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L'UDA change de positionnement. Jean-Luc Chétrit, son nouveau directeur général, dévoile pour Stratégies sa vision, et quelques points du nouveau plan d'action.

Vous avez lancé un gros projet de transformation de l’UDA...

Jean-Luc Chétrit : En effet ! Nous voulons être moteur de la transformation des entreprises, il nous parait donc nécessaire de commencer cette transformation au sein même de l’UDA. Nous étions très décalés en termes d’équipements, d’outils, et d’organisation, où nous travaillions très en silos : un mode de fonctionnement qui ne correspondait plus à nos besoins. On a donc pris le parti de faire un saut quantique et de se mettre en avance de phase. Nous avons déménagé boulevard Pereire dans des locaux beaucoup plus collaboratifs, en open space. L’utilisation de l’espace a changé. Nous avions 20% de salle de réunion et 80% de bureau, c’est désormais l’inverse. Nous avons revu tous les systèmes d’information, et sommes désormais à 100% dans le cloud, sans serveurs propres. Tout notre système informatique est mobile, nous n’avons par exemple plus de PC de bureau. En ce qui concerne les salles de réunion, le but est d’en faire des lieux augmentés : nous travaillons aujourd’hui en ce sens avec différents partenaires. L’objectif n’est pas de se limiter à des outils de visioconférence, mais de mettre en place de vrais outils de travail interactifs et connectés pour mieux collaborer avec nos adhérents. Nous avons d’ailleurs travaillé avec l’agence Lonsdale pour organiser l’espace : créer un accélérateur pour faciliter les rencontres entre nos adhérents et des start-up, un lab pour qu’elles testent des solutions innovantes, une salle de créativité « Think and Do »… Nous mettons d’ailleurs en place un outil de mindmapping collectif. Pour le moment, pour les personnes de l’UDA, mais à terme, il est largement envisageable que nos adhérents puissent s’y connecter. 

 

Au-delà du lieu, c’est tout le rôle de l’UDA qui change donc ?  

J-L C. : Exactement. Cette mission est au cœur de la réinvention de l’UDA que nous menons : celle de promouvoir la liberté de communiquer dans la responsabilité et celle de créateur de valeur en aidant nos adhérents à être plus efficaces ensemble. Nous voulons vraiment faire de l’association un carrefour d’interactions pour aider chacun des acteurs de l’écosystème à avancer. Nous avons d’ailleurs nommé notre nouvel espace de travail le « Transfo », pour que ce soit un lieu que nos adhérents puissent s’approprier. Nous souhaitons donner tout le confort possible à nos adhérents pour qu’ils réalisent leur transformation numérique. Cela passe évidemment par plusieurs étapes : nous les testons, mettons à leur disposition les ressources nécessaires à cette transformation puis les accompagnons dans la mise en œuvre. 

 

Cela va se traduire aussi dans le fonctionnement de l’UDA ?  

J-L C. : Oui. Nous allons désormais fixer ensemble une feuille de route avec les différents métiers de nos adhérents. Globalement, l’objectif est de renforcer notre approche métier. Nous faisons évoluer le format des commissions avec des présidents au profit d’équipes réparties sur les médias, les insights, la data, les affaires publiques…  animées par un team leader. Tout le monde a un agenda commun, et chaque équipe, une feuille de route sur les priorités générales définies en conseil d’administration. Cela nous assure plus de transversalité et d’efficacité. 

 

Et quelles sont les priorités pour l’année prochaine ?

J-L C. : Nous avons décidé de travailler sur les chantiers de la transparence, des efficacité(s), et de la connaissance des publics. Le premier concerne entre autres les problématiques de transparence de la chaine de valeur et de la traçabilité de la publicité programmatique. Plus globalement, il s’agit de la transparence appliquée à toute la publicité digitale. L’efficacité concerne évidemment le ROI, mais aussi toutes les mesures d’efficacité à repenser dans le cadre d’un grand chantier de l’efficacité. En ce qui concerne la connaissance des publics, l’ambition de l’UDA est véritablement de devenir un lieu de référence sur la data, l’insight et foresight. Nous allons inciter nos adhérents à mettre en commun leurs forces et leurs connaissances clients, à partager leurs données de façon pseudonymisée et sécurisée.

 

Comment ?

J-L C. : Nous avons noué un partenariat avec la start-up Mindlytix, qui va opérer une plateforme dédiée. La Quality Open Platform (QOP). Elle sera capable de transformer la donnée en propriétés consommateurs en temps réel, et déclinées sous trois dimensions : ses centres d’intérêts, ses émotions et sa disponibilité. Forts de ces informations, les annonceurs profiteront de ces synergies pour parfaire leurs connaissances du parcours des clients, et coconstruire une plateforme pour mieux s’adresser à eux en renforçant la pertinence des messages et la protection des données personnelles. Et tout cela contribuera également à réduire la pression publicitaire. La dimension d’intérêt collectif de la QOP est d’ailleurs présente jusque dans son statut juridique de SCIC : Société coopérative d’intérêt collectif, pour être pleinement en phase avec l’idée de se regrouper autour de valeurs communes.

 

Comment allez-vous financer cette transformation ?  

J-L C. : Nous avons l’ambition à travers ce programme d’accroitre le nombre de nos adhérents. Nous voulons réellement créer de la valeur pour eux. Nous n’avons pas vocation à être un club fermé. Aujourd’hui, nous sommes à 220 adhérents, ce qui est très respectable ! Mais si on compare à nos voisins européens, en Belgique, en Angleterre, ou dans les pays nordiques, il nous reste une bonne marge de progression pour viser presque le double.

 

Cette augmentation du nombre d’adhérents vous donnera plus de poids également ?  

J-L C. : Oui, et je pense que nous sommes à un stade où nous en avons besoin. Nous serons plus forts dans la relation avec tous les acteurs, en particulier des grandes plateformes internationales. Ils nous considèrent déjà beaucoup, mais l’objectif pour l’UDA est de prendre la parole de plus en plus fortement sur certains sujets.

 

Vous voulez parler de la transparence ?

J-L C. : Elle porte mal son nom, je l’appellerais plus « clarté » que transparence. C’est en effet un sujet important pour l’UDA, mais ce n’est pas le seul. Etant l’association représentative des annonceurs, nous avons une responsabilité particulière sur ces sujets. Nous avons cette capacité à dire ce que nos adhérents pensent mais ne peuvent pas dire car ils sont liés par des relations commerciales. A l’UDA, nous n’avons pas besoin d’être sponsorisés. Quel degré d’objectivité pour quelqu’un qui doit payer pour parler ? Ce n’est pas notre modèle. C’est en totale contradiction avec les principes de l’UDA.

 

Mais pourtant vous pourriez passer des partenariats avec des sociétés ?  

J-L C. : Oui, mais des partenariats stratégiques non financiers, uniquement sur des outils. Ce n’est pas tout à fait le même genre de relation. C’est une vitrine, pour eux, de leur savoir-faire, et cela n’empêche pas d’aborder d’autres sujets en totale liberté. 

 

Donc vous allez aborder des sujets qui fâchent ?  

J-L C. : C’est justement parce que ce sont des partenaires importants pour les annonceurs, que ces sujets doivent être traités. Il n’y aura ni privilège, ni exclusion. Nous savons très bien que les annonceurs font de lourds investissements dans leur solution, et avec des partenaires de cette taille, les annonceurs sont en droit d’en attendre plus d’eux que des autres. Nous allons faire en sorte que la voix de la France soit plus audible. Ne serait-ce qu’internationalement. Nous travaillons avec la World Federation of Advertising (WFA) qui a déjà porté haut ces sujets. Ma récente nomination à son comité exécutif en est clairement un des éléments. Si nous voulons avoir de l’influence, il faut que l’on s’entende sur les sujets d’éventuelle position dominante de certains acteurs, mais aussi sur d’autres sujets comme la réglementation e-privacy sur les données personnelles. 

 

Quels sont les questions principales face aux Gafa ?  

J-L C. : L’un des problèmes principaux est la brand safety. Par exemple, il n’est pas normal de continuer à voir des publicités dans des contextes inappropriés. Certaines recommandations de contenu automatisé renvoient parfois sur des publicités frauduleuses. Trouver au milieu de tout cela un annonceur n’est pas normal : cela dévalorise à la fois le média et l’annonceur. Les GAFA ont une responsabilité particulière, nous leur demandons d’agir. Il y a de mauvaises pratiques à dénoncer, mais aussi des bonnes pratiques à mettre en avant.

L’autre question est celle de la mesure et des chiffres publiés. Les annonceurs n’ont pas les moyens de contrôler, nous avons besoin de certification. Pour les audiences des autres médias, Médiamétrie fait foi, et est certifié par le centre d’étude des supports de Publicité (CESP). Il nous semble normal que Facebook soit certifié CESP par exemple. Nous le demandons, mais tout cela prend trop de temps ! Comptez sur nous pour trouver les solutions pour que cela cesse.

 

Un des sujets à venir de l’UDA comporte aussi les relations avec les agences, et notamment les agences médias. Vous qui venez de l’Udecam, c’est un sujet que vous connaissez bien ! `

J-L C. : Oui, le sujet des agences médias est un sujet qui concerne tous les acteurs de l’écosystème. Aujourd’hui, les annonceurs ont besoin de réponses globales, qui mêlent à la fois la création, les médias et la technologie. Avec ces réponses, la notion de silos est remise en question et tout le monde doit travailler ensemble : cela peut être problématique. Par ailleurs, on ne peut pas mêler les activités de conseil et d’achats d’espace, notamment quand celui-ci consiste en de la revente d’espace déjà achetés… Certaines structures ont des statuts de régies, et effectuent de l’achat-revente. Cela crée, nous semble-t-il un conflit d’intérêt qu’il faut lever ! Comment garantir la neutralité de votre activité de conseil, quand vous avez un intérêt dans la répartition média ? Nous allons annoncer une initiative majeure sur ces sujets dans les prochains jours. Nous allons d’ailleurs travailler avec le cabinet Ebiquity, et tous les acteurs du secteur pour mettre en place les outils pratiques permettant aux adhérents de l’UDA de décrypter la chaîne de valeur et d’obtenir la traçabilité des campagnes digitales.

 

Mais le décret Macron sur la publicité programmatique joue déjà un rôle ?  

J-L C. : Oui et nous voulons créer un choc de confiance et de clarté sur le marché, notamment sur la pub digitale et ’achat programmatique. C’est aussi un changement culturel. Il faut que naturellement, les annonceurs aient la connaissance du prix de l’espace publicitaire qu’ils achètent. Nous sommes conscients que nous sommes passés à l’ère de l’audience planning, et que les espaces publicitaires sur le digital ne fonctionnent pas de la même manière. Mais trop souvent, les modèles restent opaques. Notre discours ne va pas à l’encontre du marché ! Au contraire, nous pensons que c’est justement en recréant les conditions de la confiance, qu’elle ira encore plus loin. Nous ne souhaitons pas porter ce discours de manière isolée, mais au contraire, embarquer tous les acteurs dans cette voie, y compris bien-sûr nos partenaires agences.

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