Économie
Alors que le gouvernement met en place des mesures «Airbnb», la Fédération des plateformes collaboratives milite pour une nouvelle fiscalité. Entretien avec Teddy Pellerin, son président.

La Fédération des plateformes collaboratives, qu’est-ce-que c’est?

Teddy Pellerin: C’est un groupement créé par huit start-up, en 2015, et composé aujourd’hui d’une vingtaine de plateformes dites de l’économie du partage. L’idée est de faire remonter nos problématiques communes, même si nous ne sommes pas tous sur les mêmes secteurs (hébergement, mobilité…), de formuler des propositions et de structurer ce mouvement. L’économie collaborative est un écosystème qui rencontre encore des difficultés à avoir un cadre légal adapté à son développement. Nous organisons un événement tous les 3 ou 4 mois.

 

Quel est son rôle ?

D'abord : informer. Une personne chargée des affaires publiques suit l’actualité législative et remonte les infos aux entreprises membres de la Fédération. Le deuxième rôle est de formuler des propositions communes qui répondent aux attentes de chaque acteur. Troisièmement, un rôle de conseil auprès des nouveaux entrepreneurs de ce domaine.

 

Quel est le principal sujet du moment ?

Celui de la fiscalité. Toute la difficulté de cette économie est de distinguer un particulier, qui pratique une activité occasionnelle, d’un professionnel qui utilise ces applications comme emploi. Pour l'heure, les législateurs ont tendance à préférer réguler secteur par secteur. D’attendre qu’un secteur grossisse et commencer à poser des problèmes pour réagir. Nous, nous souhaitons bâtir un socle commun à toutes les plateformes, quitte à venir modifier certains détails par secteur, en aval. Nous défendons plutôt un système de seuil annuel, 5 000 euros par exemple, toutes plateformes confondues, au-delà duquel un particulier deviendrait un professionnel. Une fois que ce cadre verra le jour, il permettra aux nouveaux usages de se développer. C’est important pour nous que les activités occasionnelles des particuliers soient reconnues comme telles. Cela évitera des démarches administratives lourdes qui freineraient cette économie. Louer sa voiture une fois tous les trois mois sur Drivy, par exemple, ne doit pas demander de grandes démarches. Le succès de l'économie collaborative repose sur la simplicité !

 

L’image, très positive à l’origine, des plateformes collaboratives a été ternie ces dernières années. Votre rôle est-il aussi de mieux communiquer ?

Tout l’enjeu est de distinguer le monde professionnel du monde des particuliers. On dit souvent que la première plateforme collaborative était Couchsurfing, créée en 2002 pour permettre de loger chez l’habitant, sans échange d’argent. Ici, le mot « économie » n’était pas présent. C’est à partir de 2008, avec Airbnb qui s’est développé très rapidement, que l’économie du partage a atteint sa maturité et s’est dupliquée sur d’autres domaines. Il ne faut pas avoir honte d’utiliser le mot économie ! Ces plateformes sont des entreprises. Elles fonctionnent avec des commissions pour financer leur fonctionnement et rémunérer leurs employés. L’économie du partage est l’évolution naturelle des services entre particuliers grâce au numérique. Mais il faut structurer ce marché, afin qu’il reste sain pour les utilisateurs, comme pour les professionnels.

 

Toutes les applications font-elles partie de la Fédération?

Quasiment oui. Notez que BlaBlaCar, fondée en 2006, ne fait pas partie de la Fédération, considérant que son modèle est un peu hybride, car sans bénéfice pour le conducteur. Pour ma part, j'émets des réserves… Je pense que cette plateforme rejoindra la fédération tôt ou tard. Par ailleurs, Uber en France ne fait pas partie de l'économie collaborative : elle cherche à professionnaliser ses utilisateurs. Mais dans certains pays du monde, l’application permet des services entre particuliers.

 

La France est-elle en retard en matière de réglementation ?

Par rapport aux États-Unis, au Canada, à l’Australie ou à la Chine, oui. En revanche, au niveau européen elle est plutôt bien lotie par rapport à l’Italie, l’Angleterre ou même l’Allemagne. Certains pays avancent plus vite, à l’instar de la Belgique qui a spontanément créé un cadre avec un seuil de 5 000 euros, toutes plateformes confondues, et un prélèvement fiscal de 10% à la source, payé par les plateformes. Mais de petits pays, comme l’Estonie, sont aussi très bien équipés légalement.

 

Est-ce que, de manière générale, les États ne sont pas assez agiles face à l’innovation ?

Souvent ils agissent en réaction, sans avoir créé un cadre en amont. C’est la raison pour laquelle on pousse des exemples comme le cadre belge. Ensuite, si des secteurs ont des situations particulières, il faut s’adapter. Mais il faut avouer que chaque secteur a ses particularités, et il peut exister des tensions comme sur la mobilité ou l'hébergement avec Uber ou Airbnb… Cela arrive sur des secteurs monopolistiques ou lorsque des acteurs historiques ont l’impression d’avoir trop de réglementation et veulent bloquer l’innovation. Souvent, la réaction consiste à complexifier le cadre pour ces nouvelles applications plutôt que de simplifier le cadre existant. 

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