Télécoms
Renouvelé le 20 février, Stéphane Richard doit désormais porter Orange sur de nouveaux horizons d'opérateur multi-services. Si l'internationalisation n'est plus une priorité, il s'agit de faire fructifier la confiance qu'inspire la marque dans de nombreux domaines.

Stéphane Richard présentera le 5 mars l’état-major qui l’entourera pour son troisième mandat de quatre ans. Pierre Louette devrait, à cette occasion, annoncer son départ de la direction générale déléguée pour rejoindre Les Echos-Le Parisien. Ramon Fernandez, l’autre numéro 2 en charge des finances, et Fabienne Dulac, qui dirige Orange France, seraient confirmés. Renouvelé avec l’approbation des représentants de l’État, le patron a le souci de recomposer son comité exécutif en affichant une meilleure représentativité internationale, une nouvelle génération de managers et quelques promotions internes, notamment parmi les femmes.

Après un premier mandat consacré au rétablissement de la confiance dans l’entreprise, un deuxième, focalisé sur le retour de la croissance, y compris en France face aux coups de boutoirs de Free Mobile, le troisième sera celui de la diversification. De l’Afrique à la télévision, en passant par la cybersécurité ou l’énergie, la feuille de route du patron d’Orange se calcule en sept étapes clés. Avec un leitmotiv : « On souhaite accélérer et repousser les frontières du numérique, explique Béatrice Mandine, directrice de la communication et de la marque. En nous diversifiant sur la base de nos réseaux, nous souhaitons passer de telco à opérateur multi-services. »

1/ L'Afrique

Orange se targue d’être l’opérateur avec la plus forte implantation internationale grâce à sa présence dans trente pays, et plus particulièrement en Afrique où il a réalisé l’an dernier 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Certes, Stéphane Richard a précisé en décembre que l’extension géographique n’était plus une priorité dans les années à venir. Le rachat du sud-africain MTN n’est plus à l’ordre du jour. En revanche, comme le prouve le rebranding des filiales en Orange dans six pays africains (Egypte, Maroc …) et en Belgique, le groupe entend mettre à profit la puissance de sa marque sur le continent en continuant sa croissance (+7 % en 2017). Sur les deux premiers mandats, le nombre de clients a doublé en Afrique.

2/ L'Allemagne

En, 2017, Stéphane Richard a eu le rêve de créer une sorte d’Airbus des télécoms en mariant Orange et Deutsche Telekom. Seul hic, le succès aux États-Unis de T-Mobile, qui appartient au groupe allemand, rend impossible une fusion entre égaux. Orange préfère donc miser pour l’heure sur des actions ponctuelles avec son homologue comme une joint-venture dans les achats ou l’assistant personnel Djingo, qui viendra concurrencer cet automne Alexa d’Amazon ou Google Home. « On ne peut pas se lamenter sur l’hégémonie des Gafa et ne pas avoir de projets », argue Béatrice Mandine.

3/ La banque

Stéphane Richard devrait prolonger sa conquête des services financiers, après le lancement d’Orange Bank le 2 novembre. Le groupe table sur 100 000 comptes début mars, ce qui le mettrait en phase avec sa stratégie de conquérir 2 millions de clients en France en dix ans. L’idée ? S’appuyer sur la solidité de ses investissements télécoms, le maillage de son réseau de boutiques et la confiance qu’inspire sa marque pour développer des business complémentaires. À l’automne 2018, l’Espagne suivra avant, sans doute, la Belgique. « Nous avons créé une marque sœur avec Orange Bank pour profiter d’un effet de halo avec les investissements publicitaires d’Orange – et nous sommes un très gros annonceur - et les boutiques du coin de la rue », confie la dircom. L’Afrique, qui dispose de 36,9 millions de clients à Orange Money, est jugée moins prioritaire mais Orange Bank pourrait être implantée à terme en Côte d’Ivoire et au Sénégal.

4/ La cybersécurité et la data

Une autre activité, promise à un bel avenir touche à la sécurité et à la défense… des données. Représentant déjà 300 millions d’euros de CA, un millier d’experts et 20 % de croissance annuelle, la cybersécurité vise la protection des données, face aux cyberattaques. Orange veut aussi la décliner sous un angle BtoB en concevant des cyberfiltres pour les petites entreprises et les artisans. Un module de ce type a été présenté au Show Hello, en avril 2017.

5/ Le débit

C’est la mère des batailles. Orange compte déjà 9 millions d’abonnés au très haut débit fixe. Stéphane Richard a assuré à Libé qu’en 2021 l’essentiel de la couverture « en fibre optique pour la plus grande partie » serait assurée. Si l’accès dans les grandes villes sera garanti dès cette année, viendra le tour des « zones moyennement denses » d’ici 2021, à savoir les banlieues et les villes moyennes. Reste les zones rurales où vivent 15 millions de foyers : ce sera après 2025, au gré des appels d’offres organisés par les collectivités locales. À terme, Stéphane Richard table sur 85 à 90 % de clients à la fibre. Et sur le « new deal » du gouvernement, annoncé en janvier, de mettre en œuvre l’équipement numérique des territoires.

6/ La santé et l'énergie

Équipement des hôpitaux, traitement des maladies chroniques… Orange ne compte pas laisser aux Gafa l’usage du numérique en faveur de la santé. Au-delà de l’arlésienne du dossier médical partagé, il s’agit d’améliorer le confort de vie à travers l’internet des objets. Là aussi, Orange bénéficie d’un capital confiance. Une telle réputation pourrait permettre d’explorer d’autres terrains comme l’énergie. « C’est un secteur où on est en observation avancée, remarque Béatrice Mandine. En Afrique comme en Pologne, que peut-on faire comme distributeur d’énergie ? Nous sommes un intermédiaire de confiance capable de facturer… »

7/ La télévision

S’il n’est pas prêt de revenir seul dans les droits du foot, Stéphane Richard pourrait partager la facture avec Canal+ lors du prochain appel d’offres de la Ligue 1. Le PDG ne fait pas mystère de sa volonté d’apporter le meilleur des contenus à ses abonnés – il reprendra sans doute SFR Sport (sous un autre nom). De même, après avoir investi dans les films via Orange Studio, l’opérateur se lance dans la production de séries avec Le Nom de la Rose en 2019. Enfin, Orange est favorable à l’entrée dans la plateforme de SVOD de France Télévisions.

Reste une ultime question : Stéphane Richard ne voit-il pas son avenir suspendu à une épée de Damoclès depuis qu’il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour complicité d’escroquerie entre 2007 et 2009, dans l’arbitrage Tapie. Officiellement, le patron est serein et n’a rien à se reprocher. Officieusement, les services de communication d’Orange et Tilder suivent les méandres de cette affaire comme le lait sur le feu : ils savent qu’une condamnation serait le seul élément objectif qui amènerait Stéphane Richard à renoncer, faute de soutien à l’Elysée. Même si, on l'assure désormais, il est « le candidat de Macron ».

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