 minutes - est devenu un succès planétaire, depuis sa mise en ligne en novembre 2013.

Par l'engouement qu'il a suscité à travers le monde, ce clip musical, inédit dans sa durée, a démontré la formidable caisse de résonance que peuvent être les réseaux sociaux, et fait également la preuve qu'un contenu en adéquation avec un produit (ici une chanson) peut lui permettre de rencontrer son public. Car au départ, la chanson Happy, bande originale du film Moi Moche et Méchant 2, sorti en salles au printemps 2013, n'a pas décollé. C'est la décision d'Universal Studios et d'Universal Music de relancer ce morceau, en produisant un clip avec le chanteur, qui va changer la destinée de la chanson, laquelle va devenir, au-delà de sa propre audience, une sorte d'hymne de ralliement contre la morosité ambiante même de protestation politique. Dès la sortie du clip, ont fleuri sur internet plus de 2 000 reprises réalisées par des amateurs du monde entier.

Pour toutes ces raisons, le jury du Grand Prix Stratégies du brand content 2014 a choisi d'attribuer la plus haute récompense à ce qui obtient également un prix dans la catégorie Vidéos virales et interactives. Un choix qui a fait débat parmi les jurés, entre ceux considérant qu'«une chanson n'est pas une marque et donc un clip musical pas du brand content» et ceux estimant, avec le directeur de création Olivier Altmann, cofondateur de l'agence Altmann-Pacreau et président du jury, qu'«un film ou une musique est un produit marketing qui a des enjeux de conquête au même titre qu'une marque» et que «ce clip français mondialement récompensé rappelle aux marques que pour toucher les gens et les impliquer rien ne vaut une grande idée», comme celle de ces deux réalisateurs qui sont avant tout des créatifs d'agence. En effet, Clément Durou et Pierre Dupaquier ont deux casquettes: réalisateurs de clips musicaux (Kanye West, Yelle, Cassius...) et de films publicitaires pour la société de production Iconoclast de Mourad Belkeddar (le spot de Buzzman pour MTV Mobile ou de BETC, «Baby & Me», pour Evian), et concepteurs-rédacteurs free-lance.

Gros travail technologique pour une interactivité simple

En août 2013, le réalisateur et musicien Yoann Lemoine (alias Woodkid), qui travaille aussi avec Iconoclast et pour Pharrell Williams, les contacte. «Depuis deux ans, on lui parlait de notre envie de faire un clip de 24 heures. Il nous a dit que le moment était venu», raconte le duo. Après deux semaines de repérage à Los Angeles, un gros casting en studio, sur Facebook et dans la rue, ils vont filmer pendant dix jours, à toutes les heures de la journée et de la nuit, quelque 350 personnes dansant dans la rue et obtenir ainsi «un plan séquence de 25 heures, pas le plus dingue, comme dans Gravity, mais le plus long, poursuit Clément Durou. Soit la plus grosse banque d'images de chorégraphie avec tous les styles de danse, de danseurs et de décors.»«On demandait aux gens de danser de la manière la plus expressive, de ne pas regarder la caméra, de ne jamais s'arrêter et que, de toute façon, ils seraient dans le clip», ajoute Pierre Dupaquier.  Pharrell Williams, de son côté, accepte de tourner 24 scènes de 4 minutes pour être présent une fois par heure dans le clip et fait même appel à ses copains Magic Johnson, Jamie Foxx et Steve Carrell.

Retour à Paris, le travail se poursuit avec le studio de développement We are Anonymous et Iconoclast Interactive pour la conception du site, qui va héberger le film de 24 heures. «La timeline du site interactif où l'on peut accéder, sans interruption de la vidéo, en cliquant sur n'importe quelle heure, a demandé un gros travail technologique», souligne le producteur d'Iconoclast, Solal Micenmacher. «Comme pour le cadrage du film, on voulait l'interactivité la plus simple possible, expliquent les réalisateurs. On n'est pas des geeks, le digital permet d'amener des contenus de manière différente, mais il n'est pas un contenu en soi.»«Toute la grammaire de ce projet se voulait populaire et accessible», résume Solal Micenmacher. CQFD

 

 

ENTRETIEN

 

«La puissance du Return on Idea»
 
Le directeur de création Olivier Altmann, cofondateur de l’agence Altmann+Pacreau et président du jury, revient sur le choix du lauréat.
 
«Happy», la vidéo de 24 heures de Pharrell Williams produit par Iconoclast, Grand Prix Stratégies du brand content 2014, a fait débat parmi les jurés. Vous avez soutenu ce choix. Pourquoi?
Olivier Altmann. Nous avons voulu récompenser le meilleur de la créativité française et, cette année, nous avons un cas formidable, simple, généreux, universel, qui a dépassé nos frontières, touché toutes les populations sur tous les continents, à partir d’une idée de deux créatifs et réalisateur français, Clément Durou et Pierre Dupaquier. Le clip «Happy» ([462 millions de vues] a reçu de nombreuses récompenses internationales [Lion à Cannes, Clio Awards…] et nous, en France, au nom d’une définition étroite du brand content, on se refuserait de saluer ce qui nous a touchés et qui témoigne d’une «French Touch» en termes de créativité. 

Une chanson, ce n’est pas une marque…
O.A. Un film ou une musique est un produit marketing qui peut avoir des enjeux de conquête au même titre qu’une marque. «Happy» était la bande originale du film d’animation Moi moche et méchant 2, et le clip initial sur You Tube n’a pas rencontré son public. C’est bien cette idée de brand content, cette vidéo de 24 heures à l’ergonomie simple et appropriable par tous, qui a permis de faire entrer en résonance le public et l’artiste. Avec cette invitation à ce que chacun produise son propre contenu à partir du contenu proposé.
 
Quels enseignements les marques peuvent-elles en tirer?
O.A. L’artiste a touché les gens par son propos, rien n’empêche une marque de faire un contenu qui dégagerait la même énergie positive sous réserve d’une forme de sincérité. C’est toute la différence entre avoir une communication sur le bonheur et le faire partager, et le communiquer. Aujourd’hui, il s’agit pour les marques de créer de l’attachement au produit, de l’engagement et de la relation, ce qui suppose de partager avec le public un moment, par exemple de divertissement, en acceptant de placer la marque un peu en retrait, comme nous l’avons fait avec Nescafé Really Friends. Le clip «Happy» prouve que le brand content d’«entertainment» n’a pas de frontière et se propage grâce aux réseaux sociaux au-delà d’une cible identifiée. On peut donc être ambitieux en termes d’impact et de résonance, car l’investissement peut être largement amorti. Pour vendre, il faut toucher les gens, les impliquer. Et donc à l’ère du ROI [retour sur investissement], rien ne vaut la puissance d’une grande idée… du Return on Idea.

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