Annonceurs
Réalité virtuelle, 360 degrés, réalité augmentée, retransmissions d’événements en direct… Les annonceurs ont désormais l’embarras du choix pour séduire les consommateurs.

Si les annonceurs s’intéressent tant aux innovations vidéo, c’est parce qu’ils en attendent un bénéfice en termes d’impact, d’image, de ventes ou de proximité avec leur cible. Et leur engouement se manifeste dans tous les secteurs. Diesel Parfums a lancé en mars dernier avec l’agence 84.Paris une expérience immersive en réalité virtuelle : coiffé d’un casque, le participant avait l’illusion d’évoluer à 350 mètres du sol dans un gratte-ciel de Manhattan. Renault Sport a déployé avec l’agence We Are Social le Pitstop Challenge, un jeu collectif inédit en « social VR » (réalité virtuelle à vivre à plusieurs, sous forme d’avatars). Ce jeu a embarqué plus de 5 000 spectateurs des circuits de F1 sur le paddock Renault, où ils s’évertuaient, après avoir enfilé un casque, à changer des pneus en un temps record. « Le futur de la réalité virtuelle sera social et il pourrait bien redéfinir en profondeur la prochaine évolution des réseaux sociaux », affirme Sandrine Plasseraud, fondatrice et présidente de We Are Social.
Elle n’est pas la seule à y croire : moyennant l’achat d’un casque Oculus Rift (quelque 600 euros) et d’un puissant ordinateur, Facebook permet d’accéder à Spaces, une application qui fait basculer votre réseau social dans la réalité virtuelle. Pour peu que vos amis soient également équipés, vous pouvez alors rencontrer leurs avatars et interagir avec eux. Brice Vinocour, marketing manager France de Facebook et Instagram, se dit lui aussi convaincu que « la réalité virtuelle deviendra à moyen terme (sept à dix ans) une plateforme clé pour la vidéo ». Son groupe a d’ailleurs réalisé un sondage sur ce sujet qui le confirme : 68 % des personnes interrogées voient la réalité virtuelle intégrée à leur vie quotidienne prochainement et 51 % sont enthousiastes à l’idée que cette technologie fasse partie de leur expérience d’achat.
Vers la publicité virtuelle

Dans l’univers de Spaces, on peut imaginer que des annonceurs installent un jour des panneaux publicitaires comme ils le font déjà dans les jeux vidéo de course automobile. Signe des temps, M6 met en place une plateforme publicitaire de réalité virtuelle compatible avec les modes d’achat en direct ou en programmatique pour une diffusion sur tous les écrans digitaux. Les clients de la régie pourront en outre, pour un dispositif 100 % clé en main, faire appel à M6 Unlimited pour la production de leur spot en réalité virtuelle.
La réalité augmentée constitue une autre piste prometteuse : en septembre dernier, Etam ne s’est pas contenté de diffuser en direct son défilé sur internet et de l’« ambiancer » avec les groupes La Femme et NTM. Le fabricant de lingerie a proposé, dans le cadre du jeu concours #EtamExperience, une application qui donnait accès à une version sexy de la chasse aux Pokémon. En la téléchargeant et en se promenant sur la voie publique, les internautes pouvaient faire apparaître sur leur écran de mobile Monica, l’un des mannequins du défilé, en petite tenue. De son côté, Snapchat a lancé une nouvelle génération de filtres, les « world lenses », qui peuvent être sponsorisés et permettent de jouer en réalité augmentée avec la caméra. Six influenceuses positionnées mode-beauté-lifestyle ont récemment relayé cette nouvelle expérience digitale auprès de leurs communautés pour Kenzo Parfums.
Renouveler les comportements d’achat

Ces formats immersifs ne servent pas seulement à faire rêver, à distraire ou à valoriser une marque. « Ils tendent aussi à raccourcir les processus de décision d’achat », relève Pascal Crifo, président de l’agence média Blue449. Equipé d’un casque de réalité virtuelle ou visionnant simplement sur internet une vidéo à 360 degrés, le prospect s’attarde sur les caractéristiques du produit qui l’intéresse mais qui ne peut lui être montré directement. Dans cet esprit, BNP Paribas Real Estate propose un outil de visualisation en réalité virtuelle en 3D et à 360 degrés pour les investissements immobiliers. Quant à la marque Decathlon, elle a lancé avec l’agence digitale Valtech une application de réalité virtuelle grâce à laquelle ses clients testent dans le rayon concerné les tentes de sa gamme Quechua comme si elles y étaient montées. Cet outil d’aide à la vente, précieux dans les magasins de centre-ville – où l’espace est compté –, va rapidement intéresser d’autres firmes. Mais on peut imaginer aller encore plus loin. « Demain, plutôt que de se rendre chez un distributeur de meubles ou d’automobiles, on enfilera un casque de réalité virtuelle et on configurera à distance son modèle en dialoguant avec un conseiller virtuel issu de l’intelligence artificielle. Cette expérience ludique se déroulera avant la visite réelle sur le point de vente », prédit Stéphane Maguet, directeur de l’innovation à l’agence We Are Social.
La diffusion de vidéos événementielles en direct à l’occasion du lancement d’un nouveau produit constitue une autre tendance forte. Il est vrai que les entreprises ont désormais l’embarras du choix avec Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter, LinkedIn, YouTube… Les innovations pouvant se cumuler, on verra bientôt des marques proposer aux internautes d’enfiler un casque de réalité virtuelle pour visionner en direct et à 360 degrés des vidéos avec de la réalité augmentée. Cela pourrait séduire les marques de mode lors des défilés, les noms, les prix des modèles et la possibilité d’achat à distance s’affichant dans le champ de vision des fashionistas.
Les annonceurs se convertissent enfin aux « stories », ces vidéos éphémères en format vertical popularisées par Snapchat et Instagram. Par rapport à la publicité classique, où les marques affichent leur obsession du contrôle total de leur image et des contenus véhiculés, « les stories s’inscrivent dans une communication plus spontanée, tandis que le format vertical qui facilite l’affichage plein écran améliore la mémorisation », pointe le responsable marketing France de Facebook et d’Instagram.
Proposer un véritable récit

Pour séduire avec ces vidéos, les annonceurs doivent soit frapper vite et fort avec des images bluffantes, soit utiliser des formats longs propices au brand content et à un vrai récit dans lequel le produit s’insère naturellement. Melty a ainsi lancé en septembre dernier avec la chaîne de restauration Subway une vidéo humoristique intitulée « Ces Français qui ne sont pas amis avec l’anglais », empilant de courtes séquences où célébrités comme inconnus massacrent la langue de Shakes­peare. La marque apparaît lors d’une tentative malheureuse de commande d’un sandwich à un vendeur qui ne parle que l’anglais, le produit promu n’apparaissant qu’à la fin. Résultat, un film viral qui avait déjà récolté début octobre 539 000 vues et plusieurs milliers de commentaires, likes et partages. Autre format émergent, les séries. Celle réalisée pour AccorHotels intitulée « Je me range », qui accompagne l’influenceur Tonio Life à Dubaï pour enterrer sa vie de garçon, a généré en cinq épisodes 75 millions
de vues et 131 000 interactions sur Facebook et Twitter.
Reste que ces innovations n’empêchent pas l’effet de curiosité de s’estomper rapidement. D’ores et déjà, « il faut s’entourer de bons producteurs de contenus et de story­tellers qui sauront vous emmener encore plus loin grâce à ces technologies », recommande Anaïs Berno, responsable marketing et développement d’Elephant at Work. Et pour émerger, les marques devront également continuer d’acheter de l’espace sur les médias sociaux pour toucher une audience conséquente. Sans oublier que, quels que soient les efforts déployés, la plupart des vidéos publicitaires sont vouées à être zappées avant leur fin. Un dommage que relativise Brice Vinocour, pour qui « un visionnage de quelques secondes suffit à mieux faire connaître la marque et à générer une intention d’achat. C’est aux annonceurs de s’adapter en concevant autrement la narration, afin d’avoir un impact immédiat sur l’audience ».

Aller vers plus d’innovation
« La production de contenus vidéo innovants demeure sous-financée par rapport à l’audience générée sur internet, plaide Bruno Smadja, fondateur des Cross Video Days, qui organisait début octobre la rencontre à Paris entre investisseurs et porteurs de projets. Les marques devraient s’y intéresser davantage. » Le financement des webdocs, webséries ou films décoiffants en réalité virtuelle ou 360 degrés qui font les beaux jours des Cross Video Days pourrait ainsi passer par la publicité ou le mécénat, mais on en est loin. La raison ? Les annonceurs préfèrent généralement s’approprier eux-mêmes ces innovations pour promouvoir leur marque. BNP Paribas a fait récemment exception à cette règle : la banque a, à l’occasion de la sortie en salle de Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson, sollicité un artiste pour concevoir une application qui embarque le spectateur dans une virée en 2740, en réalité virtuelle ou en vidéo 360 degrés visible sur YouTube.

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