Entretien
L'Olympique de Marseille a organisé un concours de start-up, pour jouer un rôle dans l'entrepreneuriat français et au niveau local. Rencontre avec son président, Jacques-Henri Eyraud, qui détaille la stratégie plus globale du club de football.

Cela peut paraître surprenant pour un club de foot de lancer un concours de start-up, comment l’idée vous est-elle venue?

Jacques-Henri Eyraud: Tout naturellement, en raison de mon parcours personnel déjà. Je suis devenu entrepreneur en l’an 2000, dans les médias numériques. À l’époque, on accédait à internet via des modems 14K ou 28K et il fallait attendre des heures pour que s’affiche une photo. Et tout cela a changé ma vie professionnelle. Depuis, je suis très impliqué dans l’écosystème entrepreneurial français. Je le suis d’autant plus que j’ai la chance d’être professeur affilié au centre de l’entrepreneuriat de Sciences Po. Donc je suis en contact récurrent avec l’écosystème de start-up.

 

Et vous inscrivez cela dans la stratégie de l’Olympique de Marseille?

C’est même une évidence que d’en faire un volet important de notre stratégie! Ce projet a été le fruit d’une réflexion plus générale sur le sport professionnel et le football en particulier. De mon point de vue, le sport pro n’a pas encore mené sa mutation digitale. Quand on voit ce qui se fait aux États-Unis ou en Asie, on peut dire qu’en France, la techno dans le monde du sport s’est peu développée dans des applications concrètes, que ce soit en matière de performance, ou d’expérience client, alors même que ce sont des aspects importants de la gestion d’un club pro. Il nous semblait donc essentiel de nous ouvrir à cet écosystème. Pour optimiser notre performance, mais aussi pour aller plus loin dans cette recherche ininterrompue d’amélioration.

 

Il ne s’agit donc pas «juste» d’un concours?

Non! C’est une démarche qui se pérennisera dans le temps. Nous voulons jouer un rôle dans l’écosystème. Donc renforcer les liens entre des start-up françaises, étrangères, avec les entreprises… Nous immortaliserons tout cela notamment lors de la mi-temps du match entre l’OM et Saint-Étienne.

 

Comment va se passer le concours?

Nous avons fait un appel à candidatures, pour toutes les start-up sur plusieurs domaines. Au total, nous aurons 11 équipes de lauréats. La première gagnera la somme de 50 000 euros. C’est un montant inédit dans ce type de concours organisé en France. Ce n’est pas n’importe quel budget! Le concours touche quatre thématiques. La première: le sport en tant que spectacle vivant. Ensuite, tout ce qui touche à la donnée – quand vous avez des dizaines de milliers voire de millions de supporters partout dans le monde, il faut développer la capacité de collecter des données pour comprendre comment ils vivent l'expérience de l’Olympique de Marseille. Autre domaine: la santé au sens large. C’est-à-dire tout ce qui touche à la nutrition, au bien-être, et même pourquoi pas des technologies B2B appliquées au monde médical. Globalement, le concours s’étend sur tout ce qui peut servir à nos équipes pour s’améliorer.

 

Votre objectif est donc de travailler avec les start-up ensuite?

Évidemment! Imaginons que plus de trois dossiers nous intéressent, nous pourrions aussi contractualiser avec elles. Nous n’avons pas encore défini la suite. Tout est ouvert, vraiment tout! Nous mettons en place une politique globale autour de l’entrepreneuriat. Au-delà du concours, nous allons aussi travailler avec notre fondation pour la promouvoir sous toutes ses formes. Nous ne cherchons pas à répondre à un besoin précis pour l’OM, mais à nous engager dans un but social. Le club est très intégré dans la cité phocéenne. Il joue un rôle auprès des habitants, notamment dans les quartiers difficiles. La valeur sociale du foot est réelle, et il nous semble normal que nous apportions notre aide sous une autre forme économique, en permettant à d’autres d’entreprendre.

 

C’est peu courant pour un club de foot… Avez-vous eu des réticences en interne pour monter ce projet?

Aucun blocage. Tout le monde a immédiatement adhéré à la démarche. Au sein de la fondation OM, il y a tout un volet bénévolat. Une organisation qui fait que chaque collaborateur va passer un moment, une journée ou plus avec des acteurs sociaux de la cité. Globalement, c’est vraiment une vision partagée. Vous savez, on est regardé d’une manière particulière à Marseille lorsqu’on travaille pour l’OM. Cela a forcément un côté spécial, plutôt bien vu.

 

Mais à long terme, vous allez devenir bien plus qu’un club de foot?

Je vais vous raconter une anecdote. Je suis allé à la rencontre des dirigeants du FC Barcelone pour leur demander leur vision. Ils m’ont répondu quelque chose d’assez simple: «Devenir la marque sportive la plus populaire du monde». Alors je leur ai demandé comment ils allaient mesurer cet objectif. Et la méthode est assez étonnante: dans cinq ans, toutes les recherches sur Google autour d’un mot clé qui traite de sport en général (résultat, performance, nutrition, santé etc.) doit faire apparaître du contenu estampillé FC Barcelone. Et ce, avant tout autre contenu qui pourrait sortir! Vous imaginez? Alors bien sûr, tout cela doit garder du sens, sans partir tous azimuts, mais c’est une démarche que je trouve très intéressante. Après, il ne faut évidemment pas que ces diversifications fassent oublier l’objectif principal. Notre premier rôle, c’est de gagner un match de foot sur le terrain… 

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