Communication
Les politiques comme les marques adorent la vidéo en direct sur les réseaux sociaux, qui renouvelle les codes du genre. Mais l’exercice ne s’improvise pas.

Lors de sa rencontre avec les salariés de Whirlpool à Amiens le 26 avril 2017, Emmanuel Macron n’a pas hésité à écarter les caméras de télévision pour organiser un échange de 45 minutes avec les employés, diffusé sur Facebook Live. Cet épisode très commenté de la dernière campagne présidentielle a illustré l’irruption de la vidéo en direct sur les réseaux sociaux. Depuis son lancement en juin 2016, la fonction Facebook Live a été adoptée par les médias, les politiques, mais aussi les marques, pour incarner la spontanéité et le contact direct avec le public. Et le géant américain fait tout pour encourager ce format synonyme d’engagement. Il n’est pas le seul : YouTube, Snapchat, Periscope (Twitter), Twitch (site dédié au gaming racheté par Amazon) ont popularisé le direct, rejoints par Instagram Live en janvier 2017. D’après une récente étude d’AOL, 60 % des consommateurs regardent des contenus live au moins une fois par semaine, principalement de l’information, des contenus musicaux et du sport. Quels sont les avantages du live par rapport à une production classique ? Quelles conséquences pour la communication si tout le monde devient producteur de contenu ? Si les utilisateurs apprennent en marchant, on peut déjà tirer quelques enseignements des premières expériences.
Avoir des choses à dire

Tous les contenus ne se prêtent pas au live. Avant de dégainer son téléphone portable pendant un événement, il faut bien réfléchir au message que l’on veut faire passer. « J’ai vu des vidéos live 360 pendant des Fashion Weeks avec des angles morts montrant seulement 90° utiles ou avec des commentaires ouverts auxquels personne ne répond. C’est catastrophique, souligne Christophe Pelletier, partner influence et social media d’Havas Paris. Pour faire du live et a fortiori du 360, il faut avoir une histoire à raconter, un événement ou un lieu qui s’y prêtent. » Pour Julien Ouvrel, head of production de l’agence We Are Social, « un Facebook Live est intéressant s’il implique une cocréation avec l’internaute. Pour la saison 7 de Game of Thrones, HBO avait organisé un jeu dans lequel les fans devaient faire fondre un bloc de glace pour faire apparaître la date du lancement de la série. »
Les tutoriels se prêtent particulièrement bien au live. Pour son client Play-Doh, We Are Social a monté cet été deux opérations lors desquelles les internautes proposaient des figurines à confectionner. Deux sessions d’une heure trente qui ont fait le plein parmi les fans de pâte à modeler : respectivement 88 000 et 73 000 vues, 336 et 273 commentaires.
Le live, ça se prépare

Une diffusion live ne s’improvise pas. Le paradoxe n’est qu’apparent, car même dans le cas du Facebook Live d’Emmanuel Macron décidé en quelques minutes, des community managers étaient sur le pont pour mettre en avant les commentaires positifs. Lors d’un événement où les participants sont invités à partager du contenu sur leurs propres réseaux sociaux, les organisateurs doivent s’assurer de la qualité du wifi et communiquer les bons hashtags. De leur côté, les entreprises sont friandes des codes de la télévision, qui leur permettent une communication moins « léchée » qu’un film corporate. Ainsi, lors du lancement du TGV L’Océane, la SNCF avait organisé une émission sur Periscope animée par Ariane Massenet, avec des invités en direct de Bordeaux (un contrôleur, des blogueuses…) et des questions des internautes. L’événement de quarante-cinq minutes a réuni 80 000 personnes, mais il a été « sécurisé » en amont. « Plus il y a du live, plus il faut que ce soit écrit », assure Christophe Pelletier, qui a monté l’opération. Pas moins de quinze modérateurs étaient mobilisés pour prévenir les dérapages, toujours possibles s’agissant d’une entreprise comme la SNCF. Les commentaires inappropriés étaient invisibles sur le replay et leurs auteurs étaient bloqués pendant quinze minutes pendant le direct.
Penser au replay

« Les clients hésitent à investir des moyens de production dans un live qui n’aura une durée de vie que d’une heure, souligne Benjamin Taïeb, directeur associé de Marcel. Pire encore pour des Snapchat Stories qui disparaissent après vingt-quatre heures. » Dans le cas de la campagne Oasis avec des fruits en animation, il faut en effet réfléchir à deux fois. Mais un contenu live suffisamment intéressant continuera de vivre en replay, et il existe des techniques pour cela. Des Snapchat Stories éphémères peuvent être remontées pour être diffusées sur un autre canal par exemple. « Lors de la conférence “Leaders” de Loïc Le Meur, nous avons organisé de courtes interviews d’intervenants en sortie de scène avec une journaliste habituée au direct, témoigne Christophe Pelletier. Ces capsules de trois minutes sont visibles après l’événement et entrent dans le décompte de l’audience globale. »
Un format complémentaire de la vidéo produite

Certains émetteurs peuvent craindre de nuire à leur image en laissant les internautes communiquer sans filtre, ou en diffusant sur leurs propres comptes des vidéos saisies sur le vif de piètre qualité. Mais, outre que chacun peut apprendre à bien filmer sur son smartphone (il faut faire attention à la lumière, au cadrage, éventuellement ajouter un micro), live et vidéo classique sont complémentaires. La dernière Fashion Week de New York a vu l’adoption massive des formats Instagram Live et Stories, appréciés justement par les maisons de couture pour leur dimension éphémère. Ainsi, Ralph Lauren a organisé un compte à rebours de 24 heures, avec diffusion à chaque heure d’une pastille en coulisses, avant de culminer avec la retransmission du défilé en direct. Des dispositifs qui créent de l’engagement et de la fidélité de la part des fans, en complément de contenus plus sophistiqués, et qui permettent de rentabiliser un événement réservé habituellement à quelques centaines d’invités. Si c’est bon pour la mode, c’est bon pour tout !

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